Utilisation des 2,2 Mds€ de produit d’impôt suite à la décision du Conseil d’État : la CFE-CGC écrit aux administrateurs d'Orange

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Image cdu445 via Pixabay

Le 13 novembre dernier, le Groupe Orange s’est félicité de la décision favorable rendue par le Conseil d’État au sujet d’un contentieux fiscal ancien, qui lui permet d’envisager le remboursement d’une somme de 2,2 Milliards d’euros par l’État.

Le communiqué indique que cette somme ne sera pas fiscalisée, améliorera la dette nette du Groupe, et ouvre des pistes pour l’utilisation des fonds :

« Le Groupe, qui dispose d’une situation financière solide, proposera une attribution juste et équilibrée de ces fonds au bénéfice du développement de l’entreprise, de ses salariés et actionnaires, via notamment une Offre Réservée au Personnel et un engagement sociétal renforcé dans le contexte de crise économique et sanitaire que nous traversons. Ces projets seront soumis au Conseil d’administration qui se prononcera dans les toutes prochaines semaines. »

La CFE-CGC Orange a écrit aux membres du Conseil d'Administration pour leur faire part de ses propositions pour l'utilisation de ce produit d'impôt.

Voir le courrier en pdf : pdf2020-171_cfe-cgcorange_courrier_au_ca_orange_suite_decision_conseil_detat.pdf

Texte intégral du courrier

Monsieur le Président Directeur Général,

Mesdames les administratrices, Messieurs les administrateurs d’Orange,

Le 13 novembre dernier, le Groupe Orange s’est félicité[1] de la décision favorable rendue par le Conseil d’État au sujet d’un contentieux fiscal ancien, qui lui permet d’envisager le remboursement d’une somme de 2,2 Milliards d’euros par l’État.

Le communiqué indique que cette somme ne sera pas fiscalisée, améliorera la dette nette du Groupe, et ouvre des pistes pour l’utilisation des fonds :

« Le Groupe, qui dispose d’une situation financière solide, proposera une attribution juste et équilibrée de ces fonds au bénéfice du développement de l’entreprise, de ses salariés et actionnaires, via notamment une Offre Réservée au Personnel et un engagement sociétal renforcé dans le contexte de crise économique et sanitaire que nous traversons. Ces projets seront soumis au Conseil d’administration qui se prononcera dans les toutes prochaines semaines. »

Dans un contexte de crise sanitaire mondiale, le Groupe Orange a démontré sa résilience, confirmant sa vocation d’acteur de confiance, dont les réseaux et services sont stratégiques pour les économies de tous les pays dans lesquels Orange opère, a fortiori en période de pandémie.

En parallèle, de nombreux observateurs indiquent que cette crise va accélérer à la fois la « digitalisation » de nos sociétés, mais aussi la nécessité d’aller plus rapidement vers une économie « décarbonée ». La sortie de crise débouchera quoiqu’il en soit sur un paysage économique et sociétal profondément transformé.

Les opportunités et les moments historiques ne sauraient être ignorés et les ressources du Groupe doivent être utilisées dans une perspective de renforcement de notre position à long terme, en évitant tout saupoudrage improductif.

Aussi, nous estimons que ces 2,2 milliards d’euros doivent être considérés dans le contexte des importantes modifications en cours au sein du Groupe, telles que :

  • l’ouverture du capital de certaines de nos filiales (Orange Concessions, projet TowerCo, cotation potentielle d’Orange Afrique & Moyen Orient) ;
  • la baisse attendue des e-Capex à l’horizon 2023 ;
  • le taux d’endettement actuel du Groupe (actuellement le plus bas parmi les telcos européens) et les taux d’intérêts exceptionnellement bas, dont notre Groupe peut pleinement bénéficier compte-tenu de sa bonne notation financière ;
  • la transformation de notre modèle d’affaires, en particulier sur Orange Business Services, considéré comme l’un des piliers de la stratégie Engage2025.

Il faut donc utiliser l’ensemble des ressources disponibles pour investir dans l’avenir du Groupe sur le long terme, au travers d’un projet qui nourrisse à la fois la transformation attendue dans le plan stratégique Engage2025, la mobilisation des personnels, et les attentes des investisseurs, pour projeter Orange dans un futur plus motivant pour toutes les parties prenantes, clients inclus, que des plans d’économies et de baisse des effectifs.

Le remboursement de ces 2,2 milliards d’euros constitue donc un « momentum » qu’il faut utiliser de manière efficace et équitable pour toutes les parties prenantes.

Récompenser et réengager les personnels

Même si la situation des personnels d’Orange est plus favorable que celle de nombreux actifs, salariés ou indépendants, la crise sanitaire les impacte : la demande d’engagement ne faiblit pas, alors que les conditions de travail sont partout dégradées, tout comme les perspectives de rétribution (parts variables, intéressement et participation…).

Il apparaît donc nécessaire de récompenser les efforts réalisés, au travers d’une prime ou d’un intéressement exceptionnel, tout autant que de réengager les équipes pour le futur.

La proposition de mise en œuvre d’une ORP (Offre Réservée aux Personnels) suscite également questions et intérêt de nombreux collaborateurs, qui attendent que la promesse du précédent plan stratégique visant à ce que les personnels détiennent 10% du capital d’Orange soit tenue, comme nous l’avons déjà souligné en juillet dernier[2]. Le gouvernement vise également cet objectif pour toutes les entreprises, et vient de le rappeler en soutenant une exonération temporaire du forfait social pour les abondements ou versements unilatéraux de l’employeur dans le cadre d’opérations visant à renforcer l’actionnariat salariés[3].

Tous les personnels n’ayant cependant pas les moyens de participer à une souscription, il serait équitable de combiner, avec des mécanismes permettant d’associer les personnels à l’échelle internationale :

  • une AGA (Attribution Gratuite d’Actions) distribuant le même nombre d’actions à tous les personnels ;
  • une ORP utilisant tous les leviers de la Loi Pacte et des mesures exceptionnelles susmentionnés pour qu’elle soit généreuse en termes d’abondement et significative en termes de nombres d’actions délivrées (il faudrait pouvoir dépasser les 16 millions d’actions de l’opération Cap’Orange 2014, soit environ 0,6% du capital d’Orange). Il sera souhaitable de combiner une offre « classique » motivante pour les personnels ayant une capacité d’investissement confortable, et une offre « garantie », permettant à celles et ceux dont les moyens sont plus modestes d’avoir l’assurance qu’ils n’auront aucune perte en capital.

Dans la période actuelle, fonctionner sur la base d’un rachat d’actions (plutôt qu’émettre des actions nouvelles) pour servir l’opération éviterait un effet dilutif et une augmentation du dividende global versé.

Certes, lancer une opération d’ampleur impactera l’EBITDAal d’Orange, sur lequel s’imputeront les coûts assurés par l’entreprise, alors que la restitution fiscale ne l’améliorera pas. Mais les effets induits en valent certainement la peine.

Nous sommes bien sûr à la disposition de la Direction d’Orange pour contribuer au montage et au succès d’une opération mobilisatrice pour les personnels du Groupe.

Embarquer les parties prenantes par un projet de croissance porteur de valeur

La présentation du plan Engage2025, même assortie d’une promesse de dividende élevé (0,70 € devenant le nouveau plancher), n’a pas convaincu les investisseurs, comme en témoigne la chute du cours de l’action Orange depuis le 4 décembre 2019, qui a continué d’être malmenée malgré la résilience du Groupe à la crise sanitaire, ce qui a déçu jusqu’au plus haut niveau de l’entreprise[4]. Si l’horizon boursier semble se dégager un peu ces dernières semaines, on est encore loin du cours que nous serions tous en droit d’attendre. Pour faire durablement remonter le cours, les investisseurs veulent un projet d’entreprise porteur de croissance et de valeur.

Orange a diminué ses investissements en R&D, ce qui ne permet plus d’ouvrir de nouvelles perspectives par une disruption technologique marquante. Alors que nous sommes un acteur majeur du numérique, ce sont les GAFAM qui tirent toute la valeur de la croissance mondiale du secteur. Il est évidemment souhaitable d’inverser la vapeur, mais il va de soi que les résultats mettront quelques années pour devenir tangibles.

La croissance externe, favorisée par les atouts de l’entreprise, a en revanche produit des effets positifs (implantation en Afrique, Orange Business Services dont Orange Cyberdéfense) ou prometteurs (Orange Bank). L’une des ambitions majeure du plan Engage2025 étant de renforcer Orange Business Services et d’achever sa transformation, c’est bien dans ce périmètre qu’une acquisition pourrait produire les meilleurs effets.

Une analyse rapide fait apparaître qu’un mariage avec Atos serait profitable pour les deux groupes avec un fort effet de transformation et de très bonnes synergies en perspective.

Quelques repères :

  • En 2019, OBS[5] a réalisé 7,8 milliards d’euros de chiffre d’affaires, Atos[6] 11,5.
  • Atos a déjà organisé ses verticales « métiers », ce qui est une clef de succès essentielle pour s’implanter durablement sur le marché de l’IT pour les entreprises ;
  • L’entreprise vient d’annoncer le lancement d’Atos One Cloud, avec le projet d’investir 2 milliards d’euros sur 5 ans pour renforcer ses services d’orchestration du cloud[7];
  • Atos revendique une position de leader sur le marché de la cybersécurité, qui constitue un segment de croissance important pour Orange ;
  • Sa maîtrise de l’ordinateur quantique (supercalculateurs) est un atout clef, qu’il s’agisse de cryptographie, d’intelligence artificielle (IA) ou d’analyse des données[8];
  • S’étant fixé pour elle-même des objectifs ambitieux en termes d’émissions de carbone, Atos a d’ores et déjà pivoté pour faire de la « décarbonation » un axe « business », pour permettre à ses clients de réduire leurs propres émissions[9];
  • L’implantation internationale d’Atos (qui ne réalise que 15% de son chiffre d’affaires en France) permet d’envisager un regroupement des équipes locales (notamment les petites équipes d’Orange opérant à l’international pour servir des comptes clefs) ;
  • Le prochain démarrage de la 5G, où l’innovation est particulièrement attendue sur le marché des entreprises, qui seront les plus à même de bénéficier pleinement de cette nouvelle technologie, permettrait aux équipes des deux groupes de développer plus efficacement ce nouveau marché.

La capitalisation boursière d’Atos, de 7,7 milliards d’euros, même dans le cas d’une prime d’acquisition, rend l’opération accessible pour Orange, moyennant un emprunt complémentaire, à un moment où Orange sait lever des fonds à des taux très bas (1,75% pour notre dernière émission d’obligations[10] ).

Le bénéfice net d’Atos étant de 834 millions d’euros en 2019[11], le PER estimé pour 2020 ressort à 9,9[12], ce qui permet de réaliser une opération immédiatement relutive pour les actionnaires d’Orange (ce qui profiterait aussi directement aux personnels actionnaires d’Orange).

Au-delà des calculs de performance financière, ce qui donne tout son sens à l’opération, c’est la perspective de synergies susceptibles de générer des gains économiques à court terme liés à l’obtention de tailles critiques et de ventes croisées dans de multiples activités. Orange & Atos deviendrait ainsi le leader de la Cybersécurité en Europe (sur un marché actuellement très fragmenté), mais aussi un acteur de poids face aux GAFAM sur le Cloud. Ensemble, ils seraient aussi en mesure d’investir significativement dans la R&D technologique.

Comme récemment rappelé par Thierry Breton, commissaire européen chargé du Marché intérieur, « Avec les données et la connectivité, le calcul à haute performance est à la pointe de notre souveraineté numérique »[13] : l’alliance d’Orange et d’Atos permettrait d’articuler avec pertinence ces différents domaines d’activité.

Les gains économiques viendraient consolider la croissance du bénéfice par action de 30% pour le nouveau groupe ainsi constitué, le rapprochement permettant en outre un rééquilibrage du Groupe entre les activités grand public et les activités sur le marché des entreprises.

Sur le plan des effectifs, les deux groupes sont de taille comparable (110 000 salariés à l’échelle internationale pour Atos, 140 000 pour Orange). Une alliance ouvrirait de nouvelles opportunités professionnelles pour les 250 000 collaborateurs des deux groupes, et génèrerait en outre une dynamique positive en termes de recrutements.

Atos constitue donc l’exemple d’acquisition pertinente pour le Groupe Orange, avec à la clef un projet de nature à séduire les investisseurs (certainement bien d’avantage qu’une promesse de dividende), en ouvrant un futur porteur de perspectives positives pour toutes les parties prenantes.

Le choix d’Atos permettrait aussi d’organiser une gouvernance assurant le succès d’un tel rapprochement. Les deux groupes se connaissent, et nombreux sont les dirigeants d’Atos venant d’Orange, à commencer par Elie Girard, son Directeur Général, ancien Directeur de la Stratégie et du Développement international d’Orange. Il serait en pleine capacité, à l’issue du mandat de Stéphane Richard, en mai 2022, de prendre la tête du nouveau groupe.

Souhaitant que cette contribution alimente utilement les réflexions du Conseil d’administration, dans l’optique que ces 2,2 milliards d’euros permettent de réaliser le projet d’ampleur dont notre Groupe a besoin, nous vous prions d’agréer, Monsieur le Président Directeur Général, Mesdames les administratrices, Messieurs les administrateurs, l’expression de nos salutations distinguées.

 

[1] https://www.orange.com/sites/orangecom/files/2020-11/CP_Orange_ConseilEtat_FR_131120.pdf

[2] https://www.cfecgc-orange.org/202007299317/communiques-de-presse/montee-au-capital-de-blackrock-et-urgence-a-organiser-une-offre-reservee-aux-personnels.html

[3] https://www.lesechos.fr/economie-france/budget-fiscalite/nouveau-coup-de-pouce-en-faveur-de-lactionnariat-salarie-1265825

[4] https://www.bloomberg.com/news/articles/2020-08-31/orange-ceo-pledges-to-boost-dividend-with-focus-on-cost-cuts

[5] DEU Orange : https://www.orange.com/sirius/derniers_resultats/fr/ORANGE_DEU_2019_VF.pdf

[6] DEU ATOS : https://atos.net/content/investors-documents/2019/atos-document-enregistrement-universel-2019.pdf

[7] https://investir.lesechos.fr/actions/actualites/atos-lance-atos-onecloud-et-va-investir-2-milliards-d-euros-sur-cinq-ans-1935576.php

[8] https://atos.net/fr/2020/communiques-de-presse_2020_11_17/atos-fournit-le-supercalculateur-le-plus-rapide-deurope-et-le-plus-econome-en-energie-du-top100-a-julich-en-allemagne

[9] https://atos.net/content/investors-documents/2020/investor-day/atos-analyst-day-vision-and-ambition-egirard.pdf

[10] https://www.orange.com/fr/newsroom/communiques/2020/orange-realise-une-emission-dobligations-hybrides-de-700-millions-deuros

[11] https://atos.net/content/investors-documents/2019/atos-document-enregistrement-universel-2019.pdf )

[12] https://investir.lesechos.fr/cours/profil-societe-action-atos,xpar,ato,fr0000051732,isin.html

[13] https://www.lesechos.fr/tech-medias/hightech/supercalculateurs-leurope-met-huit-milliards-deuros-sur-la-table-1243810

 

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