Privatisation d’Orange SA : Attention, le carrosse semi-public peut se transformer en citrouille privée.

Un détail de l’histoire de la transformation de France Télécom en société anonyme continue d’échapper à la sagacité de ses dirigeants : Grâce à ses fonctionnaires, France Télécom, puis Orange, a bénéficié d’un avantage concurrentiel qui, à lui seul, explique la prospérité de l’opérateur historique pendant 20 ans dans un contexte où l’avidité de ses concurrents, surgis ex nihilo, lui promettait le démantèlement.

En effet, quelle aurait dû être la vie de France Télécom puis d’Orange si une fée ne s’était pas penchée sur son berceau ?

En quelques mots, c’est le droit européen de la concurrence qui aurait dû être appliqué par le régulateur.

Or, ce droit européen de la concurrence n’était pas encore totalement écrit en 1993-1996 mais tout indiquait qu’il serait une simple transcription du droit anti-trust américain qui défendait l’option de l’optimum concurrentiel poursuivi par un régulateur dont l’objectif serait « que cent fleurs s’épanouissent », c’est-à-dire qu’un maximum de nouveaux entrants se partagent le « gâteau » des marchés de télécommunications. Le métier de ce régulateur aurait été très simple : compter le nombre d’entreprises actives sur chaque marché et entraver autant que de besoin l’activité de l’entreprise dominante jusqu’à qu’elle régresse au niveau de ses concurrents. Cette méthode de régulation porte le nom de méthode du bilan concurrentiel. Elle a été appliquée partout en Europe avec les résultats que l’on sait.

Partout en Europe, sauf en France, car une bonne fée s’était penchée sur le berceau de la SA en temps utile, c’est-à-dire en 1993-1996 en amont du travail parlementaire et gouvernemental, national et européen.

Or, cette bonne fée était une association de fonctionnaires de France Télécom, l’Union des Cadres Supérieurs et Dirigeants de France Télécom (UCSD), dont le syndicat associé l’Association Syndicale des Cadres et Ingénieurs aux Télécommunications (ASCIT) représentait 10 % des cadres supérieurs aux élections aux commissions administratives paritaires (CAP). Des dirigeants, et non des moindres, de cette association historique (fondation en 1945) sont aujourd’hui au syndicat CFE-CGC d’Orange SA.

Sans cette intervention des fonctionnaires de France Télécom, la prospérité de l’opérateur pendant deux décennies n’aurait pas été possible.

En effet, partant de l’idée qu’il fallait trouver une autre solution à l’enfer concurrentiel qui se dessinait, les fonctionnaires de France Télécom ont rencontré ou écrit à toutes les autorités qui avaient un influence sur la définition du cadre législatif et réglementaire à venir, de mémoire et de façon non exhaustive  : le Premier Ministre Alain Juppé, son directeur adjoint de cabinet Patrick Stéphanini, son conseiller à l’industrie François Soulmagnon, le Président de l’Assemblée nationale Philippe Séguin, le Ministre chargé des télécommunications François Fillon, son directeur de cabinet Patrick Pouyanné, son conseiller social Jacques Ségura, le rapporteur général du Conseil d’Etat Jean Michel Belorgey, le régulateur des télécommunications Bruno Lasserre, son directeur de cabinet Patrick de Guerre, le rapporteur du projet de loi de réglementation des télécommunications (LRT) Claude Gaillard, les députés européens de chaque groupe parlementaire André Soulier, Alain Pompidou, Jean de Gaulle, etc, etc… et le Directeur de la Stratégie de France Télécom Gérard Moine.

A tous ces décideurs, les fonctionnaires de France télécom ont expliqué que deux modèles de concurrence étaient possibles en Europe et en France, dont les objectifs n’étaient pas les mêmes et dont les conséquences permettraient ou ne permettraient pas à France Télécom de faire face à une concurrence qui s’annonçait sévère et provoqueraient ou non un drame social :

-          Le modèle de droit commun qui se dessinait qui porte le nom de concurrence efficace, fondé sur la recherche de l’optimum concurrentiel et qui mettait à la charge du régulateur d’affaiblir les positions de marché de l’opérateur dominant,

-          Un nouveau modèle à inventer de concurrence effective et loyale, fondé sur la recherche de l’optimum économique et qui confiait au régulateur la mission d’ouvrir les marchés sans pour autant les distribuer aux challengers.

C’est ce dernier modèle, mis au point finalement entre le directeur de cabinet du Ministre chargé des télécommunications et le secrétaire national de l’UCSD, que la LRT a retenu et qui a conduit notamment le Président de l’Autorité de Régulation Paul Champsaur à suspendre la régulation des tarifs de détail de France Télécom au grand dam de ses concurrents.

Les fonctionnaires de France Télécom ont par la suite fait intégrer dans le paquet télécom de directives européennes un modèle de concurrence effective et durable afin de donner mission aux régulateurs européens de favoriser la sécurité dans le temps des investissements dans les télécommunications. Grâce à leur action auprès de la rapporteuse du paquet télécoms au Parlement européen Mme Catherine Trautmann et de Mme Viviane Reding, Commissaire européenne à la société de l’information, les fonctionnaires de France Télécom ont ouvert la voie à la fin de la concurrence prédatrice en Europe.

Les stratèges d’Orange, s’ils n’ont pas empêché ces actions, ne sont pour rien dans leur succès et n’en comprennent pas encore les potentialités. C’est donc grâce aux seuls fonctionnaires de France Télécom que France Télécom, puis Orange, ont connu la prospérité malgré les énormes erreurs de leurs dirigeants.

Les fonctionnaires de France Télécom ont offert un carrosse à leurs dirigeants.

Mais cette prospérité ne tient qu’à un fil, et ce fil c’est la présence de fonctionnaires dans une SA et le caractère semi-public d’Orange SA.

Si Orange SA est totalement privatisée pour distribuer son capital à des inventeurs d’applications pour smartphones et pour donner de l’activité aux spéculateurs, le régime de faveur concurrentiel dont bénéficie Orange SA perd toute légitimité et ne se justifie plus du tout. La suspension de la régulation de ses tarifs de détails pourrait être arrêtée et le retour à l’objectif de partage des marchés d’Orange entre ses concurrents réactivé par les régulateurs.

Orange pourrait être immédiatement soumis au droit commun de la concurrence et démantelé rapidement sous les coups de boutoir d’une régulation concurrentiellement très efficace.

Christian TRUONG-NGOC

Ancien secrétaire national de l’UCSD

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