Editorial : Plus jamais une politique de l’immobilier qui se décide loin du terrain, sans les personnels, et contre leurs intérêts !
Rédigé par Sébastien Crozier le . Publié dans Nos Éditoriaux.

Ces derniers jours, la violence des événements de Saint-Mauront à Marseille a agi comme un brutal révélateur : quand la politique immobilière est guidée par l’obsession de réduire les coûts, ce sont les personnels qui se retrouvent en première ligne, pris en étau entre narcotrafic et décisions managériales à courte vue. Pendant plusieurs jours, les personnels ont été confinés à répétition, avant que le site ne soit finalement fermé temporairement, preuve que la sécurité a été traitée comme une variable d’ajustement et non comme un préalable absolu.
Depuis des années, la Direction d’Orange concentre les équipes sur quelques grands sites, éloigne les lieux de travail des bassins de vie et poursuit une logique de « campus » qui réduit les mètres carrés, densifie les bureaux et dégrade l’équilibre vie professionnelle / vie personnelle. À Marseille comme ailleurs, cette stratégie conduit à exposer les salariés à des zones déjà fragilisées, au lieu de penser l’immobilier comme un outil d’attractivité, de cohésion et d’aménagement du territoire.
La CFE-CGC Orange alerte depuis longtemps sur ces dérives : des projets immobiliers imposés, des fermetures de sites en chaîne, des trajets rallongés, des conditions de travail dégradées, et désormais des personnels mis en danger au nom de prétendues économies. Une entreprise comme Orange ne peut pas se contenter de baisser ses loyers sur PowerPoint ; elle doit assumer sa responsabilité sociale, territoriale et humaine, en choisissant des implantations qui protègent les équipes et soutiennent les quartiers plutôt que de les fragiliser.
La chaîne de responsabilités ne s’arrête pas à la direction d’Orange. Le « gendarme des télécoms », l’ARCEP, se contente d’attribuer des fréquences, ressources rares, sans jamais imposer de conditions sérieuses sur le maintien et la localisation des emplois sur le territoire national. Après ceux qui ont obtenu des fréquences 4 et 5G, c’est StarLink et Amazon qui bénéficient du droit de ne pas localiser leurs emplois en France.
Il n’est plus acceptable que l’ARCEP fasse comme si l’emploi ne fait pas partie de ses responsabilités, alors même que la Loi lui confie la mission de veiller au développement du secteur, de l’activité et de l’emploi en France.
Refuser d’imposer la localisation des emplois, c’est organiser le dumping social, pousser à l’externalisation. 25 000 emplois dans le secteur des télécoms.
C’est refuser aux habitants des quartiers difficiles des emplois facteurs d’intégration et d’ascension sociale, et la possibilité de stabiliser les zones d’implantation difficiles choisies par Orange.
L’incident de Saint-Mauront doit marquer un tournant : il est temps de revoir en profondeur la stratégie immobilière, de remettre la sécurité, la qualité de vie au travail et la proximité des services au centre des décisions, et d’ouvrir enfin un vrai débat sur ce sujet. Notre demande est claire : plus jamais ça, plus jamais une politique de l’immobilier qui se décide loin du terrain, sans les personnels, et contre leurs intérêts.



