Free Mobile : l’ARCEP est elle encore une autorité compétente ?

Le 10 février dernier, Sébastien Crozier a été reçu par l’ARCEP, suite à la procédure lancée par les syndicats CFE-CGC & UNSA Télécoms dans le cadre du lancement de Free Mobile. A cette occasion, l’ARCEP a émis un communiqué lapidaire… qui mérite sans doute quelques compléments d’information, en particulier suite au communiqué du régulateur concernant le contrôle de la couverture des opérateurs mobiles.

 

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pdf CdP CFE-CGC-UNSA Telecoms L'Arcep est-elle toujours une autorité compétente ? 29 fvrier 2012.pdf

 

Demande d’ouverture d’une procédure d’enquête par les organisations syndicales

Le 24 janvier dernier, la CFE-CGC & l’UNSA Télécoms ont demandé à l’ARCEP de diligenter une enquête dans le cadre de l’ouverture d’une procédure de sanction sur le fondement de l’article L.36-11 du Code des postes et communications électroniques (CPCE), afin de vérifier que Free Mobile répond réellement à ses obligations réglementaires en matière de couverture de son réseau mobile, mis en service le 12 janvier 2012. L’attribution de la 4ème licence 3G lui a en effet été consentie sous condition de couvrir 27% de la population française en voix mobile (et 25% en data) sur son propre réseau. L’ARCEP a indiqué, dans un communiqué du 13 décembre 2011, que selon ses contrôles, cette obligation était remplie, ce qui permet à Free Mobile de bénéficier :

  • D’un accord d’itinérance sur le réseau d’un opérateur tiers, permettant ainsi à Free Mobile d’offrir immédiatement à ses clients une couverture nationale
  • D’une terminaison d’appel plus avantageuse que celle des trois opérateurs en place pendant la première année d’exercice, dont le montant a été soumis à consultation jusqu’au 27 janvier, après un avis favorable de l’Autorité de la Concurrence sur cette asymétrie tarifaire.

Mais plusieurs tests empiriques réalisés par des journalistes ou les cartes de couvertures remontées par les utilisateurs sur Sensorly ont semé le doute, tandis que les volumes de trafic constatés sur le réseau d’Orange laissent penser que certains relais Free Mobiles étaient tout bonnement… éteints lors de l’ouverture commerciale de Free Mobile.

L’ARCEP a répondu le 27 janvier, en indiquant qu’elle referait des tests, mais qu’elle ne disposait d’aucune plainte d’opérateur, ni d’éléments concrets lui permettant de mettre en doute la réalité de la couverture de Free Mobile. Une manière de « fin de non recevoir » face à l’action, des organisations syndicales des 3 opérateurs mobiles historiques.

Le 2 février, la CFE-CGC & UNSA Télécoms ont donc bien précisé à l’ARCEP qu’elles demandaient une vérification du réseau et le prononcé de sanctions en cas de confirmation de la violation des engagements de couverture .

Qu’avons nous appris lors du RDV avec l’ARCEP ?

Visiblement, notre démarche dérange, et l’ARCEP fait des réponses « mi-chèvre, mi-chou », indiquant simultanément qu’elle va refaire des mesures du réseau Free Mobile, mais se défendant bien de le faire suite à notre demande (qu’elle semble juger incongrue), comme à celle de quiconque d’ailleurs, et se défaussant sur de fausses comparaisons historiques ou sur le contrat passé avec Orange pour laisser entendre qu’il n’y aurait aucun problème relevant du « gendarme des télécoms » concernant le réseau Free Mobile.

Les mesures du réseau faites par l’ARCEP ne sont pas fiables

Quelle n’a pas été notre surprise d’apprendre comment étaient faites les mesures de couverture des réseaux mobiles par le régulateur ! Le matériel utilisé est en effet… un simple téléphone mobile, dont on regarde s’il capte le réseau de l’opérateur sur les points de couverture étudiés. Et c’est tout. La capacité du réseau à tenir la charge en exploitation (acheminement de plusieurs appels en simultané) n’est donc jamais testée. Aucune métrologie, aucun dispositif technique spécifique, tel qu’un équipement muni de plusieurs cartes SIM permettant d’envoyer plusieurs appels simultanés vers le même réseau, n’est donc utilisé par l’ARCEP.

Qu’en sera-t-il des mesures faites (si elles le sont) par l’Agence Nationale des Fréquences sur la demande de Monsieur le Ministre Éric Besson ? Mystère !

En attendant, l’incident survenu le 14 février sur le réseau d’Orange tend à confirmer que le réseau de Free Mobile ne prend pas sa part des appels émis par ses clients, 97% du trafic des clients Free Mobile étant acheminés par le réseau d’Orange.

L’argument du retard pris à l’origine par les autres opérateurs mobiles sur leur couverture réseau n’est pas opérant L’ARCEP revient à plusieurs reprises sur le fait que les trois opérateurs mobiles historiques ont en leur temps eux aussi pris du retard sur leurs promesses de couverture sans que leur licence soit remise en question pour autant, et demande à ce titre l’indulgence pour Free Mobile.

Il convient de rappeler que la situation n’est aucunement comparable : en effet, Bouygues Télécom, SFR ou Orange ne bénéficiaient alors d’aucun accord avec un opérateur tiers pour compléter leur couverture s’ils n’avaient pas déployé la leur. La sanction commerciale était donc immédiate, et chacun se souvient bien que, dans les zones rurales notamment, les clients choisissaient l’opérateur mobile qui couvrait le mieux leur zone de résidence et/ou d’activité professionnelle.

A la différence des trois opérateurs, Free Mobile ne s’expose à aucune sanction commerciale, puisque ses communications seront de toute façon acheminées par le réseau d’Orange si le sien est défaillant ou inexistant. Le nouvel entrant peut donc bénéficier d’une offre commerciale performante sans respecter ses engagements d’investissement. Seul le régulateur peut donc lui imposer de respecter ses engagements, et c’est exactement ce que nous demandons.

Où est le problème ? C’est à Orange et Free Mobile de s’arranger entre eux !

De tels propos ont souvent été repris sur les forums d’internautes ou dans les commentaires d’articles de presse. Plus alarmant, l’ARCEP les reprend à son compte.

Cependant, la question n’est pas le contenu du contrat, ni ce que Free Mobile paie à Orange pour acheminer son trafic. La question, c’est que ce contrat n’existe que parce que Free Mobile est supposé remplir ses obligations de couverture, comme l’a d’ailleurs rappelé l’ARCEP le 13 décembre dernier.

L’ARCEP ne peut donc ni inverser l’ordre des obligations, ni se défausser de son devoir de contrôle, qu’elle est en l’occurrence seule à pouvoir exercer. L’audition conjointe de Free Mobile et d’Orange, annoncée par l’ARCEP, permettra-t-elle d’éclaircir définitivement ce point ?

La position de l’ARCEP pose un double problème par rapport au droit de la concurrence en France. Non seulement de laisser fonctionner le cas échéant un contrat d’itinérance illégal. Mais également de favoriser l’entrave à la concurrence, si elle considère que l’asymétrie du tarif de terminaison d’appel en faveur de Free Mobile, qui est encore à l’étude, s’appliquerait sur tous les appels émis par les clients Free Mobile, y compris ceux transitant par le réseau d’Orange.

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