La note d'analyse de la CFE-CGC Orange sur les opérateurs satellitaires
Rédigé par Sébastien Crozier le . Publié dans Nos Publications.
Les opérateurs satellitaires
Contexte
Le marché des Télécoms en France est régulé (par l’ARCEP notamment) et structuré autour de quatre opérateurs terrestres qui ont des obligations d'investissement et de couverture géographique. Ces opérateurs sont par ailleurs soumis à un régime fiscal spécifique, l’IFER (imposition forfaitaire des entreprises en réseau).
Profitant du flou crée par le développement de la connectivité satellitaire, certains opérateurs satellitaires étrangers proposent des offres directes aux particuliers et court-circuitent les opérateurs terrestres nationaux en s’affranchissant des règles et en n’étant pas soumis aux mêmes obligations.
Leur modèle fragilise la chaîne de valeur locale et menace la maîtrise française de la connectivité.
Les mégaconstellations privées – Starlink (SpaceX) et désormais Kuiper (Amazon) – tentent d’imposer leur rythme au régulateur, et leur développement hors de tout cadre en France fait peser un risque inédit de dépendance technologique et de perte de contrôle sur les données.
Constat
Présent et accessible en France depuis 2021, Starlink devrait être rejoint par Amazon Kuiper, qui entend lancer son service d’internet par satellite en France début 2026. La CFE-CGC Télécoms a contesté l’autorisation d’utilisation de fréquence donnée à Amazon Kuiper car l’ARCEP semble avoir ignoré les impacts en termes de souveraineté, d’emploi, d’équilibre du marché qu’aurait cette autorisation si elle était confirmée. L’ARCEP, pourtant garante des équilibres concurrentiels et de la sécurité des réseaux, n’a d’ailleurs jusqu’ici formulé aucune doctrine claire sur la souveraineté des communications satellitaires ni sur l’intégration de ces technologies dans la continuité du réseau national.
Pourtant si Amazon et Starlink positionnaient la « charge utile » de leurs satellites sur des points hauts (les toits par exemple), ils pourraient créer l’équivalent d’un réseau mobile qui entrerait frontalement en concurrence avec ceux des opérateurs nationaux. Cette situation n’est pas propre à la France, puisque l’Afrique de l’Ouest subit la même offensive américaine.
La menace est donc réelle puisque si Starlink compte aujourd’hui quelques dizaines de milliers d’abonnés en France, sa volonté est bien de créer une offre alternative, tout comme Amazon Kuiper. La capacité de ces acteurs à suspendre unilatéralement un service – comme Starlink l’a fait en Ukraine – devrait interroger les pouvoirs publics sur les risques de dépendance tant elle démontre le pouvoir géopolitique d’un acteur privé sur la souveraineté numérique d’un État. Face à cela, des solutions existent s’il y a une volonté politique. Orange, qui a investi dans une approche hybride (fibre, mobile, satellite) et soutient le partenariat Eutelsat-OneWeb, doit ainsi prendre place en première ligne pour défendre une alternative européenne crédible.
Propositions
- La CFE CGC Orange souhaite imposer un débat national et européen sur les enjeux de l’Internet par satellite. Le recours gracieux contre la décision de l’ARCEP est un signal d’alerte pour forcer le législateur à réguler les services satellitaires car c’est tout l’écosystème français des Télécoms qui est en jeu. Ne rien demander aux acteurs américains et laisser peser sur les opérateurs français taxes et obligations semble en effet irresponsable.
Le rôle-même de l’ARCEP est questionnable car l’autorité n’a pas protégé l’emploi (ce qu’elle doit faire selon ses missions définies dans la loi) et a ainsi une fois de plus manqué à ses devoirs en attribuant des autorisations à Starlink et Kuiper sans aucune condition sur le nombre et la localisation des emplois créés.
- L’obligation d’emploi en France dans l’attribution des fréquences doit être au cœur de la politique de l’ARCEP. Il n’est pas admissible que la coordination technique d’Amazon Kuiper soit basée en Allemagne tandis que les services commerciaux sont en Irlande car cela créé une pression forte sur les autres opérateurs qui ont des milliers d’emplois dans l’Hexagone et qui sont tenus à des obligations (accès aux infrastructures, non-discrimination, transparence, couverture) auxquelles ne sont pas soumises les opérateurs satellitaires.
Il est donc nécessaire que ces obligations soient alignées et que les licences satellitaires obéissent à des exigences de souveraineté et aux mêmes règles que celles auxquelles sont soumises les opérateurs terrestres, notamment fiscales (TVA, impôt sur les sociétés, IFER…). Au niveau régalien, la localisation des services de Starlink à l’étranger pose un problème pour les interceptions judiciaires de communication qui sont beaucoup plus longues à obtenir. L’allongement de ce délai peut avoir des conséquences dramatiques dans certaines situations et nuisent au bon déroulement des enquêtes.
- La CFE CGC attend d’Orange qu’elle participe à créer une filière française de la connectivité orbitale. Au lieu de l’APE, Orange aurait pu elle-même devenir l’actionnaire de référence d’Eutelsat car l’avenir numérique de la France dépend de la capacité de ses entreprises à investir dans les technologies de demain.
Le satellite n’est plus un simple relais technique : c’est un outil de souveraineté.
Laisser aux géants américains la maîtrise de l’espace, c’est accepter que notre connectivité, nos données et nos communications puissent être coupées, surveillées ou marchandées.
La France dispose pourtant d’un écosystème solide — Eutelsat, OneWeb, Thales, Orange — pour bâtir une alternative crédible. Il appartient désormais à l’ARCEP et à l’État d’en faire un pilier de la politique industrielle et numérique française.
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les_notes_de_la_cfe-cgc_orange_les_operateurs_satellitaires.pdf



