La guerre d'usure

A l'heure où les difficultés s'accumulent, l’emploi reste, et de loin, la préoccupation centrale des salariés et de notre syndicat. Outre les 22 000 suppressions d'emplois en cours de réalisation et les 10 000 mobilités forcées, France Télécom vient d’annoncer 15 à 18 000 suppressions d'emplois supplémentaires dans les trois ans à venir.

Ce sans compter les effets des demandes renouvelées par la Commission européenne de diviser les infrastructures de réseaux et de services, ou les grandes modifications de capital que l'alliance probable avec TeliaSonera entraînerait (voir le numéro spécial de la Lettre de l’Épargne et de l’Actionnariat Salariés).

Il s’agit, en France, de la plus grande restructuration industrielle depuis la crise du textile des années 70, et celle de la sidérurgie des années 80. Pour autant, la Direction de France Télécom-Orange (ni d’ailleurs les autres Organisations Syndicales) se refuse à entendre parler d’un PSE ou Plan de Sauvegarde de l’Emploi, ce qui obligerait à donner plus de détails sur sa stratégie en termes d’emploi (délocalisations, sous-traitance…) et d’accompagnement de ses salariés.

France Télécom, entreprise atypique, était à l’origine une administration. Son organisation actuelle, brumeuse, brouillonne et inégalitaire, est issue des atermoiements et évolutions diverses que les changements d’orientation politiques et économiques ont infligé à une société, à l’origine toute dédiée au service public. Au fil du temps, de nombreuses missions ont ainsi été abandonnées : guichet pour payer en espèces, assistance technique gratuite (le 10 13 remplacé par le 39 00 jusqu’à la Loi Chatel), etc. ; d’autres ont été requalifiées de service universel comme la gestion des cabines téléphoniques dont le système absurde de subventionnement conduit à n’installer qu’une cabine par commune, même si la commune comprend deux hameaux distincts et peuplés !

Pour répondre aux missions de service public qui lui incombaient l’organisation de France Télécom était, sous l’autorité implicite des préfets, basée sur un découpage départemental. L’évolution réglementaire et le désengagement de l’État ont conduit l’entreprise à s’aligner sur les demandes des marchés financiers qui établissent des ratios de CA par salarié. Sur ces bases, France Télécom fait donc partie des mauvais élèves, mais cela a-t-il une incidence sur la rentabilité effective de l’entreprise ? Aucune. Preuve s’il en était besoin, de l’inanité de ce critère… Malgré tout, pour y satisfaire France Télécom se doit d’organiser une baisse de ses effectifs. La fermeture des sites et le déplacement des lieux de travail à plusieurs dizaines de kilomètres obligent un certain nombre de salariés à « démissionner ». L’augmentation du temps de transport et des frais non remboursés diminuent le pouvoir d’achat et rendent les mobilités vers la fonction publique plus attrayante. C’est le but recherché ! Ce phénomène appelé « syndrome de la chocolaterie Nestlé » est bien connu des écoles de management. En regroupant tous ses sites Nestlé parisiens à Marne la Vallée (30 km de Paris) dans une chocolaterie aux paysages verdoyants Nestlé avait dégraissé ses effectifs de 30%… sans un seul licenciement…

Sous prétexte d’optimisation de l’organisation, la dévitalisation des sites devient la norme. La réduction des couts sert également de « justification» à la délocalisation des ressources : délocalisations dites « near-shore » (Espagne, Maroc, Sénégal, Égypte …) et délocalisations dites off-shore (Ile Maurice, Inde, bientôt la Chine ?). Ainsi pour réduire à court terme les coûts de production et de main d’œuvre, les sites existants ne traitent pas d’activités nouvelles. L’argument est ensuite tout trouvé qui, pour des raisons de rentabilité, justifie l’impossibilité de garder des salariés « à ne rien faire » et « l’obligation » consécutive de fermer les sites ! 

France Télécom vient d'annoncer la suppression de 325 emplois sur les activités de Recherche et Développement pour 2008. Lannion est particulièrement touché avec près de 100 suppressions. Nous demandons, notamment, que la négociation de la Gestion prévisionnelle de l’emploi et des compétences au niveau national puis local prenne ici toute sa place. Les activités de Recherche seraient les plus touchées, suivies par celles de Développement… La CFE-CGC et une intersydicale se mobilise pour le maintien de tous les emplois et de tous les métiers à R&D, pour que France Télécom-Orange conserve un centre de Recherche et Développement majeur. FT a dépensé 900 M.€ par an de recherche et développement en 2007 et le même montant est prévu pour 2008 ; Mais ces investissements ne servent plus la France, car si FT continue de créer des techno centres cela se passe désormais à l'étranger, le dernier exemple en date étant la création d’un Orange Labs en Jordanie.

La Direction souhaite sous-traiter l’activité des Techniciens de Soutien de Proximité dans (pour l’instant) des zones dites « ZDD » (Zones à Dessertes Difficiles). Des solutions aménagées localement permettent aujourd’hui de s’affranchir de la sous-traitance (grâce en particulier à la mutualisation des TSdP sur des régions mal desservies), mais la Direction annonce qu’il est fort probable que certaines zones doivent, à court ou moyen terme, faire appel à la sous-traitance. Un test grandeur nature sera lancé sur une à trois zones d’ici fin 2008 pour mettre au point les interfaces et les modes de fonctionnement. Les sites « sous-traités » représentent en avril 2008, 8% du parc et 5% de l’activité actuelle. Sous prétextes encore de se recentrer sur son «cœur de métier», France Télécom ne veut donc en fait que baisser ses effectifs.

Les fermetures des petits sites dédiés au 10 14 se multiplient. Quelques exemples : Niort ferme, il est demandé aux salariés d’aller travailler à la Rochelle ou à Poitiers. Le centre de chateaubriand est transféré à Nantes (à 80 km) En quelques mois ce sont des dizaines de sites gérant le 1014 qui ont été fermé, jetant le personnel sur les routes de France, augmentant le stress et détruisant des vies familiales. Centres d’appels : une grave destruction de valeur Le travail de télé-conseillers en Centres d’appels est un métier en plein développement en particulier dans le domaine de l’assistance technique. Pour autant France Télécom a choisi de recourir massivement à la sous-traitance et à la délocalisation. Il n’existe plus de centres d’appels ouverts après 20 h ou le dimanche à France Télécom. Pourquoi ? En raison de l’alliance objective entre des organisations syndicales conservatrices rétrogrades et les financiers court-termistes. Le développement de l’Internet et de la télévision par ADSL conduit à ce que le les appels se concentrent le soir après 20 heures et le week-end. Mais au nom de la défense de la vie privée des salariés déjà présents dans l’entreprise, certaines organisations font de l’obstruction systématique sur le travail en soirée ou le dimanche. Ces organisations ont-elles demandé leur avis aux salariés ? Même si seulement une minorité d’entre eux est d’accord, c’est autant d’emplois sauvés en France (attention, ce qui est vrai pour les centres d’appels n’est évidemment par vrai pour les boutiques). L’employeur étant obligé de payer une indemnité compensatoire pour les heures de nuit et du dimanche, il apparaît alors beaucoup plus rentable de délocaliser dans des pays aux contraintes sociales moindres. On voit là les méfaits de l’irresponsabilité syndicale quand elle se cumule avec la cupidité du capital. Il en résulte un effondrement de la qualité et de la fidélité de nos clients …

La CFE-CGC est favorable à l’ouverture des centres d’appels en soirée et le dimanche, tant que cela se fait sur la base du volontariat.

La violence des restructurations démontre à l’évidence l’absence de vision depuis 10ans dans la conduite de l’entreprise. Il est frappant de constater même aujourd’hui l’absence d’un schéma directeur propre à chaque bassin d’emploi avec des objectifs clairs et des mesures d’accompagnement adaptées. On a plutôt l’impression d’une surréaction à l’actualité et aux pressions des places financières. Enfin, il faut utiliser au mieux nos ressources et faire preuve d’une politique volontariste.

Par exemple :

  • oser jouer la carte de véritables formations qui ne durent pas seulement quelques heures ou quelques jours comme celles censées transformer un « TSdP » en « Vendeur » sur un plateau téléphonique, alors qu’il y a tellement d’autres besoins dans d’autres métiers. Des formations solides de longue durée par exemple pour disposer de contrôleurs de gestion qui comprennent ce qu’ils contrôlent parce qu’ils en auront exercé le métier… Ce qui sous-entend des engagements négociés par nos DRH de FT-Orange pour faire abstraction du niveau d’origine du salarié
  •  Récompenser vraiment les efforts consentis par un salarié et sa famille qui acceptent de déménager. La note dite DG46 est trop soumise à l’arbitraire de managers ou de DRH locaux qui croient fermement réaliser des économies pour l’entreprise en se montrant discrets voire pingres dans l’attribution de dédommagements financiers.
  • Reconnaître l’apport des seniors que l’on qualifie un peu trop rapidement de « lents et dépassés » : leur expérience, leur sagesse sont des atouts primordiaux pour l’entreprise.

Est-il certain que payer pour se débarrasser des salariés prétendument inemployables et faire appel à la sous-traitance ou à la délocalisation est plus économique que de les faire travailler en investissant en formation ou en maintien dans des sites de taille réduite… Ah la dictature des marchés financiers…

Conclusion : France Télécom est l’un des premiers groupes français. Au-delà de la participation de l’Etat à son capital, sa taille lui impose une responsabilité sociale. La volonté de la Direction est-elle de ne fonctionner qu’avec une masse réduite de personnel ? à l’image d’ Alcatel, « société sans usine » (comme le déclarait le 26 juin 2001 Serge Tchurick), hier fleuron de l’industrie française, aujourd’hui canard boiteux où restructurations et licenciements se succèdent ? Que se passera-t-il le jour où tous les métiers délocalisables l’auront été ? Que se passera-t-il le jour où toutes les entreprises nationales feront de même ? C’est près de 500 000 emplois qui sont en jeu.

N’oublions pas que ces salariés sont aussi des citoyens, des actionnaires et des consommateurs. Ils ont leur mot à dire !

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