AG des actionnaires 2022 : sous influence...

L’Assemblée Générale des actionnaires du 19 mai 2022 a entériné un changement de gouvernance majeur pour Orange… dans des conditions rocambolesques !

 

Stéphane Richard, PDG d’Orange depuis mars 2011, a quitté l’entreprise. Ses missions sont désormais réparties :

  • Christel Heydemann, Directrice générale depuis le 4 avril 2022, pilote l’activité opérationnelle du Groupe. Elle est administratrice d’Orange depuis juillet 2017.
  • Jacques Aschenbroich, Président non exécutif depuis le 19 mai, anime le Conseil d’administration.

À lire dans Médiapart (abonnés) :

5 résolutions clefs en 2022

Changement de gouvernance…

Le Conseil d’administration choisit à qui il confie la présidence et la direction générale, le Président du Conseil étant obligatoirement administrateur.  Le non-renouvellement de Stéphane Richard imposait de nommer un nouvel administrateur.

Opter pour Jacques Aschenbroich, pressenti comme Président (résolution 5), posait la question de l’âge limite du Président. L’article L225-18 du Code de commerce le fixe à 65 ans, mais il peut être modifié par les statuts de l’entreprise. Chez Orange, depuis la présidence de Didier Lombard et en sa faveur, il avait été décalé à 70 ans. Mais M. Aschenbroich aura 72 ans à l’issue de ses 4 ans de mandat. Le Conseil d’administration a donc proposé que cette limite puisse être repoussée jusqu’à l’issue du mandat (résolution 17).

… et de rétribution des dirigeants du Groupe

Ce changement s’est accompagné d’une modification substantielle de la rétribution des mandataires sociaux (résolutions 12 & 13, détails dans le chapitre 5.4 du Document d’enregistrement universel 2021), ainsi que de l’enveloppe dévolue aux jetons de présence des administrateurs (résolution 7).

La part variable pouvant être versée à la Directrice générale augmente de 50% comparée à celle de Stéphane Richard. Un régime de retraite supplémentaire est institué pour les mandataires sociaux exécutifs (Directrice générale, Directeur général délégué), dont les cotisations s’élèvent à 20% de leur rémunération fixe et variable. Il faut enfin rétribuer le Président (450 K€ par an). L’enveloppe globale de rétribution des mandataires sociaux et des administrateurs augmente en conséquence de plus d’1 million d’euros par an.

Préparation et vote des résolutions d’AG

Un certain nombre de règles qui encadrent le fonctionnement du Groupe en matière de gouvernance (dont la nomination des administrateurs), d’engagements financiers (dont le versement d’un dividende) et d’opérations sur le capital (dont les offres réservées aux personnels) doivent être soumises au vote de l’AG des actionnaires, sous forme de résolutions, dont la plupart sont préparées par le Conseil d’administration (CA).

Le vote des personnels actionnaires scandaleusement et inutilement manipulé

Les personnels détiennent 10,81% des droits de vote, soit environ 14% des suffrages exprimés en AG. Le Conseil de surveillance du fonds Orange Actions (CS OA) vote au nom de tous les personnels français détenant leurs actions Orange dans le Plan Épargne Groupe (PEG).

Le Conseil de surveillance du FCPE Orange Actions depuis l’élection de décembre 2020

Liste

Électeurs

%

Droits de vote

%

Sièges

CFE-CGC Orange & CFTC avec ADEAS

10 558

28,22%

18 370 612

29,34%

4

CFDT soutenue par UNSA Orange

9 703

25,94%

15 002 727

23,96%

3

AASGO

8 529

22,80%

20 339 304

32,48%

4

CGT

5 049

13,50%

4 768 251

7,61%

1

FOCom

3 568

9,54%

4 141 793

6,61%

0

Les règles de l’élection sont définies par le Code de commerce : le nombre de droits de vote dépend du nombre d’actions détenues dans le FCPE Orange Actions. Ce qui explique le nombre de sièges obtenus par l’Aasgo, qui rassemble les plus gros porteurs, notamment des retraités aisés, pour qui le rendement financier immédiat des actions (dividende élevé) peut primer sur la bonne santé de l’entreprise, qu’ils n’évaluent pas selon les mêmes critères que les personnels encore en activité.

Lors des précédentes élections du Conseil de surveillance, la CFDT (et FOCom) avait fait liste commune avec l’Aasgo. Cette alliance se poursuit pour certains votes au sein du Conseil de surveillance. L’addition des voix de la CFDT et de l’Aasgo permet d’obtenir une majorité au sein du CS OA, sur des positions qui n’expriment pas forcément la volonté de la majorité des personnels actifs, et à la CFDT de se maintenir à la présidence du Conseil de surveillance.

Les travaux du Conseil de surveillance commencent très en amont de l’AG, pour qu’il puisse notamment proposer des résolutions alternatives à celles présentées par le Conseil d’administration, et inscrire des points à l’ordre du jour de l’AG.

Compte tenu des décisions tardives sur le choix du Président, notifié le 30 mars, les votes ont eu lieu en deux temps.

Premiers votes le 11 mars

Après un débat nourri, le Conseil de surveillance vote :

  • Contre le dividende à 0,70 € par action. Pour la CFE-CGC Orange, ce montant obère les capacités d’investissement du Groupe alors qu’il faut encore déployer beaucoup de réseaux à très haut débit (Fibre et 5G) sur toutes nos géographies et développer l’innovation. En outre, ce qui est versé en dividende réduit d’autant la valeur de l’action.

Il n’a pas été possible de proposer un dividende alternatif, comme le Conseil de surveillance le faisait par le passé. La CFE-CGC Orange a proposé un compromis à 0,50€ par action, mais la CFDT s’y est opposée. Les positions du Conseil de surveillance apparaissent donc incohérentes, laissant penser que les personnels sont contre tout versement de dividende, ce qui n’est pas le cas.

  • Contre la politique de rétribution des dirigeants. La négociation annuelle obligatoire (NAO) sur les salaires est en échec, avec 3 années consécutives sans accord salarial chez Orange SA. Première en 2022, la décision unilatérale de la Direction est moins disante que le dispositif entériné lors de la dernière séance de négociation. L’écart croissant entre la rétribution des personnels et celle des dirigeants, qui augmente beaucoup plus rapidement, est d’autant plus choquant que la baisse constante des effectifs accroît régulièrement la charge de travail des équipes.
  • Contre la modification des statuts d’Orange décalant l’âge limite du Président. Tout est fait pour faire partir rapidement les plus âgés d’entre nous, notamment via le Temps Partiel Seniors (TPS). Alors pourquoi envisager un Président ayant dépassé l’âge de la retraite ?

Le 11 mars, nous ne savons pas qui sera proposé pour la présidence du CA d’Orange, même si le nom de Jacques Aschenbroich circule déjà dans les médias. Mais tous les représentants du fonds sont d’accord : on ne peut pas adapter les règles à un candidat. C’est au contraire le profil proposé qui doit correspondre au cadre de gouvernance prédéfini. Certains médias ayant interprété la position du FCPE Orange Actions comme un soutien à la candidature de Sébastien Crozier, la présidente du Conseil de surveillance (CFDT) réaffirme dans la presse qu’il s’agit bien d’une position de principe contre la modification des statuts d’Orange.

8 avril : rencontre avec Jacques Aschenbroich … et vote du CS OA en sa faveur.

Le 8 avril, M. Aschenbroich rencontre le Conseil de surveillance du fonds Orange Actions. Il y demande l’appui des personnels actionnaires, tant sur son nom que sur la modification des statuts d’Orange.

Pour notre part, nous n’avons décelé aucune compétence clé dans nos domaines d’activité justifiant de confier la présidence à M. Aschenbroich. Le fait qu’il cumule la présidence de Valeo et d’Orange (ce n’est pas interdit par la loi, mais très inhabituel… et controversé), avec en parallèle un mandat d’administrateur chez TotalEnergies et BNP Paribas interroge à la fois sur sa disponibilité pour Orange et de probables conflits d’intérêt, vis-à-vis d’Orange Bank et des activités de distribution d’énergie développées par Orange sur plusieurs géographies (voir encadré plus loin). Enfin, nos échanges réguliers avec les personnels sur le terrain ont démontré un rejet massif de cette candidature.

À l’issue de cet échange, la CFDT demande un vote à bulletins secrets pour les deux nouveaux administrateurs proposés. Résultat du vote sur la nomination de M. Aschenbroich : 7 voix pour, 4 contre (celles de la CFE-CGC Orange), 1 abstention.

18 mai : rencontre avec Christel Heydemann … et l’impensable se produit

Depuis début avril, rendez-vous était pris avec la nouvelle Directrice générale : il semblait logique qu’elle vienne échanger avec les représentants du 2ème actionnaire d’Orange après l’Etat. Alors que nous attendions un dialogue sur la stratégie d’Orange, quelle ne fut pas notre surprise d’entendre… un argumentaire en faveur de M. Aschenbroich, et une demande de soutien sur la résolution concernant la modification des statuts d’Orange.

Après son départ, la présidente CDFT du Conseil de surveillance nous demande de revoter la résolution 17 sur la limite d’âge. Un tel procédé n’avait jamais eu cours au sein de ce Conseil, même lorsque les représentants de la Direction votaient sur les résolutions (pratique abolie chez Orange par l’accord de gouvernance signé le 27 mars 2018, et interdite depuis la Loi Pacte de 2019). C’est une déloyauté manifeste, alors que les organisations syndicales ont déjà communiqué leurs votes aux personnels (nous, mais aussi… la CFDT), et que tous les représentants présents n’ont pas mandat pour un vote non inscrit à l’ordre du jour.

Nous sommes la veille de l’Assemblée générale et nos votes doivent être enregistrés avant 15h. C’est donc sous la pression qu’un nouveau scrutin est organisé. Les représentants de la CFE-CGC Orange et de la CGT (qui ne peuvent être majoritaires à eux seuls) refusent d’y prendre part. La CFDT et l’Aasgo valident la résolution 17. Qu’ont-ils gagné en cédant à la pression de la nouvelle Direction ?

Pour la CFE-CGC Orange, c’est une tache indélébile sur les pratiques du Conseil de surveillance, que nous dénonçons donc publiquement, comme l'a fait la CGT.

19 mai : Assemblée générale des actionnaires et résultat des votes

Les résultats complets du vote des résolutions sont publiés sur le site institutionnel d’Orange. De manière générale, toute résolution votée à moins de 80% des voix constitue un signe de défiance de la part des actionnaires.

  • Nomination de Jacques Aschenbroich: 76,86 % (à comparer avec le score de Valérie Beaulieu‑James, proposée en remplacement de Helle Kristoffersen lors de cette même AG : 96,69%). La résolution a été rejetée par la moitié des actionnaires externes. C’est grâce à l’Etat (et aux pressions sur le CS OA) qu’il concrétise son parachutage comme administrateur et Président d’Orange.
  • Approbation de la politique de rémunération 2022 du Président-directeur général, de la Directrice générale, du ou des Directeurs généraux délégués : 50,55 %. Un score « camouflet », que n’a pas endigué la renonciation de Stéphane Richard à une rémunération exceptionnelle de 475 K€ à l’occasion de son départ, et qui oblige le Conseil à réviser sa copie… mais seulement pour l’an prochain.
  • Modification des statuts sur la limite d’âge du Président du Conseil d’administration: 92,48%. Alors, tout ça pour ça ? La Direction d’Orange, qui a un dialogue soutenu avec les investisseurs avant l’AG des actionnaires, avait une idée des résultats potentiels pour cette résolution, qui passe largement, même si pour modifier les statuts il faut les 2/3 des suffrages exprimés. Pourquoi alors faire pression sur les représentants des personnels actionnaires afin qu’ils révisent leur vote ?

Les signaux envoyés ces dernières semaines laissent penser que la nouvelle Direction veut « mettre au pas » personnels et organisations syndicales. Est-ce vraiment le meilleur moyen pour susciter la confiance et l’engagement dont le Groupe a besoin pour devenir (ou redevenir) un acteur majeur sur un marché du numérique en pleine transformation ?

Sur le blog de l’ADEAS :

Le cumul des mandats a de beaux jours devant lui

La CFE-CGC Orange et l’ADEAS ont profité des AG pour interroger les Conseils d’administration des différentes entreprises dont M. Aschenbroich est administrateur, pour connaître leur position sur les potentiels conflits d’intérêts :

  • Valeo : Compte tenu du double poste occupé (Président non exécutif de Valeo et d’Orange), y a-t-il un risque que M. Aschenbroich ne puisse pleinement s’acquitter de sa mission ? Réponse: Le processus de sélection du nouveau Président du Conseil de Valeo est en cours. Dans l'intérim, J. Aschenbroich demeure pleinement concentré sur l’exercice de ses fonctions de Président non exécutif du Conseil de Valeo.
  • TotalEnergies: M. Aschenbroich pourrait-il se retrouver en situation de conflit d’intérêts sachant qu’Orange est distributeur d’énergies en Pologne en Afrique, potentiellement en Espagne si le rapprochement avec MásMóvil aboutit, et dans d’autres pays ? Réponse: le Conseil estime que M. Aschenbroich ne sera pas en situation de conflit d’intérêts, en l’absence de véritable situation concurrentielle (présence limitée d’Orange dans le secteur de l’énergie), et de relations d’affaires peu significatives entre TotalEnergies et Orange.
  • BNP Paribas: Quelle appréciation du risque de conflits d’intérêts, la banque constituant un axe de développement stratégique pour Orange avec Orange Bank, et M. Aschenbroich étant en position de détenir des informations stratégiques sensibles pour les deux acteurs ? Réponse : le Conseil considère que le nouveau mandat de M. Aschenbroich sera compatible avec son mandat d’administrateur de BNP Paribas sous réserve de certains cas de déport dont les circonstances et les modalités lui ont été notifiées.  
    Note : réciproquement, M. Aschenbroich devrait aussi être contraint à se déporter de certains débats sur la banque dans le Conseil d’administration d’Orange. Ubuesque !

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