35 heures : "Plus idéologique qu'économique"

Les députés ont adopté mercredi la réforme des 35 heures. Entre autres "détricotages", le plafond de 218 jours de travail annuel pour les cadres a été relevé à 235. Bernard Van Craeynest, le leader du syndicat des cadres CFE-CGC, dénonce une "régression sociale énorme" et s'inquiète que les salariés des PME soumis au forfait jour (les cadres mais aussi les salariés dits " autonomes") perdent l'intégralité de leur RTT.

Avec cette réforme, qu'est-ce qui va changer pour les cadres?
Avec le passage à 235 jours de travail par an, c'est très simple, les cadres et les salariés dits "autonomes" (commerciaux, personnel de maintenance...) touchés par cette mesure risquent de perdre tout ou partie de leurs 17 jours de RTT. Petit calcul simple: une année, c'est 365 jours. Avec 235 jours de travail, le salarié n'a que 130 jours de repos (365-235). Ces 130 jours, ce sont en fait ses repos hebdomadaires (2 jours hebdomadaires, soit 104 jours), ses congés payés (5 semaines, soit 25 jours) et un seul jour férié, le 1er mai. Finies les RTT. Pour répondre à votre question, moi j'appelle ça un emploi du temps surchargé.

Il y aura quand-même des compensations financières...
Elles seront très faibles. Les jours travaillés au-delà du 218e jour seront rémunérés 10% de plus. C'est indécent quand on sait qu'une personne soumise à rythme horaire (par opposition au forfait jour, Ndlr) touche 25% de plus pour ses heures supplémentaires. Et quid de la santé du salarié avec ce rythme effréné? Sans parler du coup porté à son équilibre vie professionnel-vie privée.

Le gouvernement parle d'accords à définir salariés et employeurs. Cela ne vous rassure pas?
Pour les grandes entreprises, je ne suis pas trop inquiet, je pense que peu de directeurs des ressources humaines auront envie de détricoter des acquis déjà obtenu au forceps. Mais dans les PME, où on manque cruellement d'instances représentatives du personnel, ce sera plus dur. Faute de représentant, les cadres et les salariés "autonomes" auront moins de marge de manoeuvre pour négocier le maintien de leur RTT au lieu de leur paiement. D'ores et déjà, dans une petite entreprise, le cadre, spécialiste dans son domaine, est souvent hyper-sollicité. Dans un contexte économique morose, avec les hausses de prix de l'énergie que l'on connaît, les salariés, et essentiellement les cadres, sont la seule variable d'ajustement qui permet de jouer sur la productivité. Nul doute qu'ils seront poussés à faire encore plus d'heures.

"Il faut à tout pris éviter la mise en place de cette politique de dumping social"

Certains murmurent que les cadres ont largement profité de la réforme Aubry, et que c'est un juste retour des choses. Qu'auriez-vous à répondre?
La loi de janvier 2000 instaurant le forfait jour était de bon sens. Les RTT offerts aux cadres constituait une contrepartie légitime, dans la mesure où ils font plus d'heures par jour que la moyenne des salariés, c'est un fait. Nous avions des instruments d'une grande souplesse et voilà qu'on les abandonne. De surcroît, on s'acharne sur des salariés qui en font déjà beaucoup. Les cadres travaillent jusqu'à 2 000 heures par an, 10h par jour. Ils sont tenus par la patte le week-end à la maison par les mails et autres blackberries. Pourquoi en rajouter? C'est une énorme régression sociale, motivée par des raisons bien plus idéologiques qu'économiques. Ce n'est pas du tout ce qu'il faut pour nos entreprises. Il y a d'autres leviers économiques.

Que réclamez-vous?
D'un point législatif, l'abrogation claire et nette de la réforme des 35h telle qu'elle a été adoptée mercredi par les députés. Nous rejetons l'intégralité du texte. Certes, nous sommes dans un contexte de ralentissement économique, mais l'intensification massive du travail des cadres jusqu'à leur épuisement n'est pas la solution. Une autre loi, celle de la réforme des institutions, vient d'être adoptée. Elle permet entre autres la tenue d'un référendum d'initiative populaire portant sur le bien-fondé d'une loi, à partir d'un an après sa promulgation. Si nous constatons des abus par rapport à la réforme des 35h, nous ne manquerons pas d'en appeler à un référendum.

Et d'un point de vue économique?
Il faut à tout pris éviter la mise en place de cette politique de dumping social et plutôt réfléchir à la formation et à la réinsertion des cadres. Les bons chiffres de l'emploi des cadres (3,7% de chômage seulement, Ndlr) masquent des réalités. Ils ne traduisent pas les écarts de situation, le problème des seniors, dont les compétences sont obsolètes. C'est par là qu'il faut commencer au lieu d'intensifier le travail des salariés déjà en place.

Propos recueillis par Claire ANGOT le JDD.fr du 24/07/08

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