Trois questions à Sébastien Crozier - Intelligence RH

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....Pour comprendre plus précisément les problèmes internes et le quotidien des salariés chez France Télécom, nous avons rencontré Sébastien Crozier, élu de la CFE-CGC/UNSA au Comité Central d’Entreprise (CCE) de France Télécom, qui nous explique sa vision de la situation et les remèdes à mettre en place.

Intelligence Rh : Quels sont les principaux points mis en avant dans le rapport final du cabinet Technologia qui ont retenu votre attention ?

Sébastien Crozier : Le rapport remis le 21 mai 2010 par le cabinet Technologia est une compilation de trois rapports distincts : l’étude quantitative menée par questionnaire auprès des salariés (170 questions et environ 80.000 réponses), l’étude des rapports CHSCT, des travaux de l’Observatoire du stress et les avis de l’inspection du travail, et enfin l’étude qualitative réalisée via 1.000 entretiens en face à face.

Bien que très riche, ce rapport ne constitue pas une « révélation »,. pour nous. Les travaux de l’Observatoire du stress avaient déjà identifié les risques et pointé les situations génératrices de souffrance au travail bien avant l’intervention du cabinet Technologia.

Toutefois, ces éléments sont certainement novateurs pour la direction de l’entreprise, qui s’était jusqu’alors enfermée dans une logique de déni de la souffrance au travail. A ce titre, je tiens à vous préciser que le site Internet de l’Observatoire du stress et des mobilités forcées de France Télécom est inaccessible aux salariés de l’entreprise. Cette censure illustre bien le déni de la direction en la matière.

Aujourd’hui, même si la situation ne se dégrade plus, la crise sociale se poursuit chez France Télécom. Pourquoi ? Les facteurs qui ont déclenché cette crise n’ont pas encore été remis en cause. Le sentiment de mal-être au travail est lié à la perte de sens dans le projet d’entreprise. Depuis la privatisation de l’entreprise en 2003, nous sommes passés d’un projet d’entreprise à un projet financier, dont le but est de satisfaire les marchés....

...Intelligence Rh : Face à ce constat, quelles sont les actions à mener en priorité afin d’améliorer la situation des salariés ?

Sébastien Crozier : Il est nécessaire de changer le mode d’organisation qui a sévi pendant les 5 dernières années au sein de France Télécom. Je pense qu’il faut que des changements profonds interviennent.

Premièrement, il faut cesser de toujours en demander plus aux salariés. Pour l’information de vos lecteurs, sachez que 30.000 emplois ont été supprimés chez France Télécom en 5 ans, et ce sans plan social. Tout s’est fait aux forceps, en faisant pression sur les gens pour qu’ils quittent l’entreprise. ...

Deuxièmement, il est nécessaire de lever les points de blocage des deux principales négociations susceptibles d’apporter un changement dans l’entreprise,...

  • Toujours les mêmes négociateurs : les négociateurs actuels sont les artisans de la politique sociale précédente. Comment voulez-vous qu’ils se déjugent aujourd’hui ? Ils n’ont pas fait leur mea culpa et sont donc dans une position empêchant les progrès sociaux au sein de l’entreprise.
  • Un fort sentiment de trahison : le personnel de France Télécom se sent trahi, et la non gestion de la rupture par l’actuel Pdg, Stéphane Richard, n’arrange pas les choses. Les salariés n’ont plus confiance. Il est impossible de leur expliquer que l’équipe qui va reconstruire le tissu social est celle qui a échoué jusqu’à maintenant.
  • Un projet collectif inexistant : le projet collectif est inexistant pour l’entreprise. Dans quelle direction le groupe évolue-t-il ? Personne ne le sait, la nouvelle stratégie de l’entreprise n’a pas été présentée. Par conséquent, il est impossible de négocier comment travailler quand on ne sait pas quoi faire de l’entreprise.

Troisièmement, il est indispensable d’obtenir le départ de l’ancienne équipe. Bien que Didier Lombard ait laissé la direction générale du groupe à Stéphane Richard depuis le 1er mars 2010, il en a conservé la présidence non opérationnelle. ...


Intelligence Rh : A la lecture du rapport, on a l'impression que le sentiment de mal être des salariés est principalement causé par le manque de rapport humain (informatisation des process, disparition du middle management, etc.). Partagez-vous cette analyse ?

Sébastien Crozier : Oui, car le tissu social a été détruit. On a cherché à le détruire par tous les moyens, dont le fameux Time To Move (TTM). Ce dispositif entraînait pour les cadres une perspective de mobilité obligatoire tous les 3 ans. De la sorte, on cassait les liens avec les collègues et avec la hiérarchie.

De la même façon, la politique menée par la direction visait à faire d’Orange une marque sans salariés. Alors que sa véritable  force réside dans la qualité de son personnel, la Direction de France Télécom  ne l’a considéré que comme une charge, une source de coûts, uniquement. C’est pourquoi, la direction a cherché à supprimer les RH de proximité (entre 600 et 700 suppressions de postes), car les RH représentent un coût pour l’entreprise....

Extrait : Intelligence RH - 31 mai 2010 - Stéphane Bonnegent

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