CGE Novembre 2013 : quand la fermeté finit par payer…

L’ordre du jour de ce CGE était particulièrement copieux. Voici ce que nous en avons retenu.

Présentation de la stratégie OBS

Orange Business Services est bien représenté au Comité de Groupe européen. Les délégués venus des différents pays d’Europe attendaient donc des informations précises sur la stratégie de la branche entreprise, mise à mal par la concurrence et la crise économique. Malheureusement, on ne nous a proposé qu’une médiocre présentation marketing, truffée d’acronymes incompréhensibles, sans aucune information sur le volet social.

Le document remis aux représentants du personnel mentionne, de façon tout à fait inquiétante, que « faire plus avec moins devient la nouvelle normalité ». En parallèle, des plans de départs officieux interviennent dans les différents pays, mais la Direction n’avait aucune précision à nous communiquer sur ce point. Vous avez dit « transparence » ?

La seule information, que nous avions déjà, c’est que les axes de recrutement sont dans le domaine des applicatifs (dans le giron des filiales NRS) et du Cloud. La Direction se dit prête à accompagner la requalification des personnels… mais aucun plan en ce sens ne nous a été présenté.

Sur le plan commercial, on voudrait à la fois conserver notre positionnement de leader sur la qualité de service et de l’accompagnement des clients, mis en évidence par une étude Gartner, et devenir le moins cher. La Direction se propose d’étudier l’hybridation des offres dédiées aux entreprises en y injectant des offres grand public d’entrée de gamme (le low-cost sur le mobile, à l’instar de Free en France, aussi fait des dégâts sur le marché entreprises). Mais ce sont pour le moment de pieuses intentions.

Nous avons interrogé la Direction sur la cession des participations d’Orange dans la société Arkadin, 3e fournisseur mondial de services de conferencing, dont Orange détenait 20%. Toutes nos prestations de conferencing lui avaient été confiées, y compris les ponts téléphoniques de notre outil interne Coopnet, accroissant d’autant la valeur de cette société. OBS était en cours de négociation pour récupérer la collecte du trafic mondial d’Arkadin, soit 4 milliards de minutes et plusieurs millions d’euros par an. Mais en août dernier, patatras ! L’opérateur japonais NTT a fait une offre de rachat sur plus de 90% des parts de cette société… et Orange a cédé ses participations. Pourquoi laisser ainsi partir une brique de service « cœur de métier » ? Tout simplement parce qu’après avoir généreusement contribué à la valorisation de cette société, « on a fait une bonne affaire financière en revendant nos parts à NTT » (dixit) ! Nous ne sommes plus dans la stratégie industrielle, mais dans la spéculation financière !

Bilan de mise en œuvre du projet SPRITE

Il s’agissait d’externaliser la facturation des clients entreprise (précédemment assurée par une équipe Orange de 50 personnes basée en Irlande) à Accenture. 46 postes ont été supprimés dans l’équipe, 7 collègues ont été redéployés, les autres ont été licenciés. Parmi eux, l’un de nos anciens collègues est porté disparu, ce qui suscite les plus vives inquiétudes.

Cette externalisation devait initialement dégager 10 millions d’euros d’économie sur l’ensemble du contrat, qui seront finalement ramenés à 8, soit 1,8 million d’euros par an en année pleine.

Selon la présentation de la Direction, tous les indicateurs sont au vert, et les équipes d’Accenture font preuve d’un engagement et d’un professionnalisme remarquables.

Cette présentation cependant ne rend pas compte de la surcharge de travail pour les équipes Orange, les collègues qui restent au service facturation et qui sont en support des équipes d’Accenture, mais aussi les équipes commerciales, qui ont des difficultés pour régler les problèmes de facturation, souvent complexes, de nos clients entreprise. Suite aux retours de la déléguée Irlandaise et aux questions de l’ensemble des représentants au CGE sur ce point, la Direction s’est verbalement engagée à faire le point avec les équipes locales sur la surcharge de travail et les difficultés rencontrées.

La présentation manque également de précision sur le détail des gains financiers réalisés, laissant soupçonner de grandes approximations dans leur estimation préalable, tandis que les risques sont systématiquement sous-estimés, y compris ceux qui avaient été pointés par la précédente déléguée Irlandaise, responsable de l’équipe facturation, et qui a depuis été licenciée.

Bilan de mise en œuvre de NOVA+

Le projet NOVA+ avait pour ambition d’améliorer l’efficacité d’Orange en matière d’innovation, au profit de l’ensemble des pays où le groupe est implanté, sur la base d’un diagnostic initial assez largement partagé, mais dont la mise en œuvre suscite bien des interrogations.

La présentation proposée par la Direction au CGE est apparue comme particulièrement inconsistante, et ne permet pas d’évaluer si les objectifs assignés à ce projet sont atteints ou pourront l’être :

  • Aucune information sur la satisfaction des pays, auxquels NOVA+ devait offrir plus de réactivité, de souplesse et d’efficacité pour la mise en œuvre de produits et services innovants, sur la base de solutions développées par les équipes centrales d’Orange, ni sur celle des équipes concernées, notamment au sein de l’entité ITRSI.
  • Inquiétudes des équipes, auxquelles on avait promis de ne pas faire de réduction d’effectifs ou de budget sur le volet innovation, mais « de faire mieux avec les mêmes ressources ». Dans les faits, le volet recherche interne semble progressivement abandonné (avec un budget réduit) pour s’appuyer désormais sur la recherche académique. Les équipes qui faisaient précédemment de la recherche sont réorientées vers l’anticipation et le delivery, c'est-à-dire sur des projets de court ou moyen terme. Le risque pour Orange est de ne plus avoir l’initiative en matière d’innovation de rupture à moyen / long terme… mais cela ne semble pas soucier la Direction.
  • Manque d’éléments permettant d’identifier les projets concrets qui ont été mis en œuvre via la nouvelle organisation, et les gains réalisés sur ces projets, que ce soit en termes de réactivité, de qualité, de différenciation ou de maîtrise budgétaire.

La Direction a implicitement reconnu la faiblesse de la présentation, en s’engageant oralement à communiquer au CGE des documents complémentaires avec des exemples concrets (et compréhensibles) de réalisations. Les délégués les attendent avec intérêt.

Présentation de la stratégie Contenus

Si le développement de la consommation des contenus est une réalité, les opérateurs télécoms ont des difficultés à en profiter sur le plan économique : le marché est complexe, les évolutions rapides, les modèles d’affaires (business models) balbutiants, et des acteurs bien positionnés à un moment donné peuvent rapidement sombrer dès qu’un paramètre du marché change.

Dans ce contexte, Orange a décidé depuis 5 ans d’abandonner la production de contenus (jeux, cinéma, sport notamment) pour se focaliser sur l’agrégation, l’organisation et la distribution de contenus (essentiellement jeux, musique, TV et vidéo) vers l’ensemble de nos clients, dans tous les pays, et sur tous les écrans (les usages ne se substituent pas, mais s’additionnent, notamment pour les 15-25 ans), avec l’objectif de gagner de l’argent sur les contenus.

Cependant, si Orange a amélioré sa marge brute sur la vente des contenus, et minimisé ses risques en abandonnant la production en propre, la Direction a été obligée de reconnaître que pour le moment, les contenus participent surtout d’une stratégie de rétention ou d’acquisition de clients sur nos offres de télécommunications. Les « relais de croissance » attendus et annoncés depuis plusieurs années ne sont pas encore au rendez-vous. Il est cependant rassurant, dans un environnement dominé par le court terme, d’entendre que l’évaluation de la rentabilité se fait sur 10 ans, et que 2013 devrait être l’année de l’équilibre pour les contenus.

Restent de nombreuses interrogations.

Après s’être fortement investi dans Live Radio, avec une offre potentiellement disponible sur tous les terminaux et dans le monde entier, même dans les pays où Orange n’a pas de réseau, la Direction a décidé de céder à un repreneur, faute d’avoir trouvé un business model efficient. Dans le même temps, Orange se laisse imposer le rachat des parts que l’État français avait prises dans Skyrock, sans qu’aucune synergie n’ait été trouvée, ni du côté des contenus radiophoniques, ni sur la plate-forme de blogs de cet acteur, dont la valeur a nettement décliné depuis que les réseaux sociaux, tels Facebook, ont pris la place que l’on sait dans les usages.

Le sort de la filiale Studio 37, qui opère dans l’univers de la production cinéma et vidéo, reste en réflexion pour identifier comment elle s’intègre ou pas dans la stratégie actuelle.

Enfin, le succès des offres n’est jamais assuré lors de leur lancement : l’offre satellite en Belgique n’a pas donné les résultats escomptés (il n’y avait vraisemblablement pas de place pour cette offre dans un pays par ailleurs très câblé). En Espagne et en Roumanie, les offres TV d’Orange semblent pour le moment efficaces pour défendre nos parts de marché sur le fixe. Cependant, notamment dans un contexte de crise économique, plusieurs représentants au CGE se sont interrogés sur la capacité à générer du chiffre d’affaires sur les contenus TV, alors que les offres gratuites (légales ou non) continuent de se développer largement sur le net.

Première présentation du projet Sirius / ENO

Le programme Sirius a pour objectif affiché de « partager pour être leader ». Il comporte différentes initiatives dans 6 grands domaines : réseaux, système d’information, marketing, services clients, vente et livraison, dépenses administratives et frais généraux.

Le volet ENO a pour ambition « l’optimisation du réseau européen », une activité cœur de métier pour Orange.

Concrètement, il s’agit d’externaliser la construction et la maintenance du réseau dans 3 pays d’Europe de l’Est (elles le sont déjà en Belgique, au Luxembourg et en Espagne). Les personnels d’Orange (plus de 300 sont concernés) qui assurent actuellement ces activités seront transférés chez le prestataire qui sera retenu pour réaliser la prestation. Les prestataires susceptibles de réaliser de telles prestations sont les équipementiers des réseaux de télécommunications : Ericsson, Nokia System Networks, Alcatel-Lucent, ou le chinois Huawei. L’objectif de la Direction est de retenir un fournisseur unique pour toute l’Europe. Le choix du fournisseur n’est pas encore achevé.

La Direction nous assure à la fois que :

  • Cette externalisation permettra de générer 20 à 30% d’économie financière sur la gestion du réseau, sans impact sur la qualité de service (QS) pour nos clients.
  • Les garanties offertes aux personnels transférés chez le ou les prestataires retenus permettront de maintenir leur rétribution, leur protection sociale et leurs conditions de travail.

Même si la présentation faite au CGE de novembre est une phase préalable à l’information complète des délégués avant qu’ils rendent un avis sur ce projet, la voie choisie par la Direction se dévoile d’ores et déjà comme une position idéologique, basée sur un projet d’économies financières de court terme, où les risques de moyen terme, tant pour les personnels d’Orange que pour la stratégie industrielle de notre entreprise, sont traités avec une absence de réalisme tout à fait sidérante.

Les réponses aux questions des représentants du personnel ont été contradictoires ou purement théoriques. Quelques exemples :

  • Lorsqu’on pose la question de la qualité du réseau, la Direction nous répond qu’elle ne changera pas, puisque ce sont les anciens salariés d’Orange qui l’assureront chez le prestataire retenu. Mais si on interroge sur la « formule magique » permettant de faire de telles économies financières tout en garantissant aux anciens salariés d’Orange des conditions équivalentes chez le prestataire, on nous répond que les prestataires ayant une meilleure densité d’implantation géographique que nos propres services, ils feront moins de kilomètres pour intervenir sur le réseau. Ah bon ? Alors ce ne seront pas systématiquement les anciens personnels d’Orange qui interviendront comme on vient de nous le dire il y a moins de 5 mn ? Silence gêné…
  • Le volet « risques » est pour le moment réduit à une page de bonnes intentions, sans analyse détaillée ni chiffrage financier. Lorsque nous avons évoqué la panne du réseau mobile français de juillet 2012, liée à la supervision d’équipements « cœur de réseau » par un prestataire externe, qui a coûté plusieurs dizaines de millions d’euros à l’entreprise, La Direction s’est fâchée et nous a accusés de mentir… alors que ces faits ont été explicitement reconnus dans les débriefings présentés aux partenaires sociaux français à l’époque des faits. Précisons que si un seul incident du même type survenait, les bénéfices financiers de l’externalisation seraient immédiatement anéantis… sans parler des impacts pour l’image d’Orange.

En Belgique, le délégué local nous indique que l’externalisation de la gestion du réseau Mobistar a été catastrophique : la QS est tombée, la moitié des personnels transférés chez le prestataire ont été licenciés au bout de 18 mois - l’outsourceur ne conservant que les personnes « clefs », et au final, la gestion du réseau coûte plus cher que lorsqu’elle était assurée par nos équipes en propre.

Globalement, les représentants du personnel ont trouvé la présentation peu crédible, et demandent des éléments beaucoup plus précis, ainsi que de meilleures garanties pour les personnels, pour pouvoir rendre un avis motivé tel que prévu par les prérogatives légales du CGE :

  • Des éléments économiques détaillés sur les gains envisagés, basés non sur un « business case » rédigé par le fournisseur retenu, mais avec une réelle prise en compte de l’expérience acquise en Belgique et en Espagne, risques compris.
  • Des retours d’expériences réels sur la QS dans les pays où la gestion du réseau est déjà sous-traitée, les mesures prises pour l’améliorer, les conséquences de sa dégradation sur l’activité commerciale (comme par exemple la rétention clients et la part des acquisitions, en relation avec l’évolution de la QS)
  • Des informations précises sur les garanties données aux personnels susceptibles d’être transférés chez les prestataires, là encore au-delà des promesses du fournisseur retenu, mais bien sur la base d’une analyse détaillée de ses pratiques concrètes, notamment en matière de maintien des contrats de travail au-delà des engagements pris dans le contrat d’outsourcing. Le droit du travail étant très peu protecteur dans les pays concernés, notamment en Roumanie, les représentants du personnel souhaitent qu’Orange négocie une garantie d’emploi supérieure à 12 mois pour les personnels transférés.

Expertise sur le projet Sirius / GNOC :
le CGE a eu gain de cause !

Le projet GNOC fait aussi partie du programme Sirius, et concerne la supervision du réseau Orange en Europe, dont l’optimisation prévue par la Direction se traduit concrètement par un transfert entre pays, les personnels des pays cédant l’activité étant purement et simplement licenciés, tandis qu’aucun recrutement n’est prévu dans les pays prenants. (Cf http://www.cfecgc-orange.org/201309264021/comite-groupe-europe-monde/reductions-de-couts-oui-mais-a-quel-prix.html)

Au CGE de septembre dernier, la Direction a voulu forcer la main des délégués en déclarant la consultation terminée, alors que les représentants du personnel avaient explicitement indiqué ne pas avoir les informations nécessaires pour rendre un avis motivé tel que le prévoient les prérogatives légales d’un Comité de Groupe. Le CGE a demandé l’accompagnement d’un cabinet d’expertise sur l’ensemble de ce projet, y compris la première phase que l’entreprise a cependant déjà enclenchée (les formations des personnels polonais qui doivent récupérer l’activité ont déjà commencé).

Face à la demande légitime du CGE, la Direction a cherché à établir un rapport de force, en conditionnant la validation de cette expertise, qu’elle doit financer, au « comportement des représentants du personnel ».

Quelle n’a pas été sa surprise en découvrant en séance le vote de la résolution du CGE, qui a donné mandat à son secrétaire pour ester en justice afin d’obtenir l’information que la Direction lui doit pour qu’elle puisse statuer sur les projets qui lui sont présentés : sur les 22 délégués présents, 19 ont voté cette résolution, 3 se sont abstenus.

La Direction a déclaré les délégués étrangers « stupides », ayant voté sans connaître le droit français, et les délégués français « manipulateurs », ayant « forcé la main à leurs collègues » sans leur en dévoiler toutes les conséquences potentielles.

Cela n’a fait que renforcer la solidarité des délégués au Comité de Groupe Européen, ce que la Direction a fini par comprendre : le secrétaire du CGE, mandaté par les délégués pour une ultime négociation postérieure à la séance plénière du CGE, a obtenu d’une part le financement de l’expertise demandée sur le projet GNOC, y compris sur sa première étape, et d’autre part un recadrage sur le fonctionnement du Comité de Groupe européen, qui engage la Direction à fournir l’information nécessaire aux délégués pour qu’ils puissent statuer sur la base d’une information loyale. Nous en prenons bonne note, et ne manquerons pas de rappeler la Direction à ses engagements si nécessaire.

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