UMTS : les interrogations soulevées par la candidature Free

Il y a quelques mois l’ARCEP a ouvert le processus d’attribution d’une 4ème licence UMTS.

Free est la seule entreprise à avoir déposé un dossier. Celui-ci est néanmoins assorti d’une demande de « conditions préférentielles ».
Est-il bien raisonnable qu’il y ait un 4ème opérateur sur le marché français ? Des conditions préférentielles sont-elles vraiment légitimes ? L’accroissement permanent de la concurrence, quel qu’en soit par ailleurs le coût social, bénéficiera-t-il in fine aux consommateurs ? Telles sont les questions qu’il est légitime de poser.

Oubliées, les contraintes de l’aménagement du territoire…

Examinons les conséquences de l’entrée d’un quatrième opérateur. Tout d’abord, ce dernier, arrivé tardivement,  concentrera ses investissements dans des infrastructures là où les opportunités de clientèles existeront, c'est-à-dire dans les zones à forte densité. Les « zones blanches » déplorées par les pilotes de l’aménagement du territoire seront-elles mieux couvertes ? La France compte seulement 100 habitants au km2 (400 h. aux Pays Bas), la plus faible densité d’Europe avec l’existence par ailleurs de très fortes disparités sur le territoire national. Les règles européennes en vigueur répondent mal à cette particularité. L’aménagement du territoire reste pourtant un enjeu essentiel. Sur l’ADSL, le phénomène de disparité est déjà bien connu. Free est il disponible en Lozère ? Non, seul l’opérateur historique couvre l’ensemble du territoire national au tarif unique imposé par l’ARCEP, supérieur à celui pratiqué par tous ses concurrents. Le résultat est simple : la part de marché de FT est inférieure à 20% dans les villes et de 80% dans le reste de la France, à l’inverse des opérateurs concurrents (Free, Neuf Télécom..) ? Veut- on arriver à la même situation, un téléphone mobile peu cher pour les citadins  et coûteux pour les ruraux ? On serait loin alors de la péréquation républicaine du tarif unique pour le timbre ou l’appel téléphonique
 

Autre conséquence de l’arrivée d’un 4ème opérateur, le coût de l’acquisition du client va flamber. Pour acquérir des clients afin d’atteindre une taille critique, Free n’aura d’autre choix que de dépenser sans compter en achats publicitaires. Il en résultera une augmentation sensible du coût d’acquisition du client pour l’ensemble des acteurs. Ce qui rend peu crédible l’assurance d’une baisse durable du prix pour l’ensemble des consommateurs, à moins que les salariés du secteur en fassent une fois de plus les frais via les licenciements, les déqualifications et les délocalisations.
Enfin, le profil du candidat Free fait surgir quelques questions. Les indéniables succès de cette entreprise ne peuvent laisser dans l’ombre sa fragilité capitalistique au nom de laquelle d’ailleurs, cet opérateur réclame un ticket d’entrée plus favorable sur le marché de l’UMTS. Que se passera-t-il si Free fait par exemple l’objet d’une procédure d’acquisition par Deutsch Telekom ou Telefonica, hypothèses qui n’ont rien de fantaisistes ? Peut-être des négociations dans ce sens sont-elles déjà en cours ? Les conditions préférentielles obtenues seraient-elles alors maintenues ?
 

Le consommateur a bon dos !
Le dogmatisme libéral s’était récemment illustré avec la suppression du vénérable service public du 12 par les innombrables 118. A la suite d’une décision du Conseil d’État, il a ainsi été mis fin à l’ancienne organisation du marché des renseignements où l’opérateur téléphonique offrait le service à l’abonné.
En quelques mois, il a été procédé soit disant dans l’intérêt de ce dernier,  au remplacement des 12, 712, 612, 222 et autres… par une flopée de 118. Pour quels résultats ? Malgré une déferlante publicitaire sans précédent, le trafic a baissé de 30%. Le consommateur a vu les prix multipliés par deux et la qualité notablement diminuer. Des milliers d’emplois de téléopérateurs ont été délocalisés à l’étranger pour maximiser les profits des rares acteurs du renseignement qui sont sortis indemnes de ce merveilleux appel à la concurrence. Qui en sort gagnant ?
 

On peut douter que le mode actuel de régulation constitue une réponse efficace. Le credo communautaire qui veut que l’exacerbation de la concurrence favorise par définition le consommateur prend un tour de plus en plus dogmatique ou démagogique.

Ainsi, la dernière décision de Bruxelles concernant le roaming européen est lourde de conséquences pour les opérateurs et à terme pour le consommateur français. En baissant le prix du roaming, tarif d’interconnexion entre les communications internationales, Bruxelles  veut donner l’impression que les fixations tarifaires se préoccupent d’abord de l’intérêt du consommateur.
Par méconnaissance des contraintes du marché, les résultats concrets peuvent en être très éloignés.
La France est un pays touristique. Le roaming dégageait un excédent de près d’un milliard d’euros sur la balance des paiements française. Cela permettait les investissements nécessaires à maintenir une qualité de réseau.

Un exemple parmi  tant d'autres : la petite ville de Lacanau, dans la presqu’île du Médoc : 4000 habitants en hiver, 55 000 pendant les deux mois d’été, dont une majorité écrasante d’étrangers. Si le prix du roaming s’effondre, quelle capacité de rentabilisation aura l’opérateur s’il fournit pendant deux mois de l’année seulement un service au prix standard ?  Aucune.
En conséquence, dans l’impossibilité de rentabiliser des pointes de trafic, les infrastructures réseaux locales ne seront plus mises à niveau et seront rapidement saturées… Au final, quels bénéfices durables pour le consommateur ?

Le coût social d’une surchauffe réglementaire…

Pour être efficace et pérenne, l’organisation du marché doit viser à la satisfaction tout à la fois du public, des entreprises et de leurs salariés. La cohérence des mesures doit être le principe 1er. Au nom de la libre-concurrence et de la dérégulation, le nombre d’intervenants sur le secteur est aujourd'hui tel qu’aucun marché n’est aussi étroitement réglementé, le plus souvent de façon très contradictoire.
Des acteurs multiples obéissent chacun à leur propre logique qu’elle soit administrative ou idéologique: le marché français des télécoms subit ainsi les lois, décisions, directives, arrêts et circulaires de la Commission européenne, de l’ARCEP, de diverses autres « autorités » (comme le Conseil de la Concurrence), du gouvernement  (souvenons nous des interventions de Patrick Devedjian sur le prix du SMS)…
 

Au résultat ? Un secteur qui vit de restructurations en restructurations avec de très nombreuses suppressions d’emploi dans les trois dernières années (22 000 pour le seul groupe France Télécom, 1 900 chez SFR, 1 500 chez Alcatel, près de 1 400 chez Noos / Numéricâble et un millier chez Neuf / Cegetel) et des consommateurs, otages plutôt que bénéficiaires de la financiarisation du marché, qui se plaignent unanimement de la baisse continue de la qualité de service.

Sébastien Crozier, président du syndicat CFE-CGC de France Télécom, Pierre Morville, délégué syndical central du groupe

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