Politique innovation, déclaration en CSEE
Rédigé par Stéphanie CRESPIN le . Publié dans INNOV.
Voici un RDV important, qui concerne l’Innovation, et cela inclut évidemment la Recherche. Et pourtant nous regrettons l’absence de M. Bruno Zerbib, non seulement en tant que président de l’instance, mais aussi en tant que directeur de l’innovation Groupe et du périmètre Innovation.
Et en ce sens, je me permets de recentrer le débat sur le dossier du jour, à savoir la politique innovation du Groupe.
En effet, le constat de la politique innovation est similaire à celui des cinq dernières années : nous dénonçons l’absence évidente de réelle innovation en rupture. On l’a vu dans le rapport de la commission du CSEC, la baisse des budgets alloués à l’innovation est de 30% depuis 2019. Et cela se traduit par la baisse récurrente des budgets, des activités et des effectifs, au détriment des moyens alloués à la recherche de nouveaux leviers de croissance.
Nous avons été alertés par les propos d’Elodie le Corfec Langrenay, qui a rappelé, non pas une, mais à plusieurs reprises, que la priorisation ne se ferait pas sans douleur. Et comme il a été dit tout à l’heure, l’innovation est pilotée par la finance et non la stratégie.
Les résultats financiers du Groupe du 1er trimestre 2025 montrent une baisse globale. C’est mécanique : en se recentrant uniquement sur son cœur de métier la stratégie du Groupe n’offre plus aucune perspective de relais de croissance. Or sans levier de croissance et dans un marché arrivé à maturation, quoi d’autre que l’innovation peut tirer le groupe vers le haut ?
Cela amène plusieurs questions de notre part :
- Quelle est donc la volonté d’Orange en termes d’innovation sur le moyen et long terme ?
- Quelle est l’ambition d’Orange en termes de souveraineté face aux GAFAM ?
- L’innovation Orange serait-elle de, justement, réduire l’innovation à peau de chagrin ?
- Qu’entendez-vous par innovation ?
- S’agit-il de l’activité innovation au sein du groupe (comme en Pologne, Roumanie, etc, ...), ou de l’activité du périmètre Innovation (Innov) ?
- Et donc, les chiffres, en particulier les effectifs, la formation, s’appliquent-ils à l’activité innovation du groupe (incluant Roumanie, Pologne, OF ...) ou au périmètre Innov ?
Cette année, la présentation de l’innovation comporte une dimension supplémentaire importante : celle de l’enquête CNPS, qui a mis en évidence un très profond malaise au sein du périmètre Innovation. D’ailleurs, certains indicateurs sont encore plus dégradés que ceux d’Orange, comme par exemple l’indicateur « insécurité de la situation de travail » (score Gollac). Ce point est d’ailleurs corroboré par le rapport des médecins du travail, présenté dans notre périmètre Innov en avril 2025.
Cela s’est concrétisé par des RPS, suivis de droits d’alerte liés aux conditions de travail.
S’il est important de parler des activités Innovation, il l’est tout autant de nous présenter les moyens mis en place pour améliorer les conditions de travail. Mais il va nous falloir attendre fin de cette année pour connaître le plan d’action.
L’insécurité de la situation de travail englobe l’insécurité face aux restructurations, l’incertitude sur l’avenir de son métier, etc … Cette insécurité se développe, ces derniers temps, sur de potentiels projets de transformation. Vous allez certainement nous répondre que la transformation est la vie de l’entreprise. Cela, nous l’entendons. Vous allez peut-être nous répondre que non, aucun gros projet n’est en cours.
- Mais alors, pourquoi donc assistons-nous, dès à présent, à la quasi-mise en place de la réorganisation M&D, alors que le dossier n’est qu’en début d’instruction ? On frise peut-être le délit d’entrave, ceci sera à vérifier avec les autorités compétentes. Rappelons que ce dossier impacte non seulement l’équipe mais également l’ensemble du périmètre Innovation.
- Des bruits courent, faisant état d’un grand projet de transformation de l’innovation qui devrait être présenté au COMEX du groupe d’ici la fin 2025. Il suffit que vous infirmiez cette information, cela stopperait les inquiétudes des salariés.
Bref, 2025 poursuit sa route avec un budget en baisse et une ambiance sociale assez morose.
Concernant les ressources dédiées à l’Innovation, on voit (page 10) une baisse d’environ 10% (entre 2024 et projection 2025) du budget des filiales.
- Quels sont leurs apports en termes d’innovation ?
- Quels sont leurs apports dans les Value Streams, que nous apportent-ils, que nous retirent-ils ?
Dans le dossier de la direction, nous avons noté l’expression “production d'innovation”. Cela peut sembler évident pour vous, mais pourriez-vous préciser ce que vous entendez par “production d’innovation” ? S’agit-il de production type brevets, articles, thèses ? Ou productions qui génèrent du CA ? Et dans ce cas, sauriez-vous distinguer ce qui relève de CA interne et externe ?
Le document nous présente la liste des projets, domaines de recherche ou Value Streams.
- Mais au-delà de cette liste, nous attendons des informations sur la part de marché attendue, la concurrence, la stratégie de leader ou suiveur.
Sur l’IA par exemple, quel est l’objectif de positionnement d’Orange sur le marché ? Leader ? Suiveur ?
Faisons un focus sur l’IA.
Lors de sa venue en CSEC en mars 2025, Christel Heydemann nous a présenté l’IA comme étant au cœur du projet industriel, accélérateur d’innovation et moteur d’efficacité opérationnelle. Cela a également été confirmé par Jérôme Berger, le directeur de la stratégie du groupe en CSEC la semaine dernière. Nous avons même entendu qu’Orange voulait fournir une IA dite de confiance. Or l’IA est très diversifiée et concurrentielle. Dès lors, voici quelques questions :
- Quelle est la valeur distinctive de Dinootoo
- Quelle a été notre valeur ajoutée en IA, au-delà de Dinootoo ?
- Quels sont nos prochains défis en termes d’IA ?
- Quel est notre avantage concurrentiel ?
Début 2024, les Value Streams ont été lancées. Votre définition des Value Streams nous a un peu étonné : il s’agirait d’une réponse de recharging au sein du Groupe. Les Value Streams seraient donc pilotées par des objectifs financiers ?
A 18 mois, et surtout dans un dossier qui nous concerne tout particulièrement, il est légitime qu’un bilan quantitatif et pas uniquement qualitatif, soit présenté aux élus de cette instance.
Voici donc quelques questions :
- Quel est le CA 2024 généré, par Value Stream
- Quel est le CA 2025 attendu, par Value Stream
- Pour chaque Value Stream, quelle est la répartition des effectifs, par périmètre et par pays
- Quel est l’indicateur (ou sont les indicateurs) de réussite, par Value Stream ?
- Avec le recul de 18 mois, pouvez-vous nous préciser en quoi les Value Streams ont apporté un avantage concurrentiel par rapport aux autres acteurs français et européens des télécoms ?
- Et faisons un peu de science-fiction ... Quid si nous n’avions pas eu de Value Streams ? Quel en aurait été l’impact pour Orange ?
Les prochains OpenTech days ont lieu dans 4 mois, pour autant, les équipes s’y préparent.
- Quelles innovations en rupture sont prévues ?
- A Meylan en avril dernier, M. Bruno ZERBIB a dit qu’il ferait prochainement de grandes annonces ? Où sont-elles ? Ou n’était-ce encore qu’un effet d’annonce ?
Nous avons écouté avec attention vos annonces sur la Recherche et saluons ces initiatives de revalorisation.
Nous pouvons même imaginer revenir au réseau des Experts, supprimés avec Nova.
- Quelle interaction est prévue entre la Recherche et la stratégie du Groupe
- Quelle interaction est prévue entre la Recherche et les Value Streams
Une grande transformation va prochainement être lancée, REGAIN. Cela va toucher Orange France. Mais aura mécaniquement des impacts sur notre périmètre.
Exemple d’un impact en termes d’emplois, et qui semble être une déclinaison du projet REGAIN : la réorganisation M&D flèche plusieurs salariés vers Orange France, dès cet été. Que vont-ils devenir, une fois à Orange France ?
Autre exemple, en termes d’impact sur l’activité et l’avenir de l’innovation : Karine Dussert-Sarte, que nous connaissons bien ici, a été nommée pour lancer une mission visant à structurer la gouvernance, afin de « maximiser notre capacité à détecter, expérimenter, déployer, communiquer et mesurer des innovations à impact pour nos clients, nos salariés et notre performance économique ».
Avouez que cela a de quoi nous interroger … et nous inquiéter.
- Commence cela va-t-il être articulé avec notre périmètre ?
- Plus globalement, quelle est l’articulation avec REGAIN ?
- Et finalement, où va se trouver l’innovation ?
Vous pouvez certainement comprendre notre interrogation : la recherche renaît de ses cendres – et nous en sommes ravis, et l’innovation semble être happée par la transformation du groupe.
Et donc, pour terminer, faisons un peu de de fiction. Ou d’anticipation …
Imaginons que, à force de baisser les budgets et les effectifs de notre périmètre, à force de déployer des stratégies court-termistes sans volonté de relais de croissance, à force de miser sur des logiques partenariales, que restera-t-il de notre périmètre dit Innovation ?
Les élus CFE-CGC vous remercient pour vos réponses, que nous espérons convaincantes.
Par Valérie Giraud