LE CHSCT : pouvoir et contre-pouvoir en France !

En France le fait syndical n'est pas reconnu. Il est considéré comme un frein au "pouvoir de direction" cher au patronat français. Nous ne sommes pas dans le contexte des pays du nord de l'Europe très avancés en matière de dialogue social, comme en Allemagne par exemple. En France, les militants agissants (à différencier de ceux qui ne font rien ou font semblant d'agir) sont considérés comme des « emmerdeurs », des « excités  à contrôler ». S'ils s’aventurent à bloquer des décisions, ils prennent le risque de se faire « dézinguer »...

Quel que soit le contexte, les directions feront tout pour empêcher l’action des militants - Dans cet objectif, elles envahissent les médias afin de diffuser leurs soi-disant bonnes pratiques autour de l'éthique, du bien-être de leurs salariés, en l’illustrant par les bons résultats fournis par leurs baromètres sociaux « maison ». Il suffit pour cela de voir ce que fait France Telecom depuis 2010 : France Telecom est ainsi devenue une entreprise « très sociale, très éthique » dans les médias..

 CHSCT de la fonction publique : un CHSCT sans pouvoir :

Depuis des années la fonction publique se réorganise à la manière des grands groupes internationaux privés (suppression massive et continue des emplois, bouleversement fréquent des organisations du travail - cf. la RGPP). Les CHSCT de la Fonction publique finissent par fonctionner comme de simples institutions techniques d'accompagnement des directions (et donc soumises à leur diktat) comme cela se passait sous Pétain ! Le secrétaire est consulté uniquement sur l'ordre du jour (qui lui est en fait imposé). La rédaction du PV n'est pas faite par lui (elle est sous contrôle de la direction). Si les membres du CHSCT souhaitent une expertise, il faut une validation de l'administration - l'expertise devient alors celle de la direction, elle est sous son contrôle total. Ces CHSCT sont « informés » mais n’ont pas de réel pouvoir, ils ne peuvent pas agir en justice, ils ne peuvent pas défendre leurs intérêts, ils n'ont pas accès aux services de l'inspection du travail. Les CHSCT publics sont donc encore aujourd'hui totalement dans la main des directions.

CHSCT d'entreprise / que se passe t-il aujourd'hui ?

 Une volonté d’éloigner les CHSCT du personnel :

Aujourd'hui les directions multiplient les réunions (ex. 1 par mois) pour que les militants ne soient plus sur le terrain - alors que le rôle des membres des CHSCT est surtout d'être proche des salariés, la direction occupe le temps des militants en leur présentant diverses études ainsi les militants passent leurs heures e délégation en réunion, a débattre des sujets présentés (imposés) par la Direction plutôt que de s’occuper de leurs ouailles.

Les membres des CHSCT veulent faire leur boulot au mieux pour aider vraiment le personnel, mais face à eux, les directions ne cherchent aucunement à faire de l'humanitaire ou du social.

 Le vrai pouvoir des membres des CHSCT :

Ceux qui dirigent le CHSCT, ce sont le secrétaire et la majorité des élus. Le président est uniquement là pour assurer le fonctionnement normal du CHSCT. Bien entendu la direction fera en sorte d'agir pour que ce pouvoir des élus n'existe pas. Une décision prise à la majorité des élus légitime toute action - si la direction veut contester elle est obligée de le faire via le TGI. Un CHSCT peut bloquer une réorganisation importante.

 Epuisement des forces syndicales / rapport de force permanent :

De plus en plus les militants en France sont épuisés, car les directions bloquent tout et n'offrent qu'un simulacre de dialogue social. Pour parvenir à faire accepter la moindre mesure sociale (ou du moins réussir à maintenir les acquis, il faut se battre continuellement, on est ainsi dans un rapport de force permanent, pénible et usant. Or les militants vieillissent (âge moyen élevé) et le renouvellement par les plus jeunes est de plus en plus difficile.

Des prérogatives très importantes accordées aux CHSCT :

Par exemple : la Cour de cassation a confirmé qu’une Institution de Prévoyance ne devait pas mettre en place des entretiens annuels d’évaluation sans recueillir, au préalable, l’avis du CHSCT. Au motif que ceux-ci « pouvaient avoir une incidence sur le comportement des salariés, leur évolution de carrière et leur rémunération, et que les modalités et les enjeux de l’entretien étaient manifestement de nature à générer une pression psychologique entraînant des répercussions sur les conditions de travail ». L’arrêt fait trembler les dirigeants et leurs avocats, qui s’inquiètent de voir les juges élargir sans cesse le champ d’action et les prérogatives des CHSCT.
Au regard du droit, rares sont les projets qui échappent aujourd’hui aux CHSCT. Chargée, depuis la loi de modernisation sociale de janvier 2002, de contribuer à la sécurité et à la protection de la santé « physique et mentale » des salariés, l’instance doit être consultée « avant toute décision d’aménagement important modifiant les conditions d’hygiène et de sécurité ou les conditions de travail ». Dénonciation d’accords collectifs, mise en place de primes sur objectif, refonte des grilles de classification, projet de déménagement, modification des horaires de travail, évolution du système de restauration collective. En théorie, l’employeur ne devrait plus pouvoir « bouger le petit doigt » sans en référer aux gardiens des conditions de travail. Bien entendu les directions cherchent continuellement à échapper à la vigilance des CHSCT, éviter par exemple de présenter la vérité, l’objectif attendu, de certaines réorganisations.

Rien n’oblige les CHSCT à rendre un avis trop rapide :

« En cas de projet important modifiant les conditions d’hygiène ou de sécurité ou les conditions de travail », le code du travail autorise le CHSCT à réclamer une expertise préalable, aux frais du patron. À l’origine, certains juristes défendaient l’idée que l’expertise devait rester exceptionnelle, pour les cas où l’entreprise ne disposait pas des compétences internes suffisantes. Mais les tribunaux en ont décidé autrement. On est passé de l’expertise de dernier recours à l’expertise de droit, justifiée dès lors qu’un projet est important. Contester l’expertise devant le juge devient périlleux. Bon nombre d’entreprises l’ont appris à leurs dépens. Comme le cabinet Right Management, qui s’est fait retoquer ses nouvelles classifications en introduisant des critères comportementaux. Ou Novartis, recalé sur deux projets visant à former à distance les visiteurs médicaux et à modifier ses répertoires de métiers. Ou enfin le centre d’appels Timing, qui a perdu dix-huit mois dans son projet de renégociation de ses accords collectifs. En cause, notamment, la réduction pour les téléopérateurs, des deux secondes de délai à respecter entre deux appels téléphoniques. Comme on ne peut pas jouer la santé des salariés à la roulette russe, les CHSCT sont en position de force. Le juge préfère, par précaution, faire perdre trois mois à l’entreprise en ordonnant une expertise plutôt que de prendre le moindre risque.

 En cas de « risque grave » pour la santé des salariés le recours à l’expertise :

Les CHSCT ont également toute latitude pour réclamer des expertises. À condition de posséder quelques arguments solides (absentéisme élevé ou en augmentation, par exemple). Une arme que les instances hésitent de moins en moins à utiliser. À force de subir et d’accepter des contraintes de plus en plus fortes afin de conserver leur emploi, les salariés craquent. Le problème existe depuis longtemps. Mais sans la vague de suicides chez Renault, PSA et France Telecom, on n’en parlerait pas.

 Les patrons qui ignorent les préconisations des experts et les recommandations de leur CHSCT peuvent le payer cher :

Passer outre l’avis du CHSCT s’avère de plus en plus délicat. Car il pèse désormais sur l’employeur une obligation de résultat en matière de santé et de sécurité. Et ce depuis les fameux arrêts « amiante » de février 2002. En cas de pépin grave, le patron négligent ne pourra pas feindre l’ignorance du risque, ou arguer de ses efforts pour l’éliminer. La faute inexcusable et la condamnation pénale lui pendent au nez.
« Potentiellement, le CHSCT a plus de pouvoir que le CE »

 Des experts aux mains du patronat ?

Aujourd’hui il faut cependant bien choisir son expert. De plus en plus le patronat crée et (a recours à) des experts pro-patronat, donc à leur main. Les employeurs demandent des expertises courtes et pas chères (donc mal ficelées, qui ne donneront aucun résultat pertinent). Si l'expertise ne leur est pas favorable, ils feront en sorte de l'enterrer. L'expertise ils s'en foutent, de toute façon ils n'ont souvent même pas le temps de la lire. Les grands projets sont divisés en multiples petits projets (sur une durée plus ou moins longue) afin que les militants n'y comprennent rien (ou n'y voient rien), voire que le passage en CHSCT ne soit pas perçu comme nécessaire.

 
Pauvre dirigeants !
Pour les dirigeants, qui ne veulent pas s’exprimer sur le sujet, la pilule est amère. Contraints de payer des expertises, qu’ils jugent inutiles, et dont ils doivent pourtant tenir compte, ils se posent volontiers en victimes de la réglementation française. À tort, les dirigeants, dignes de ce nom, initient rarement des projets qui touchent à l’organisation du travail ne percevant pas les bénéfices que ces démarches pourraient avoir sur la santé et les conditions de travail de leurs salariés. Leur prise de conscience néanmoins doit se faire progressivement. Chasse aux temps morts, pression sur les objectifs, réduction des coûts, regroupements de sites… Les projets d’entreprise intègrent encore si rarement le bien-être des collaborateurs. Beaucoup de DRH n’ont toujours pas compris la différence entre l’emploi et le travail. La plupart des directions préfèrent rester dans l’ignorance ou le déni.
 
Passages en force :
Sur le terrain, la guérilla entre direction et CHSCT ne fait que continuer. Conscients du manque de formation de leurs élus, et de leur inégale combativité, les syndicats cherchent encore à les faire monter en compétences et à y nommer davantage de cadors. Idem du côté des employeurs, qui multiplient les formations de leurs présidents de CHSCT. Sans pour autant renoncer à passer en force. Les pouvoirs de cette instance sont réels mais souvent mal utilisés. On voit encore énormément d’employeurs qui instrumentalisent les conditions de travail en faisant du chantage à l’emploi.
Chez IBM, par exemple un déménagement des troupes de Noisy-le-Grand dans un bâtiment plus petit n’a donné lieu à aucune consultation. Le spécialiste du crédit Cetelem a, lui, fermé ses 90 agences commerciales et regroupé les salariés sur sept plates-formes téléphoniques sans qu’aucun des neuf CHSCT ne fasse de la résistance.

 Comment agir dans les CHSCT d'entreprise ?

Il faut en premier lieu agir collectivement (cad avec une majorité d’élus décidés à mener une vraie action conjointe) ; il faut ensuite maîtriser l'ordre du jour (souvent le président cherche à imposer ses sujets) un ordre du jour non signé par le secrétaire a pour conséquence l’annulation de la réunion du CHSCT ; il faut également maîtriser le calendrier. En créant un groupe solidaire on a le pouvoir de faire avancer les choses, pour le mieux-être des salariés.

Ces divers commentaires font suite à un débat organisé récemment par l’Observatoire du Stress avec divers grands cabinets d’expertise CHSCT comme Technologia, ISAST etc..

 

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