Décommissionnement du cuivre : un chantier sous haute tension
Rédigé par CFE-CGC Orange le . Publié dans Réseaux.
ginez une grande entreprise dont un des piliers est en pleine recomposition. On pourrait s’attendre à un pilotage rigoureux à la hauteur de l’enjeu. Aujourd’hui, chez Orange, « ce n’est pas vraiment ça ! » Alors que l’activité monte en flèche, les tableaux Excel sont toujours de mise et la date de livraison des outils informatiques promis pour la fin de l’année est encore floue. Un flou qui inquiète les personnels contributeurs d’autant plus que le nombre des communes à basculer du cuivre vers la fibre s’apprête à croître de façon exponentielle.
Une telle transformation, menée à cette échelle, peut-elle vraiment se contenter d’un pilotage artisanal ?
Quelques chiffres clés
- 1 000 000 km de cuivre à démonter sur tout le territoire ;
- Plusieurs centaines de milliers de tonnes de cuivre à récupérer ;
- +40 % de vols de cuivre en 2024 (2 300 faits déclarés) ;
- La fibre consomme 66 % d’énergie en moins que le cuivre ;
- 500 M€ d’économies annuelles sur la maintenance cuivre stoppée ;
- Seuls 30 % des grands comptes du CAC 40 ont migré vers la fibre ;
Derrière ces chiffres impressionnants, une question s’impose : comment réussir un chantier de cette ampleur sans une vision claire, partagée et sécurisée pour tous les acteurs ?
Le câble qui ne voulait pas partir
À Saint-Léonard (Gironde), des techniciens devaient retirer près de 400 kg de cuivre. Mais des câbles anciens, posés sans plan ni balisage et coincés sous des fibres déployées il y a dix ans, les ont contraints à abandonner après plusieurs heures d’efforts périlleux. Ce câble abandonné, laissé « dormant » dans le sol, illustre le manque de rigueur et le pilotage défaillant imposés par la direction. Ce cas n’est pas isolé : des milliers de kilomètres de cuivre restent irrécupérables, faute de suivi documentaire et de process fiables.
Les personnels au cœur d’une transition incertaine
Les techniciens s’inquiètent de leurs futures conditions de travail face à la charge de travail en hausse qui les attend. En effet, sans une évolution rapide, les outils et processus employés actuellement seront obsolètes dans les mois à venir. A cette inquiétude s’en superposent d’autres, tout aussi perturbantes :
- L’impact de la réorganisation d’Orange France (REGAIN), véritable cyclone en passe de dévaster l’organisation de l’entreprise, sur leur environnement de travail ;
- L'évolution des métiers, avec la disparition de certains et l'apparition de nouveaux ;
- L’accompagnement des personnels vers l’avenir à moyen terme avec une visibilité plus ou moins opaque selon les services.
Le nombre de formations à la fibre progresse, mais à un rythme trop lent. Mais alors comment préserver les savoir-faire des métiers historiques dans ce grand basculement ?
L’enjeu humain ne mérite-t-il pas autant d’attention, si ce n’est plus, que l’enjeu économique ?
Des usagers inquiets, des territoires à accompagner
La fermeture du cuivre soulève de vraies questions : pendant cette phase transitoire de basculement du cuivre vers la fibre, comment garantir l’équité du service entre les zones rurales où la fibre tarde à s’implanter et les zones urbaines ? Avec l’abandon de la maintenance du réseau cuivre, les dérangements et coupures vont se multiplier. La baisse de qualité de service engendrée sera-t-elle le signe d'une adaptation nécessaire ou celui d'une précipitation mal maîtrisée
Là encore, le dialogue entre acteurs locaux, techniciens et la Direction semble plus que jamais essentiel.
Des équilibres économiques qui restent encore à trouver
Après les années de transition, les projections financières évoquent jusqu’à un milliard d’euros de marge en moins par an à terme. Mais ces estimations, encore floues, méritent d’être débattues.
- Côté positif, le coût de maintenance de la fibre sera moins élevé que celui du réseau cuivre ;
- Côté négatif, les revenus liés à la location de notre réseau fibre aux autres opérateurs Internet ne compenseront ni la baisse de revenus liés à notre réseau cuivre ni les dépenses de location de la fibre dans les régions où nous ne sommes pas propriétaires du réseau.
Dans cette incertitude, la seule solution : augmenter ou à minima, conserver le portefeuille de clients. D’où l’un des mantras de l’entreprise en ce moment : « Accélérer la bascule de nos clients et en conquérir de nouveaux ».Oui, mais comment éviter que la concurrence ne tire parti des lenteurs de la migration vers la fibre ? Une question qui appelle transparence et anticipation plutôt que décisions à court terme.
Bouygues Télécoms dans les bureaux de La Poste
En ne voulant pas mettre le prix, la Direction d’Orange a laissé échapper le rachat de La Poste Mobile (en partie possédée par SFR) au profit de Bouygues. C’est non seulement le trafic mobile qui va aller sur le réseau Bouygues mais c’est aussi les box Bouygues qui sont désormais commercialisées dans le réseau de La Poste. Ce réseau, par sa densité et sa proximité avec les clients que l'on va forcer à basculer vers la fibre, va faire perdre des parts de marché significatives à Orange
Des questions, encore des questions
La Direction veut précipiter la fin du décommisisonnement pour réduire ses impôts (l’IFER) et ses coûts énergétiques. Elle est donc prête à la précipitation au risque de déconnecter des centaines de milliers de clients. La CFE-CGC Orange estime nécessaire de prévoir deux ans supplémentaires pour s’assurer de la qualité du décommissionnement.
La fin du réseau cuivre conduira automatiquement à une baisse de la consommation énergétique d’Orange. On peut donc rire d’objectifs RSE légèrement à la baisse (et donc forcément atteints) qui comptent pour l’attribution des 40 millions d’euros d’actions gratuites pour les dirigeants.
- La question n’est plus seulement de savoir quand le cuivre disparaîtra, mais comment cette transformation sera menée. Avec méthode ou précipitation ?
- Avec les personnels ou sans eux ?
- Avec un vrai projet collectif ou une simple logique comptable ?
La gestion de la fin du réseau cuivre et de celles et ceux qui le font vivre dépendra de la réponse à ces questions.
Nos revendications pour un pilotage responsable et transparent
- Des outils fiables, co-construits avec les techniciens et représentants du personnel ;
- Une transparence totale sur le bilan économique détaillé, actuel et prévisionne ;
- Une révision du calendrier de décommissionnement pour garantir à la fois la stabilité technique avant fermeture, notamment en zones rurales, et un équilibre entre la baisse d’activité annoncée et la baisse des effectifs ;
- Un engagement clair de la Direction pour la protection de l’emploi, la montée en compétences et la reconversion des personnels ;
- La mise en place d’un dialogue social réel et suivi, avec des comités de suivi dotés de moyens adaptés.
Il est temps que la direction d’Orange prenne ses responsabilités pour une transformation claire, sécurisée et respectueuse.




