Près de 700 postes bientôt supprimés chez Orange Business Services. Avec l’assentiment de l’Etat ?

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Image Gerd Altmann via Pixabay

Suite à l’annonce d’un plan de suppression de 670 postes chez Orange Business Services, la CFE-CGC Orange écrit à Monsieur Bruno Le Maire, ministre de l’Économie, pour lui demander de protéger les emplois chez Orange, dont l’Etat reste l’actionnaire de référence, et plus globalement la filière numérique française.

Texte intégral ci-dessous, ou pdf à télécharger : pdf2023-04-11_cfe-cgc-orange_courrierministreeconomie_brunolemaire__plansocialobs.pdf

Note complémentaire :

Certaines et certains nous ont demandé pourquoi nous parlions toujours de "Orange Business Services" et pas de "Orange Business", qui est la nouvelle appellation décrétée par la Direction en février dernier. Voici pourquoi cette nouvelle appellation est problématique pour nous :

  • de nombreux collègues l'ont souligné, on supprime la dimension "Services", ce qui interroge sur les missions de l'entité, qui sont par ailleurs mal voire pas précisées, notamment dans les documents transmis aux représentants du personnel pour annoncer la volonté d'organiser une rupture conventionnelle collective (RCC) visant 670 postes dans le périmètre social de SCE (Services de communications aux entreprises)
  • changer de nom, et donc gérer le "rebranding" de tous les supports de communication, coûte extrèmement cher. Est-ce compatible avec les économies qu'on prétend si urgentes qu'il faut se séparer de 670 personnes ?
  • l'abréviation OB sème la confusion : Orange Business ? Orange Bank ?

 

Monsieur le Ministre,

La Direction d’Orange vient d’annoncer la suppression de près de 700 postes chez Orange Business Services.

A l’heure où les services numériques aux entreprises explosent, et pendant que les concurrents d’Orange Business Services annoncent des plans de recrutements de milliers de collaborateurs, cette décision est incompréhensible.

L’Arcep et l’Autorité de la concurrence désorganisent le marché entreprise

Orange est un acteur essentiel de l’aménagement du territoire. Malgré l’introduction de la concurrence, c’est toujours à Orange qu’il est demandé de couvrir les zones faiblement denses : 60% du territoire français est couvert par Orange… qui n’a que 35% des parts de marché de détail.

Mais depuis plusieurs années, au nom d’une prétendue insuffisance de concurrence sur le marché des entreprises, l’Arcep et l’Autorité de la Concurrence ne cessent de harceler Orange Business Services. Après avoir vainement tenté de créer un nouvel acteur du marché de gros (Kosc), l’Arcep a imposé de multiples mesures bureaucratiques à Orange Business Services. Par exemple, les équipes commerciales et les équipes techniques sont contraintes de communiquer par mail au travers de tickets d’incidents plutôt que de vive voix, tandis qu’il a fallu construire des barrières physiques (murs équipés de sas à badges) pour éviter les échanges oraux (sic) entre les équipes… ce qui évidemment a entravé leur bon fonctionnement.

Les parts de marché d’Orange Business Services sont restées stables, car ce que veulent les entreprises, c’est accéder aux offres d’un opérateur de réseau national. Orange reste également le seul opérateur capable d’offrir un réseau sans couture aux échelles française, européenne et mondiale.

Mais la qualité de service d’Orange Business Services n’a jamais été aussi basse (il faut 200 jours pour obtenir une fibre entreprise), et les marges se sont effondrées sous le poids des surcoûts liés aux injonctions bureaucratiques !

Qu’y gagne la France ?

Un accès difficile au raccordement numérique et à la cybersécurité pour les PME de notre pays, et une perte de compétitivité internationale.

Une vision court-termiste qui plombe Orange et la filière du numérique français

L’Etat est toujours l’actionnaire de référence d’Orange au travers de l’APE (Agence des Participations de l’Etat) et Bpifrance qui détiennent conjointement 22,5% du capital d’Orange et près de 30% des droits de vote en AG, devant les personnels qui en détiennent 11%. Il dispose à ce titre de 3 sièges au Conseil d’administration d’Orange.

C’est donc avec son assentiment, voire ses encouragements, que notre entreprise est devenue obsédée par la rentabilité à court terme et le versement de dividendes élevés, tandis que la filière des télécommunications française était progressivement liquidée.

Sagem et Alcatel, qui étaient des équipementiers très bien placés sur les marchés mondiaux et des partenaires historiques de France Télécom, ont été démantelés et ont finalement disparu, respectivement en 2005 et 2006.

En 2006, France Télécom vendait Pages Jaunes et Mappy, deux services leaders des annuaires et de la cartographie, dont la rentabilité a été plombée par un rachat en LBO dont l’entreprise ne s’est jamais relevée, laissant les internautes français dans les bras de Google, qui détient un quasi-monopole sur les requêtes formulées dans un moteur de recherche en France, y compris pour y rechercher des professionnels, Mappy ayant finalement été revendu à la RATP.

En parallèle, Orange ne cesse de diminuer ses investissements en R&D, passés de 812 m€ en 2012 à 605 m€ en 2022, et représentant désormais moins de 1,5% du CA du Groupe, pendant que les GAFAM - et les équipementiers chinois - y investissent entre 7 et 21% de leur chiffre d’affaires.

Quand l’Etat français va-t-il se doter d’une véritable stratégie industrielle dans le numérique ?

Aujourd’hui, bien qu’on parle de réindustrialiser la France et de « start-up nation », aucun « champion » français n’émerge dans le domaine du numérique, aucun service « phare » n’est français.

Pourtant, le marché du numérique se développe : selon Numeum, l’organisation professionnelle de l’écosystème numérique en France, il a connu une croissance de 7,5% en 2022, et les perspectives de croissance pour 2023 sont de près de 6%. Malheureusement, il s’agira en grande partie de mettre en œuvre des solutions IT opérées sur des plateformes… appartenant aux GAFAM.

Dans le top 50 des entreprises françaises du numérique (ESN et ICT) en 2022, on retrouve 2 entreprises contrôlées par l’Etat français : Orange Business Services à la 10ème place avec 884 m€ de CA, et Docapost (filiale de La Poste, à capitaux 100% publics) à la 11ème, avec 745 m€ de CA. C’est à cette dernière que l’Etat demande de développer ses activités dans le numérique, avec des services tels que le cloud ou l’identité numérique, qui viendront s’ajouter aux systèmes de vote en ligne sécurisé (Docapost) et au coffre-fort électronique pour les particuliers (Digipost).

Quelle est la logique de l’Etat à mettre ces deux acteurs en concurrence totale ou partielle, notamment dans les services aux entreprises, plutôt que de leur demander de regrouper leurs forces afin de proposer à nos entreprises des solutions françaises régies par nos lois et nos règles de sécurité ?

Qu’y gagne la France ?

Nos données télécoms, nos données personnelles et les données de nos entreprises se promènent à l’autre bout du monde, avec un contrôle plus qu’incertain sur ce qui en est fait, et des risques avérés pour notre souveraineté.

La poursuite d’une politique de dividende asphyxiante détruit des emplois…

L’Etat continue d’exiger une hausse du dividende, qui passera de 70 à 72 centimes au titre des résultats 2023, alors qu’il n’était que de 60 centimes en 2020, que le rendement de l’action Orange (autour de 7%) est déjà très élevé, et que les dividendes versés sont régulièrement supérieurs aux bénéfices.

Désormais, il faudra verser chaque année au moins 310 m€ supplémentaires

Cette politique asphyxiante entrave la transformation d’Orange en l’opérateur de services numériques dont la France a besoin et a pour effet immédiat un premier plan social sous la forme du départ demandé de 670 collaborateurs.

La force au travail baisse-t-elle pour autant ? En aucun cas ! Après la sous-traitance massive (qui atteint 30% de la force au travail pour Orange en France, avec les résultats déplorables que l’on connaît sur le déploiement technique de la Fibre), c’est maintenant une opération de délocalisation massive qui s’organise pour se séparer de métiers supplémentaires, l’Inde et l’Ile Maurice étant d’ores et déjà pressenties pour accueillir ces activités.

Qu’y gagne la France ?

Des emplois en moins, une dégradation de la balance des paiements, une perte de compétences, et une perte de sécurité sur les données de nos entreprises.

… tandis que l’Etat français n’utilise pas ses prérogatives légales pour le défendre !

Aux termes de l’article L32-1 ( § II.2) du Code des postes et des communications électroniques modifié par la LOI n°2016-1321 du 7 octobre 2016 - art. 40, le gouvernent et le régulateur des télécommunications ont la responsabilité conjointe de développer l’emploi dans ce secteur.

Plutôt que détruire 700 emplois, ne vaudrait-il pas mieux, comme d’autres pays l’ont fait, obliger à la localisation des emplois du secteur des Télécoms sur le territoire national (le cas échéant européen) ? L’attribution des licences et des concessions du domaine public ne relevant pas du champ de l’OMC, les règles d’attribution sont libres. En l’appliquant à tous les opérateurs, les distorsions de concurrence seront supprimées, et la France y gagnera de l’emploi et des expertises.

Une gouvernance qui interroge

Vous avez désigné de façon autoritaire deux dirigeants n’ayant aucune culture des services numériques, et dont les premières mesures ont été d’augmenter leurs rétributions et celles des membres du Comex qu’ils ont choisi. Cette augmentation représente la rétribution de 100 postes supprimés à Orange Business Services !

Parallèlement, en moins de 6 ans, l’APE aura eu 5 représentants différents au Conseil d’administration d’Orange. La CFE-CGC Orange, première organisation syndicale du Groupe (avec 27% des suffrages, et d’Orange Business Services, toutes entités confondues avec plus de 50% des voix sur les 15 000 personnes concernées aux élections professionnelles et un taux de participation dépassant les 70%), vous demande la nomination d’un interlocuteur stable.

Nous demandons également à l’actionnaire de référence d’Orange d’organiser rapidement les mesures nécessaires pour éviter la suppression de 670 emplois chez Orange Business Services.

Comptant sur votre écoute et ne doutant pas que vous comprendrez le bien fondé de nos demandes, nous vous prions d’accepter, Monsieur le Ministre, l’expression de nos salutations respectueuses.

Economie et Réglementation des Télécoms Emploi & Métiers SCE Orange Business Services

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