Vie professionnelle et proche aidant : témoignage

Rencontre avec Sandra, aidante familiale


 

Pouvez-vous vous présenter ? Agée de 42 ans, je suis maman de 2 enfants : Lahna, 5 ans et Kemil, 10 ans, atteint d’une maladie génétique rare provoquant une situation de polyhandicap.

Je suis diplômée du D.C.G. (Diplôme de Comptabilité et Gestion). J’ai quitté en 2012 un poste de cadre senior dans un cabinet d’audit spécialisé après 9 années d’ancienneté pour me dédier à la gestion bénévole de projets d’intérêts en général en lien avec le handicap.

Qu'est-ce que la naissance de votre fils Kemil a changé professionnellement ?

Elle avait comme toute première naissance eu un fort impact en termes d’organisation de la vie quotidienne, avec la maladie en plus. Elle avait créé un statut auquel nul ne se prépare : celui d’aidant familial.

 Il avait fallu en effet trouver un compromis pour satisfaire et ma vie professionnelle et le suivi rééducatif de Kemil, très lourd en pleine errance de diagnostic puisque ce n’était qu’à 2 ans et demi que nous avions appris son anomalie génétique. Matériellement, j’avais bénéficié d’un congé parental pour enfant malade, qui m’avait permis de m’absenter tout en conservant mon activité professionnelle, très importante pour moi et mon équilibre personnel. Cependant, ce congé était limité en nombre de jours.

Les premières crises d’épilepsie pharmaco résistantes étaient survenues avant la fin de mon congé de maternité. C’était donc en toute transparence que j’avais tenu informés mon employeur et ma hiérarchie de l’hospitalisation de mon enfant.

J’avais un poste à responsabilité. J’étais reconnue pour être rigoureuse et organisée. Je m’étais donc lancé le défi de ne pas laisser transparaître ma vie de maman d’enfant malade sur mon lieu de travail. J’en parlais donc très peu. Avant de m’absenter, je laissais des directives claires aux auditeurs que j’encadrais. J’avais construit une équipe pour qu’elle puisse évoluer avec et sans moi.

Mais malgré ces précautions, j’ai dû affronter des questions posées en réunion de CE/DUP. Je n’étais pas préparée à cela. J’ai compris qu’avoir un enfant malade était une épreuve avec des dommages collatéraux. J’avais une étiquette …

A terme, j’ai su démontrer que ma situation n’affectait en rien ma productivité et ce, malgré la maladie et mes absences. Malheureusement, je devais constamment prouver et me justifier. Pour moi, cette situation était complètement injuste. J’avais du mal à accepter la position de ma hiérarchie, surtout vis-à-vis de mes collègues. Le manque de reconnaissance personnelle m’avait beaucoup affectée. Paradoxalement, j’avais continué à évoluer. La question n’était donc pas professionnelle, ni économique. C’était un problème de mentalité et d’ouverture d’esprit. C’était un problème humain ou d’humains …

Enfin, lorsque j’ai obtenu une rupture conventionnelle de mon contrat, une personne de la direction a avoué à demi-mot que mon départ était un échec pour l’entreprise. C’était trop tard …

 

Quelles étaient vos aspirations professionnelles?

Personnellement, je n’avais pas projeté ma situation actuelle. Je faisais partie de ces personnes complètement et professionnellement épanouies. Jamais je n’aurai pensé vouloir quitter le poste que j’occupais.

À quoi ressemble votre vie active aujourd'hui ?

Aujourd’hui, je reste très active puisque je cumule les fonctions de maman, de présidente bénévole dans une association reconnue d’intérêt général et plus récemment, du statut de co-fondatrice au sein d’une SCOP : la fine Ethique, vouée à évoluer en entreprise solidaire à utilité sociale.

A votre avis les entreprises laissent-elles une place suffisante aux aidants familiaux ?

Je dirais tout simplement non car je connais très peu de personnes sensibilisées sur le sujet autour de moi. D’ailleurs, mes collègues me posaient beaucoup de questions malgré ma réserve. C’est un non-statut.

La moitié des aidants familiaux sont en activité. Que faudrait-il faire pour que les aidants familiaux trouvent pleinement leur place dans le monde professionnel ?

Avant toutes mesures, la sensibilisation est nécessaire auprès des hiérarchies, des RH et même des salariés eux-mêmes, il ne faut pas attendre qu’une personne devienne aidante pour penser le faire.

Offrir une flexibilité du temps de travail et « un care management » sont les principaux axes à travailler. Il faut accompagner le salarié aidant et non le stigmatiser. Il manque aussi un relais pour l’aidant au sein de l’entreprise employeuse.

La récente loi relative à l’adaptation de la société au vieillissement de la population est à terme insuffisante notamment quand la maladie s’inscrit dans la durée.

Comment s’absenter ? Comment ne pas perdre sa rémunération ? Comment ne pas finir par perdre son emploi ? Mais aussi, comment réintégrer un emploi après le décès de la personne aidée  et toutes ces années passées auprès d’elle ? Et les retraites ?

Quand la personne aidée est un enfant, la question de l’emploi se pose très tôt et parfois même en début de carrière. Elle est très liée au mode de garde de l’enfant. L’accueil d’un enfant malade ou en situation de handicap est très complexe. C’est donc la double peine. Les parents, souvent les mamans, réduisent ou cessent leur activité professionnelle, les plongeant dans la précarité et l’incertitude sur l’avenir.

Dans un idéal, l’aidant devrait avoir à choisir et non à subir l’effet pervers du monde professionnel inadapté et inadaptable.

Côté famille comment vit-on le handicap ?

Nul n’est préparé. Il faut donc s’organiser, tout anticiper. Une sortie, des vacances, même une séance de kiné, tout devient très lourd à gérer. L’inaccessibilité est un vrai frein à la liberté, à la citoyenneté et même à l’accès au service public. Très vite, le lien social peut être rompu du fait du handicap et de son suivi prenant mais aussi à cause d’une société qui s’est construite sans prendre en compte la question transversale que pose le handicap.

Aujourd’hui, les réseaux sociaux existent. Les échanges y sont très importants y compris pour des questions pratiques et très simples : où emmener son enfant dans un parc adapté ? En vacances ? Comment le prendre en photo pour ses papiers d’identité ? Les choses les plus simples deviennent très compliquées pour nos familles.

Il ne faut pas oublier les autres membres de la famille et les relations avec eux comme continuer à être un couple, veiller sur la fratrie.

Je dis souvent que ce n’est pas un enfant qui est en situation de handicap mais bien toute une famille en situation de handicap.

Si lors d’une sortie, une activité n’est pas accessible à mon fils, sa sœur se retrouve privée en même temps. Au mieux, la famille se sépare. Les activités communes sont donc rares.

Qu'est-ce qui vous a poussée à créer L'association Kemil et ses amis ?

J’ai dû sortir de ma réserve légendaire. J’ai d’abord rencontré quelques parents avec qui j’ai richement échangé. Dès les premières années, de nombreux besoins sont constatés. Le tout premier : l’accessibilité des aires de jeux. Nous avons donc créé l’association Kemil et ses amis pour donner un cadre et aborder des sujets récurrents : de la sensibilisation via l’édition de la BD « C’est pas du jeu ! » au financement de la recherche, en passant par des activités sportives, le tout en fédérant. Il est important d’arriver à ce que tout le monde est libre de faire. Au nom de l’équité.

http://www.kemiletsesamis.org/

Merci Sandra d’avoir accepté de répondre à nos questions.

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