La croissance avant la rente, M. le Président !

L’Assemblée Générale des actionnaires du 27 mai 2014 devra entériner la reconduction de Stéphane Richard en tant que PDG d’Orange. Arrivé aux manettes en février 2010 dans le contexte douloureux de la crise sociale de 2009 ayant conduit à l’éviction de Didier Lombard, il présentait en juillet 2010 le plan « Conquêtes 2015 », nettement démarqué du plan « NExT » de son prédécesseur. Ce plan a permis d’apaiser le climat social interne, ce qu’il revendique d’ailleurs dans les médias. Cependant, la conjoncture internationale, la concurrence exacerbée en France, et la pression financière que l’Etat continue d’exercer sur l’entreprise en exigeant un dividende exorbitant en ont singulièrement limité l’efficacité !

Notre résultat a dégringolé, nous ne sommes plus que le 8ème opérateur mobile mondial d’après le GSMA Intelligence en août 2013, et nous en sommes réduits à céder des filiales pour payer le dividende !

Pendant la mandature de S. Richard, Orange a versé plus de dividendes qu’elle n’a fait de bénéfices

Certes, le nouveau PDG n’avait pris aucun engagement sur le dividende. Mais c’est certainement le point noir de sa mandature : cette dilapidation financière obère les capacités de l’entreprise à investir pour ne pas régresser… et c’est un sujet sur lequel le conseil d’administration de l’entreprise est décisionnaire, au contraire de la conjoncture

En 2009, sous la houlette de D. Lombard, France Télécom-Orange a pour la première fois versé plus de dividendes qu’elle n’avait réalisé de bénéfices. Ce triste exploit, qui choque le bon sens même si les financiers s’ingénient à démontrer qu’il est tout à fait « normal », a été réitéré pour les exercices 2012 et 2013.

evolution dividende capi fonds propres FT 23966 image001

La CFE-CGC, soutenue par l’ADEAS, fait campagne depuis 2009 pour la baisse du dividende, et a même demandé l’an dernier sa suspension pour 3 ans. Nous n’avons été que très partiellement entendus : depuis l’exercice 2012, le dividende par action est passé de 1,40 à 0,80 € (mais le résultat s’est effondré, sous la pression concurrentielle du 4è opérateur mobile en France), et pour l’exercice 2014, il devrait être fixé à 0,60 €. Mais pour continuer à servir un dividende, c’est toute l’entreprise qui est mise à mal, et ses perspectives qui sont entravées.

C’est ce que montre notre analyse de la mandature écoulée, à l’aune des engagements pris dans le cadre du plan Conquêtes 2015, articulé à l’époque autour de 4 priorités : les personnels, les réseaux, les clients et l’international.

 

 

Conquêtes 2015 : où en est-on ?

Toutes les données restituées sont issues des documents de référence & présentation des résultats, disponibles sur le site institutionnel d’Orange.

Après une courte embellie, la saignée des effectifs reprend

L’arrêt des mobilités forcées, l’engagement d’embauche de 10 000 salariés en France entre 2010 et 2012, et les consignes de revenir à un management plus humain ont permis aux équipes de souffler un peu. En 2010 et 2011, Orange a été le seul opérateur de télécoms à créer des emplois en France, avec 5 000 postes nets gagnés sur la période. Mais les effectifs sont repartis à la baisse dès 2012.

L’arrivée du 4ème opérateur mobile français début 2012, qui s’est traduite par une casse des prix sans précédent (-30% en 3 ans), conjuguée à une conjoncture morose, ont mis une forte pression sur l’ensemble du secteur des télécoms, sans épargner Orange. Plus question de maintenir les effectifs, mais au contraire de « faire plus avec moins » ! La pyramide des âges devient une aubaine : il suffit de ne pas remplacer ceux qui partent en retraite. 30 000 départs, le tiers des effectifs de la maison mère, sont prévus d’ici 2020, et seul un sur trois sera remplacé, de l’aveu même du PDG.

Les 4 000 recrutements promis pour 2013-2015 seront très insuffisants, et de nombreux managers confessent déjà qu’ils n’ont pas les moyens humains nécessaires pour remplir les objectifs qui leurs sont assignés.

La difficulté à faire appliquer une nouvelle politique sociale dans l’ensemble du Groupe (les mauvaises habitudes et les processus déficients ont la vie dure) est donc renforcée par la tension opérationnelle, sensible dans de nombreuses équipes.

Climat social : méthode Coué

Le plan « Conquêtes 2015 » prévoyait de dédier 900 millions d’euros au nouveau contrat social. Mais ces investissements sont invisibles dans les documents de référence de l’entreprise, et il est tellement impossible d’en faire le bilan que la Direction se contente des résultats de sondages internes et du label Top employeur dans les résultats qu’elle affiche sur le site officiel d’Orange.

Difficile d’évaluer les investissements sur la Fibre

2 milliards d’euros devaient être investis dans le déploiement de la fibre optique en France entre 2010 et 2015. Les documents de référence ne permettent malheureusement pas de se faire une idée précise du réalisé, qui n’est pas tracé dans les tableaux financiers, mais seulement indiqué dans le texte, avec un changement de référence en cours de période. Même avec une lecture indulgente des données restituées, il faudra sur les 2 prochaines années investir autant que sur les 4 dernières pour tenir la promesse.

Investissement dans les réseaux très haut débit (THD) en France

millions d’euros

fibre
+ 4G

fibre

total
THD

2013

535

-

535

2012

300

257

300

2011

-

151

151

2010

-

59

59

Total

 

467

1 045

 

Les 300 millions de clients ne seront pas atteints

L’objectif était de passer, à l’échelle mondiale, de 200 millions de clients en 2010 à 300 millions en 2015, via une politique conjuguant expansion, innovation et simplification de l’offre. La présentation des résultats du 1er trimestre 2014 fait état de 240 millions de clients. Difficile d’en acquérir 60 millions en moins de 2 ans... surtout si nous cédons nos filiales.

Le business sur les marchés émergents peine à décoller

La cible était de doubler en 5 ans le chiffre d’affaires réalisé dans les pays émergents. La régression intervenue en 2013 laisse penser que ce sera impossible.

CA en Afrique et au Moyen-Orient

millions d’euros

CA

évol. en %

Objectif 2015

6 424

 

Réalisé

 

 

2013

4 060

-2%

2012

4 126

10%

2011

3 746

17%

2010

3 212

-0,10%

Économies drastiques et cessions d’actifs permettent seuls d’obtenir du résultat

Chrysalid… ou comment rogner les ailes du papillon

Si elle n’est mentionnée qu’en 4ème point des priorités affichées sur le site institutionnel d’Orange pour la période 2014-2015, la « maîtrise des coûts » est cependant l’axe clef de la politique actuellement menée, d’ailleurs affiché dans la présentation des résultats 2013 (slides 32 et 39) comme principale solution pour stabiliser les marges. Dans les entreprises comme en macro-économie, serrer la ceinture de ceux qui créent la richesse apparaît comme la seule perspective. Pas très motivant pour les troupes !

Un plan d’économie était mentionné dès l’annonce de « Conquêtes 2015 » : il s’agissait de faire 1,2 milliards d’euros d’économies sur 2 ans. L’objectif a été quasiment atteint (1,1 milliard réalisé). En 2011, Chrysalid a été lancé, avec un objectif de baisse de coûts cumulée de 3 milliards d’euros sur la période 2011-2015, tout en préservant l’investissement (CAPEX) : ce sont les coûts de fonctionnement (OPEX) qui fournissent 90% des économies… et la France qui fournit l’essentiel de l’effort (86% des économies réalisées en 2013, soit 799 millions d’euros, voir présentation des résultats 2013 slide 14)

Baisse des coûts

millions d’euros

objectif

réalisé

Baisse de coûts
cumulée
2011-2015
(Plan Chrysalid)

3 000    

 

Total cumulé 2011-2013

2 117  

2013

600  

929  

2012

 

718  

2011 (Chrysalid)

 

470  

2010

 

620  

Comme on le voit, ces objectifs là sont atteints… et dépassés, au contraire des objectifs commerciaux.

Quand on y regarde de près, on s’aperçoit que, si le PDG se pose en « garant du contrat social » dans les médias, ce sont bien prioritairement les personnels qui sont mis à mal par les mesures d’économie, tout particulièrement en France.

La masse salariale principale variable d’ajustement

Depuis 2 ans, la présentation des résultats met en évidence les gains réalisés sur le dos des personnels. La France et la Pologne sont les principaux contributeurs des baisses d’effectifs intervenues dans le Groupe depuis 2010… qui constituent la source principale de la baisse de la masse salariale, intervenue pour la première fois au cours de l’exercice 2013. On appréciera le vocabulaire employé dans les documents financiers, beaucoup plus cru que celui des interviews. 

Charges de personnel

 

millions   €

évolution

2013

8 373

-6,01%

2012

8 908

1,68%

2011

8 761

0,45%

2010

8 722

1,55%

2009

8 589

 

 

Les cessions d’actifs financent la moitié des dividendes de l’exercice 2013

Si le début de la mandature a été marqué par un dynamisme affiché, notamment pour prendre place sur les marchés d’Afrique et du Moyen-Orient, définis comme une zone d’expansion stratégique pour Orange, l’année 2013 est au contraire celle des cessions. 6 cessions ont libéré environ 1 milliard de cash … soit la moitié du dividende versé au titre du même exercice !! Selon l’expression populaire, les actionnaires boivent le fond de commerce ! Quelle filiale nous contraindront-ils à vendre cette année ? Mobistar ? Orange Ouganda ?

Actionnariat salariés 

Le PDG veut le développer… la Direction ne fait rien pour !

Stéphane Richard souhaite que le personnel détienne 10% du capital d’Orange à l’horizon 2020 (il en détient actuellement 4,7%).

Nous y sommes plutôt favorables… à condition que ces actionnaires « pas comme les autres » aient réellement voix au chapitre, via une gouvernance des fonds totalement conforme aux directives européennes et aux recommandations de l’AMF (Autorité des Marchés Financiers). Certes, le Conseil de Surveillance du nouveau fonds créé pour la prochaine offre réservée au personnel sera majoritairement composé de représentants du personnel. Mais le fonds actuel Orange Actions est encore gouverné selon des règles obsolètes, que nous avons régulièrement dénoncées.

Pourrons-nous enfin proposer en Assemblée Générale des actionnaires, une suspension du dividende pour consacrer les finances de l’entreprise à son développement ? Notre PDG osera-t-il affronter l’État, son actionnaire principal, pour défendre cette position ? C’est le défi que nous lui lançons à l’aube de ce second mandat.

 

 

Article extrait de la Lettre de l'Epargne et de l'Actionnariat Salariés - Numéro spécial AG des actionnaires 2014

 

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