Préserver sa santé : les salariés ont le droit d’ interrompre ou de refuser une tâche

" Au cours des 12 derniers mois, vous est-il arrivé d'interrompre ou de refuser une tâche pour préserver votre santé ou votre sécurité " ? Pour la première fois, la dernière enquête Sumer [1] a posé cette question aux salariés, entendez par là salariés de droit privé et fonctionnaires. 12% ont répondu positivement à cette question. Si l’on rapporte ce pourcentage au nombre de salariés représentés,[2] cela fait 2 640 000 personnes. L’enquête permet de dégager 7 « profils » de travailleurs susceptibles d’interrompre ou de refuser une tâche, en relation avec leurs conditions de travail et leur état de santé. La présence dans l’entreprise de représentants du personnel est un des facteurs qui favorisent cette décision et pour la moitié des salariés elle est collective.

Le droit de se protéger

Les salariés ont le droit « de se retirer d’une situation de travail dont ils ont un motif raisonnable de penser qu’elle présente un danger grave et imminent pour leur vie ou leur santé ».[3] Les fonctionnaires disposent du même droit. [4] Mais il est peu utilisé : d’une part, parce qu’il est méconnu d’autre part, parce qu’il n’est pas sans risques : en effet, si le retrait est jugé abusif, le salarié peut être licencié.  On peut également imaginer qu’il n’est utilisé qu’en tout dernier recours ; en effet, selon les tâches, le salarié qui dispose d’une autonomie suffisante doit pouvoir modifier son travail pour éviter de mettre sa santé en danger. Il peut également s’entendre avec ses collègues ou son supérieur pour l’adapter et à défaut, attendre une intervention après avoir formulé une alerte.

Défaillance des entreprises ?

Les salariés qui ont pratiqué le retrait ont eu un ou plusieurs accidents de travail au cours de l’année écoulée.  L’enquête montre que leur  travail est plus dangereux, parce qu’il les expose à des risques chimiques, mais aussi à des risques psychosociaux (travail dans l’urgence, agressions physiques ou verbales). Mais cela tendrait aussi à démontrer que l’entreprise n’a pas mis en place une politique  de prévention suffisante. Soit le  salarié en subit les conséquences sur sa santé, de manière éventuellement répétée, soit il est dans l’obligation de se mettre en retrait pour se préserver. Certains groupes  – les « isolés », « harcelés » et « les ouvriers spécialisés fragilisés » -  sont plus fréquemment en mauvaise santé physique ou morale que l’ensemble des salariés, mais l’enquête ne permet pas d’établir de lien entre la santé et le travail. Ce point mériterait d’être approfondi.

Qui est concerné ? Tous les personnels

l’enquête Sumer montre que les ouvriers sont deux fois plus nombreux (16%) que les cadres et les professions intellectuelles à exercer leur droit de retrait, et que les secteurs de la production et de la distribution d’électricité, de gaz et d’eau sont un plus exposés, tout comme les travailleurs sur les chantiers et les intérimaires. On sait que les intérimaires sont plus souvent exposés à des risques importants. Mais tous les secteurs et toutes les catégories socio-professionnelles sont touchés. Pour mieux comprendre le contexte et les raisons de leur décision, l’enquête dégage 7 « profils » types de salariés, prenant en compte leurs conditions de travail.

 Les 7 profils

Salariés stressés

Ce sont surtout des cadres et des professions intellectuelles et plus de la moitié sont managers. Ils ont une autonomie suffisante pour modifier l’ordre des tâches ou les délais, mais la pression professionnelle est forte car beaucoup travaillent dans l’urgence et font des heures supplémentaires sans compensation. Les causes du retrait sont à trouver dans cette forte pression associée à des difficultés de santé ou au fait qu’ils subissent des comportements hostiles (cf. l’encart) dans une proportion bien plus élevée que la moyenne des salariés.

 

Salariés agressés

Les métiers les plus concernés : les infirmières et les aides-soignantes, avec une représentation des fonctionnaires non négligeable (1/3) . Le retrait est justifié par la crainte de faire une erreur aux conséquences dangereuses pour leur propre santé ou celle des autres, ou par les agressions physiques ou verbales qu’ils subissent fréquemment de la part des clients/usagers.

 

Salariés isolés dans les services

 Ces métiers sont physiquement et psychologiquement exigeants sans être suffisamment encadrés ou soutenus. Pour la moitié d’entre eux, il s’agit d’aides à domicile ou d’agents d’entretien des locaux. Ils sont assez souvent livrés à eux-mêmes. Ils sont fortement exposés à des produits chimiques ou biologiques. Outre ce risque, un comportement hostile de la part de la hiérarchie, des collègues ou des clients peut déclencher le refus de poursuivre le travail. Ce sont des personnes plus âgées que la moyenne des salariés et leur état de santé est moins bon, en particulier leur santé psychologique car elles déclarent de l’anxiété ou de la dépression deux fois plus souvent que l’ensemble des salariés.

Salariés harcelés 

Ils sont en grave difficulté dans leur environnement de travail. Ils se plaignent d’une ou plusieurs formes de comportement hostile, et pour plus de la moitié, d’agressions de la part de leur collègues et/ou de leurs supérieurs.  Ils travaillent dans l’urgence et subissent des contraintes dans le rythme de travail. Ils n’ont pas d’autonomie et peuvent rarement modifier l’ordre des tâches ou les délais. 39% d’entre eux ne reçoivent pas d’aide des supérieurs en cas de difficultés dans le travail. C’est évidemment leur santé mentale qui est affectée par de l’anxiété ou des formes de dépression.

Ouvriers de métiers

Ils sont de genre masculin, jeunes et en bonne santé, beaucoup dans la construction ou l’industrie et plutôt dans de petites entreprises. Le travail est physiquement difficile et expose une très large majorité d’entre eux à des agents chimiques ; mais ils ont une autonomie qui leur permet de faire varier les délais et de régler les incidents, ou sinon de refuser la tâche si elle leur parait dangereuse.

Ouvriers spécialisés fragilisés

Ce sont majoritairement des ouvriers du domaine industriel, plutôt jeunes et les intérimaires y sont assez nombreux. Les conditions de travail se caractérisent par des rythmes très contraints, un travail très prescrit et peu de latitude pour le modifier. Presque la moitié subissent au moins une forme de comportement hostile de la part de leur supérieur ou de leurs collègues.  Leur état santé est moins bon que la moyenne des salariés. Raison majoritaire au retrait : préserver sa santé et éviter une usure professionnelle précoce.

Peu exposés ?

Pour ce dernier groupe, l’enquête ne parvient pas à dégager de lien entre leur décision et leurs conditions de travail dans la mesure où elles sont meilleures que celles des autres groupes. Cependant, ils ont, plus souvent que les autres, vécu des comportements hostiles, des agressions venant de leurs collègues, de leur supérieur ou du public. Leur santé - moins bonne que l’ensemble des salariés – pourrait également expliquer que leur décision leur évite de prendre des risques.

Un appui auprès des représentants du personnel

 Les retraits ou refus  sont collectifs  1 fois sur 2, ce qui suppose que les personnels ont la possibilité d’en discuter entre eux. Les  salariés sont un peu plus nombreux à pratiquer le retrait ou le refus dans les entreprises qui comptent des  représentants du personnel.  Leur présence favorise également les retraits collectifs. On peut l’expliquer par le fait qu’ils  facilitent l’information, rassurent sur les suites et le support dont les personnels pourront bénéficier. 

Note sur "les comportements hostiles"(extrait de la présentation de l’enquête par la DARES)

La violence au travail peut prendre la forme d’agressions ouvertes (physiques ou verbales) mais peut aussi s’installer sous une forme plus dissimulée. Contrairement aux agressions ouvertes, le processus peut être insidieux et se développer sur une longue période, de façon répétée. Les atteintes à la dignité qui en découlent peuvent entraîner des perturbations pour la santé, au même titre que les atteintes directes à l’intégrité du corps et les atteintes liées à l’intensité du travail. Elles sont souvent résumées dans le débat social sous le terme de « harcèlement moral ».  La question qui  aborde ce thème est libellée ainsi dans l’enquête Sumer :

 « Vous arrive-t-il de vivre au travail les situations difficiles décrites ci-dessous ? ».

Une personne ou plusieurs personnes se comporte(nt) systématiquement avec vous de la façon suivante…

1. Vous ignore, fait comme si vous n’étiez pas là

2. Vous empêche de vous exprimer

3. Vous ridiculise en public

4. Critique injustement votre travail

5. Vous charge de tâches inutiles ou dégradantes

6. Sabote votre travail, vous empêche de travailler correctement

7. Laisse entendre que vous êtes mentalement dérangé(e)

8. Vous dit des choses obscènes ou dégradantes

9. Vous fait des propositions à caractère sexuel de façon insistante.

On peut distinguer trois catégories d’atteintes : les comportements méprisants (les trois premiers items), le déni de reconnaissance du travail (les trois items suivants) et les atteintes dégradantes (les trois derniers items).




[1] Enquête Surveillance médicale des expositions aux risques professionnels (Sumer) de 2010. Elle est notamment gérée par la Direction générale du travail. Le questionnaire est proposé aux salariés par les médecins du travail.

[2] 47 983 personnes ont répondu à l’enquête. Elles sont représentatives de près de 22 millions de salariés, qui constituent 92% des travailleurs. Les personnels non représentés dans l’enquête sont essentiellement ceux de l’Education nationale dont le réseau de médecine de prévention ne dispose pas de la couverture suffisante, ceux des ministères sociaux et de la Justice.

[3] Code du travail article L.4131-1, depuis le 23 décembre 1982

[4] Article 5-6 du décret N° 82-453 du 28 mai 1982

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