France Télécom, l'étape judiciaire - L'humanité

PAR PIERRE MORVILLE, DÉLÉGUÉ SYNDICAL CENTRAL CGC-UNSA

DU GROUPE FRANCE TÉLÉCOM-ORANGE (FTO), PORTE-PAROLE DE L’OBSERVATOIRE DU STRESS ET DES MOBILITÉS FORCÉES.

L’ouverture d’une instruction judiciaire pour « harcèlement moral » et visant explicitement les pratiques de gestion sociale en cours dans le groupe France Télécom-Orange apparaît à tous les spécialistes comme une « première ». Si les charges sont confi rmées par le juge d’instruction, l’initiative constituera une novation importante en matière de doctrine juridique et sociale.

Elle formaliserait un lien éventuellement pénal entre des choix managériaux contestables et leurs conséquences individuelles sur les personnels. Ce serait un rappel fort, suivant le Code du travail, de la responsabilité juridique des dirigeants sur la santé et sur les bonnes conditions de travail de leurs employés.

La crise sociale sans précédent qui secoue notre entreprise n’est que l’une des formes dramatiques d’un malaise général que l’on retrouve dans un grand nombre d’entreprises. Depuis la fi n des années 1980, se sont répandus dans les directions d’entreprise des diktats managériaux qui procèdent d’un pur discours idéologique dans un monde globalisé, fi nanciarisé et hyperlibéral, et où les salariés sont comptabilisés avant tout comme une charge fi nancière.

Résultat, 30 000 emplois à FTO ont été supprimés, dans les quatre dernières années, sans aucune mesure conventionnelle, ni plan social d’accompagnement ! Cette pression incessante à la démission a plongé des dizaines de milliers de salariés dans l’isolement, favorisant le doute quant à leurs propres compétences, voire leur utilité sociale, débouchant sur un grand désarroi dans le personnel.

La crise a abouti, à la rentrée 2009, essentiellement sur pression des pouvoirs publics, à des changements de têtes et à l’ouverture d’une négociation sociale d’ampleur. Depuis octobre, syndicats et direction débattent chaque semaine dans plus de huit chantiers de négociations qui, de l’emploi aux conditions de travail, en passant par la rémunération et les principes mêmes de l’organisation du travail, ont l’objectif de refonder un nouveau « contrat social ».

Stéphane Richard, le nouveau patron de France Télécom, s’y est engagé. Les premières et fortes mesures qu’il a prises, comme la fi n des mobilités forcées et des fermetures de sites, vont dans le bon sens. Bien sûr, c’est au regard des transformations concrètes de la vie de l’entreprise que notre syndicat portera son jugement défi nitif.

Dans l’attente, les personnels, notamment devant le pic suicidaire du début de l’année 2010 (11 décès en treize semaines), restent sceptiques et méfi ants. Le malaise n’est pas encore dissipé, la confi ance manque. D’autant qu’une partie du « top management » n’a toujours pas pris conscience de la gravité de la crise, ni de l’urgence de réformes radicales.

Certes, dans cette grande entreprise, la modifi cation en profondeur de mauvaises pratiques, l’apprentissage d’un dialogue social ambitieux, loyal et décentralisé, prendront du temps. Mais le changement se manifeste aussi par des actes forts.

Dans la procédure qui va s’ouvrir, trois principaux dirigeants de l’ancienne équipe de direction sont cités. Ils seront certainement auditionnés. Pourtant, ils sont toujours aux affaires et à des postes clés. Est-ce raisonnable ? On est également interloqué par les déclarations de Me Claudia Chemarin, l’avocate du groupe, qui affi rmait en fi n de semaine, sur la très délicate question des suicides reconnus ou non comme accidents du travail, que la direction entendait se battre pied à pied sur chaque cas, si nécessaire pendant des années !

Bref, on a la promesse, pour les proches des collègues qui se sont suicidés, d’années de comptabilité funeste et d’arguties macabres ! L’indécence affi chée de ce système de défense justifi e à elle seule l’ouverture d’une instruction dans laquelle notre syndicat a pris la décision de se porter partie civile.

L'HUMANITE - 12 avril 2010
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