Télétravail, entre progrès et péril...

vignette tltravailPeut-on vraiment tirer des enseignements du « travail à domicile » en mode confiné, et imposé par la crise sanitaire ?

Si cette expérience inédite a d’un côté mis en lumière les enjeux organisationnels, humains, sociaux, territoriaux du télétravail… de l’autre, la situation a fait apparaitre les carences des politiques d’aménagement du territoire et des espaces urbains, la concentration de l’emploi en Ile de France au détriment des régions et la logique financière court-termiste du pilotage par les coûts, génératrice d’une organisation du travail dégradée. Au final, le télétravail se développe, certes, mais du fait qu’un nombre croissant de personnels s’y résigne pour compenser la détérioration de leurs conditions de travail.

Certains alertent sur la tentation de remplacer « un dogme par un autre » (Satya Nadella, CEO de Microsoft).
La CFE-CGC Orange partage cette mise en garde à laquelle s’ajoute la crainte qu’un télétravail, devenu la norme, ne soit le prélude à la délocalisation massive de l’emploi tertiaire.

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Le télétravail, palliatif de l’insuffisance des politiques publiques ?

La faiblesse de l’engagement sociétal des entreprises et l’individualisme croissant ont conduit à l’éloignement progressif des lieux de travail de ceux d’habitation, le développement des infrastructures n’enrayant pas l’accroissement de temps de transport, particulièrement en IdF. Des politiques publiques déficientes dans l’aménagement du territoire national et local conduisent à une forte augmentation des loyers dans les villes…

Un cercle vicieux

Dès lors, les Directions financières mues par le seul objectif de réduire les coûts n’ont de cesse de localiser les bureaux dans des zones éloignées des nœuds de transports, au mépris du confort d’accès des personnels.

Toujours au nom de la « rentabilité maximum », les bureaux individuels et collectifs se transforment en open space, puis en flex office, et flex desk…

Cette dégradation des temps de transports et des conditions de travail accentue la demande de télétravail, elle-même conduisant à une faible occupation des bureaux… justifiant ainsi l’éloignement des lieux d’implantation des entreprises et la densification d’occupation des espaces de travail.

Jouir d’un poste de travail de qualité, proche de son lieu d’habitation, est de moins en moins possible. Pour préserver son équilibre personnel, le salarié se voit contraint, sans se rendre toujours compte que les circonstances l’y obligent, de recourir à un télétravail, dont les effets néfastes sont à long terme supérieurs à ses bénéfices immédiats.

Ce que dit la loi :

Sous la pression conjuguée (mais à des fins différentes) des financiers et des syndicats, et au bout de 15 ans d’évolution du cadre légal…

… le télétravail :

  • doit se fonder sur le volontariat et sur la réversibilité,
    donc sur l’accord conjoint de l’employeur et du personnel ;
  • peut être mis en place dès l’embauche ou ultérieurement au cours de la relation de travail ;
  • peut être exercé sous plusieurs formes : à domicile,
    sur un site distant, dans un centre d’affaires, etc. ;
  • concède les mêmes droits et devoirs qu’aux personnels travaillant dans les locaux de l’entreprise.

Confinement et travail à domicile

Pendant le confinement, la contribution des travailleurs « opérationnels de terrain » au fonctionnement du pays, soignants, caissiers, manutentionnaires, livreurs, (chez Orange, entre autres, les personnels d’intervention et de la supervision…) s’est révélée essentielle… Le télétravail a néanmoins permis à 4 millions d’actifs (1 sur 5) de poursuivre leur activité.

Si ce télétravail de l’urgence et contraint n’est en rien comparable au télétravail planifié et réglementé, (59% des télétravailleurs l’expérimentaient pour la première fois, sans équipement suffisant ou adapté et avec de grandes inégalités territoriales), la crise sanitaire a pour autant constitué un révélateur : avant la crise, seules 7% des entreprises comptaient plus de la moitié de leur personnel en télétravail, pendant et après, 84% étaient dans ce cas et pensent même soutenir et pérenniser la pratique.

La crise, un révélateur ?

De l’ouverture à de nouveaux métiers…

De nombreux métiers jusque-là réputés non-éligibles ont été télétravaillés et 18% des non-cadres ont pu accéder à une pratique essentiellement pratiquée par les cadres. Ainsi, dans les centres d’appels, 49% des personnels ont télétravaillé pendant le confinement, contre 12% auparavant.
Mais par manque d’interactions en temps réel et d’entraide entre collègues pour des cas complexes, la qualité du service de certains de ces centres en télétravail imposé s’est aussi affaiblie.

… à l’indispensable évolution du management

Deux ingrédients sont particulièrement nécessaires au succès du télétravail au long court (occasionnel ou régulier) :

Pour les managers, cela implique de soutenir leurs collaborateurs sans être ni invasifs ni hyper-contrôlants, de déléguer les responsabilités, d’accompagner l’autonomie, l’initiative et de respecter l’équilibre vie pro / vie perso (Cf. enquête Terra Nova).

A noter que pendant le confinement :

  • une minorité des entreprises ont expérimenté une amélioration de la productivité ou d’autres bénéfices clés tandis que 5% ont noté une perte marquée de la productivité en télétravail forcé ;

Demande de télétravail, l’aspiration à la sécurité sanitaire...

La crise a sensiblement renforcé la demande de télétravail, globalement associé à moins de trajets et moins de stress (44% des femmes et 36% des hommes l’ayant testé pendant le confinement souhaitent poursuivre ce mode de 1 à 3 jours par semaine (9 % seulement à temps complet)… Une fois les risques sanitaires liés aux transports collectifs et aux échanges dans des espaces communs évacués, néanmoins, la demande reste stable.

Aujourd’hui, d’ailleurs, la grande majorité des personnels d’Orange n’aspire pas à un télétravail à temps plein, mais attend des conditions de travail correctes au bureau

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Chez Orange : prime insuffisante et portion congrue

En complément du code du travail, l’accord sur le télétravail de mai 2013 et son avenant de septembre 2017 encadrent le télétravail des personnels d’Orange.

La mise en place, quand elle est possible, d’un espace de travail chez soi représente un investissement et des frais récurrents (équipement, local, électricité, assurance…) qui ne sont pas compensés par l’indemnité versée… d’autant moins que le gain pour l’entreprise n’est pas répercuté sur la paye du salarié et qu’elle est imposable, ce qui revient à lui faire payer le fait de travailler à son domicile.

Enfin, à part OBS/SCE et OFS à majorité CFE-CGC, les autres CSE ont été et restent incapables de distribuer systématiquement des titres restaurants (TR) à toute personne en télétravail.

Les risques générés par le télétravail…

… de la fracture numérique à la désocialisation… et aux délocalisations.

  • La fermeture des points de contacts physiques (boutiques, bureau d’accueil, guichets) au profit d’interfaces digitales ou de centres d’appels éloignés, favorise le télétravail et accroît la fracture numérique…
  • les directions financières, au nom de l’inoccupation des bureaux que le télétravail engendre, accélèrent la généralisation des flex desk, flex office pour tous ;
  • le télétravail entraine un risque de désocialisation,
    perte de convivialité, de lien social et de créativité et fragilise l’équilibre vie personnelle et vie professionnelle ;
  • le manque d’échanges et d’opportunités pour gérer sa carrière et monter en compétence annihile les bénéfices à court terme du télétravail, d’autant qu’il fait reporter sur et chez le salarié la question de son employabilité et de sa formation ; 

Enfin, s’il devient la norme, le télétravail entraine des risques majeurs de perte d’efficience à moyen terme et de délocalisation. A l’époque « Lombard », toutes les fermetures de sites s’accompagnaient de télétravail pour ceux qu’on ne pouvait pas déplacer facilement (Lisieux, Blois, etc.)…

En attendant une vraie politique de Responsabilité Sociale d’Entreprise, c’est au travers de la négociation d'un nouvel avenant à l’accord Télétravail de 2013 (Cf. notre courrier à la Direction), que la CFE-CGC Orange revendique :

  • La mise en œuvre d’un télétravail raisonné, profitable tant à la performance collective qu’individuelle ;
  • Une vraie réflexion sur la localisation des lieux de travail (avec une proximité des lieux d’habitation qui participerait aussi d’ailleurs à la baisse du bilan carbone) et l’aménagement des bâtiments ;
  • Un accompagnement à l'appropriation des outils numériques distanciels, et des bonnes pratiques de télétravail ;
  • Le recrutement de spécialistes pour assurer un soutien de proximité efficace, qu’il soit physique ou numérique…

 

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