Speech Analytics – Demande d’application de l'accord de 2011 sur les expérimentations en vue d’améliorer les conditions de travail
Rédigé par CFE-CGC Orange le . Publié dans Numérique.
Quand l'intelligence artificielle s'impose sans concertation :
L'intensification du déploiement de l'Intelligence Artificielle chez Orange, notamment via le projet « Speech Analytics », s'accompagne de dérives préoccupantes : absence de concertation, manque de transparence et mépris des obligations légales en matière de dialogue social.La CFE-CGC Orange, favorable à une innovation responsable, refuse que les droits fondamentaux des salariés soient sacrifiés sur l'autel de la transformation numérique. Notre organisation demande à la Direction de suspendre immédiatement ces déploiements non conformes et de rétablir un dialogue transparent respectueux des accords d'entreprise.
Le courrier adressé à la Direction (ci-dessous) rappelle les obligations légales méconnues et exige l'application rigoureuse de l'accord de 2011 sur les expérimentations. Il s'agit de garantir que l'innovation bénéficie à tous dans un cadre équitable et sécurisé.
Monsieur le Directeur Exécutif,
L’Intelligence Artificielle (IA) se déploie chaque jour dans notre entreprise sans que la Direction ne prenne la mesure des transformations qu’elle implique sur les conditions de travail du personnel et donc des obligations légales qui lui incombent. La CFE-CGC Orange est particulièrement impliquée dans une utilisation responsable et humaine de l’IA.
La CFE-CGC Orange entend vous alerter sur le déploiement du projet « Speech Analytics » sur l’ensemble du territoire, qui concerne l’accueil clientèle des unités : Unité Service Client (USC) et Agence Pro PME (A2P). Ses impacts majeurs sur les conditions de travail, ne s’accompagnent pas à ce jour du respect des règles établies tant par la loi que par les accords collectifs et les principes du dialogue social en vigueur au sein de notre entreprise.
Application obligatoire de l’accord d’entreprise de 2011
Cet accord impose que toute expérimentation impactant le personnel fasse l’objet :
• D’une information et consultation préalable des représentants du personnel ;
• D’une négociation transparente sur les objectifs, modalités et critères d’évaluation de l’expérimentation ;
• D’un suivi régulier des effets sur les conditions de travail.
Or, nous constatons que ces dispositions ne sont pas respectées, en contradiction directe avec l’accord précité, qui a valeur contraignante (article L.2222-1 du Code du travail).
Obligation de consultation des instances représentatives du personnel
Le Code du travail prévoit au titre de :
• Article L.2312-8 : Obligation d’information et consultation du CSE sur les questions intéressant l’organisation, la gestion et la marche générale de l’entreprise, notamment sur les conditions de travail et l’introduction de nouvelles technologies ;
• Article L.2312-37 : Nécessité d’une consultation spécifique du CSE en cas de modification importante des conditions de travail, de l’emploi ou du recours à des dispositifs de surveillance ;
• Article L.2312-14 : Information et consultation du CSE central dans les entreprises à établissements multiples, sans préjudice des compétences des CSE d’établissement ;
• Article L.4642-1 : Consultation du CSE en matière de santé, sécurité et conditions de travail.
La présentation trop succincte du projet aux CSE des DO Grand Sud-Est et Grand Nord-Est, puis son retrait de la concertation locale au profit d'un passage direct en CSEC, contrevient tant à l’accord de 2011 qu’aux obligations du Code du travail susmentionnées.
Respect des libertés individuelles et de la RGPD.
Par ailleurs ce projet est attentatoire au respect des libertés individuelles et de la RGPD au regard de :
• Article L.1121-1 : « Nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché » ;
• Article L.1222-4 : Interdiction de collecter des informations sur les salariés par un dispositif non porté à leur connaissance ;
• Articles L.1321-3 et L.2323-32 : Toute mesure de contrôle doit figurer dans le règlement intérieur et être portée à la connaissance des personnels et du CSE ;
• Application du RGPD (Règlement UE 2016/679) et de la loi informatique et libertés (notamment articles 5 et suivants), qui imposent transparence, légitimité et proportionnalité du traitement.
Le recours à l’Intelligence Artificielle pour l’analyse automatique des conversations téléphoniques, sans transparence sur les algorithmes, les objectifs, les modalités ni information claire aux personnels, méconnaît ces principes fondamentaux.
Obligation générale de protection de la santé et de la sécurité
Ce projet impacte l’obligation de protection de la santé et de la sécurité des personnels de la Direction d’Orange au titre de :
• Article L.4121-1 et suivants : Obligation de l’employeur de prendre toutes mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs ;
• Article L.4122-1 : Responsabilité de l’employeur d’évaluer et de prévenir tout risque pouvant résulter de l’introduction de nouvelles technologies ou d’une charge mentale accrue.
En conséquence, nous demandons :
• La suspension immédiate de tout déploiement du dispositif « Speech Analytics » ;
• Le respect rigoureux de l’accord d’entreprise du 7 juillet 2011 ;
L’ouverture d’une négociation dans le cadre prévu par l’accord, en concertation avec les représentants du personnel, en conformité avec les articles précités du Code du travail.
Nous restons à votre disposition pour échanger sur ce sujet dans un esprit de dialogue social constructif.
Nous vous prions d'agréer, Monsieur le Directeur Exécutif, l'expression de nos salutations distinguées.