EDITORIAL : La capitulation de Bruxelles face à Washington : chronique d’un renoncement européen.

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La capitulation de Bruxelles face à Washington : chronique d’un renoncement européen.

L’histoire retiendra peut-être la date du 27 juillet 2025 comme celle où l’Europe a cessé de croire à sa souveraineté numérique. Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, a décidé seule — ou presque — d’abandonner le principe du « fair share ». Ce mécanisme, censé faire contribuer les géants américains du numérique au financement des réseaux télécoms, a été sacrifié sur l’autel d’un pseudo-accord commercial transatlantique.

Le récit officiel parlera de “réalisme” et d’“équilibre trouvé avec Washington”. La réalité est tout autre : il s’agit d’une capitulation.

En cédant aux pressions de Donald Trump, Ursula von der Leyen a renoncé à défendre les opérateurs télécoms européens, déjà étranglés par la nécessité d’investir massivement dans la fibre et la 5G tout en voyant leurs marges s’effriter. Résultat : Orange, Telefónica, Deutsche Telekom… se retrouvent condamnés à financer seuls l’infrastructure qui permet aux Netflix, Google ou Amazon de prospérer sur nos marchés. Les géants américains récoltent les profits, les Européens supportent la facture. 

Le plus frappant n’est pas tant la défaite en soi que l’absence de réaction. Où sont passés les gouvernants des États membres favorables au « fair share » ? Où sont les régulateurs, les dirigeants des opérateurs*, les associations d’usagers ? Ce silence assourdissant interpelle : soit les dirigeants des opérateurs se sont résignés, soit Bruxelles a su anesthésier la contestation par la promesse d’un futur débat, via une “réforme télécoms” repoussée à décembre. Une diversion.

Le discours sur la neutralité du Net, brandi depuis des années, comme argument contre le « fair share », masque mal la vérité : il ne s’agit pas de garantir un Internet “égalitaire”, mais bien depuis toujours de préserver les marges des GAFAM. Quand Washington dénonce une “taxe ciblée”, Bruxelles obtempère. Voilà l’“Europe puissance” qu’on nous vend depuis vingt ans : une Europe qui recule dès que l’ « allié » américain hausse le ton.

Ce qui choque enfin, c’est le cynisme du troc : quelques points de droits de douane en moins, contre l’abandon d’une bataille stratégique pour l’avenir numérique et l’avenir tout court de notre continent. Ursula von der Leyen a bradé la souveraineté économique européenne contre un plafonnement à 15 % de tarifs douaniers. Elle a transformé les infrastructures télécoms — colonne vertébrale de notre économie digitale — en simple monnaie d’échange commercial.

Dans un monde où la connectivité devient une ressource essentielle, ce choix fragilise l’Europe. Il creuse notre dépendance technologique, condamne nos opérateurs à rogner sur l’innovation et prépare demain des hausses tarifaires pour les consommateurs.

Les télécoms européens ont perdu une bataille. Mais ce qui s’est joué ici dépasse largement leur sort : c’est la crédibilité de l’Union, censée protéger ses intérêts stratégiques, qui s’effrite encore une fois. L’histoire jugera Ursula von der Leyen non pas comme la gardienne de l’intérêt général européen, mais comme celle qui, face à Trump, a préféré lever l'étendard de la déroute numérique.

Economie et Réglementation des Télécoms Europe et International Numérique

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