Le retour aux théories classiques des relations humaines

Le retour aux théories classiques des relations humaines : quel regard critique et rétrospectif sur Mc Gregor ou Maslow des décennies plus tard.

Pierre Louart – Professeur à l’IAE (Institut d’Administration des Entreprises) de Lille

La psychologie du management et l’expression des besoins semblent de plus en plus avoir été mis de côté dans les ressources humaines. Pierre Louart revient sur les théories de cliniciens célèbres pour qu’on ne perde pas de vue l’être humain.

Sortir des fichiers pour rencontrer les gens

« Dans trop d’entreprises aujourd’hui, la GRH (Gestion des Ressources Humaines) est devenue de la gestion des fichiers individuels, des emplois et de la masse salariale.

Les services RH sont face à leurs écrans, pas en face à face avec des personnes. Trop d’entre eux (pas tous) méconnaissent le vécu profond des gens qui travaillent. Ils s’occupent avant tout des activités, des performances et des obligations légales en matière de gestion. Ils font de la régulation sociale (en évitant certains risques) ou des arbitrages entre contributions et rétributions.

A force de ne plus rencontrer les personnes dans ce qu’elles sont, dans leurs désirs, leur projets, leur présence, on obtient des résultats dangereux. A petit niveau, l’état des gens est proche de ce qu’on observe un peu partout dans le monde à l’occasion des élections. Ils vont vers ceux qui leur parlent, même si c’est trop souvent de l’illusion ou du faux-semblant.

Quelqu’un « qui nous parle », ce n’est pas forcément quelqu’un à qui on parle, c’est quelqu’un dont on a l’impression qu’il ressent les mêmes choses que nous, et à qui on pourrait se confier ou partager nos difficultés, nos inquiétudes ou nos souhaits.

Revenir au relationnel

La GRH (Gestion des Ressources Humaines) s’est désintéressée de l’organisation (« comment les gens travaillent ») au profit de la gestion de stocks (« de quelles compétences je dispose ») et du contrôle de gestion (« de quelle façon optimiser mon budget »). De même, elle s’est éloignée des personnes, pour s’intéresser à des tableaux de bord et à des procédures.

Il est temps de revenir à une lecture plus subjective des attentes, plus relationnelle aussi, en renouant avec la force des échanges interpersonnels, et avec le plaisir à se parler au travail (en discutant du travail et un peu du reste aussi).

Il faut retrouver la subjectivité, non pour la manipuler (la « coacher »), mais pour la reconnaître et l’aimer telle qu’elle est.

Derrière les désirs qu’expriment les personnes, derrières leurs envies affichées, leurs attentes ouvertes ou secrètes, il y a des besoins. Ces besoins, il faut pouvoir les comprendre et y répondre, indépendamment des processus cognitifs par lesquels s’organisent les motivations individuelles.

S’intéresser aux besoins des personnes

Or, cette approche par les besoins a été largement traitée, en gestion, à l’époque où on s’y intéressait. Des chercheurs comme Mc Gregor, Maslow, Herzberg ou Alderfer en ont parlé dans des ouvrages qui ont eu leur heure de gloire, et qui ont connu des diffusions parfois extraordinaires pour des livres traitant de psychologie ou de management.

Même si leurs travaux sont en partie contestables, ils apportent des résultats toujours efficaces aujourd’hui, et dont on ferait bien de s’inspirer en GRH (Gestion des Ressources Humaines). Leurs conclusions sont d’ailleurs plus subtiles, en les lisant dans leur texte, que ce qu’en disent les diffuseurs traditionnels, prompts à réduire la pensée de ceux dont ils s’inspirent, en la résumant pour l’un à une pyramide (Maslow), pour les autres à une différenciation entre deux visions a priori de l’homme (Mc Gregor) ou deux types d’agents motivationnels (Herzberg).

Que nous dit encore Maslow aujourd’hui ?

Grâce à son expérience de clinicien, il a montré que l’être humain devait répondre à des niveaux différenciés de besoins. Certains sont plus pressants et plus immédiats que d’autres, du moins pour la plupart des gens. D’autres ne peuvent s’installer qu’après avoir satisfait en partie les premiers, bref dans un environnement satisfaisant.

Par exemple, pour soutenir les salariés dans leur besoin d’affirmation et de réalisation personnelle, on doit d’abord les mettre en sécurité (à un niveau suffisant). La forte augmentation actuelle des risques économiques et sociaux n’est donc pas favorable. La sécurité passe par des besoins de survie (manger correctement, dormir convenablement, répondre aux exigences de son corps), mais aussi par un minimum de sérénité psychique (ne pas vivre dans l’inquiétude des autres, être apaisé sur son devenir à court terme – en tout cas dans son contexte de travail, disposer d’une ambiance affective où peuvent se développer la confiance et la coopération).

Ce que nous projetons sur les autres façonne leur évolution

De son côté, Mc Gregor nous rappelle l’importance des prophéties créatives. Ce que nous projetons sur les autres contribue à façonner leur évolution. Nous devons être attentifs à ce que nous croyons des autres, à ce que nos pensées (parfois sommaires) produisent sur nos comportements. Si nous estimons que les gens sont passifs ou peu enclins à se responsabiliser (théorie X), nous insistons sur la surveillance et l’évaluation formelle. Nous devenons les esclaves de l’audit et du contrôle de gestion. Au contraire, si nous pensons que les gens sont capables d’autonomie, d’initiatives et de projets (théorie Y), nous les encourageons à l’action, nous les aidons à devenir créatifs et bâtisseurs. Nous mettons en application des logiques d’entreprises apprenantes, ouvertes ou « libérées ».

Favoriser l’engagement

Enfin, Herzberg nous fait comprendre qu’il y a deux types de besoins (« ne pas être insatisfait », « avoir envie de se mobiliser »). Ils ont des effets très différents sur les personnes et leurs comportements. En répondant aux premiers besoins (par des actions sur le contexte et les conditions de travail, ou encore sur les rémunérations de base), on ne réagit qu’à des risques d’insatisfaction. Au contraire, en aidant les personnes à se développer, à prendre des responsabilités ou à être reconnues dans ce qu’elles font, on active leur mobilisation. D’un côté, on diminue leurs maux, de l’autre on augmente leur potentiel d’êtres humains. »

Retrouver le chemin des personnes

Après avoir brossé le courant de pensée de ces cliniciens on en déduira donc que malgré leurs excès idéologiques, ces auteurs sont attachants, car ils ont construit des modèles dynamiques pour comprendre et respecter les motivations. Ils ont en effet créé de la régulation entre les besoins des personnes, et ils ont réfléchi à des modèles de développement individualisé en milieu professionnel.

Ce faisant, ils ont aussi cherché à être des soigneurs d’âme. Dans ce monde actuel qui réclame du respect, de l’attention et de la considération, ils offrent un moyen de retrouver le chemin des personnes, de regarder qui elles sont, ce qu’elles expriment, en tâchant de mieux répondre à leurs besoins.  

Pierre Louart pour corroborer et appuyer ses propos termine son exposé en rappelant un article :

« Pour ceux qui sont intéressés par la pensée de Maslow et de Herzberg, je vous renvoie à un article que j’ai écrit il y a une quinzaine d’années (2002), et qui est toujours disponible gratuitement sur Internet : « Maslow, Herzberg et les théories du contenu motivationnel ».



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