CSEC 16 Septembre 2025 - REGAIN : Le projet d’évolution organisationnelle d’Orange France

Lors du CSE du 16 Septembre la délégation CFE-CGC Orange à interpellé, à l'ouverture du point, le CEO Orange France sur le projet d'évolution organisationnelle d'Orange France et dans un second temps une intervention pour alerter la direction sur différents aspects du projet.

 

Monsieur le Directeur Exécutif, CEO Orange France,


Nous sommes convoqués ce jour à votre initiative, dans le cadre de l’ouverture d’une procédure d’information-consultation relative à la réorganisation d’Orange France. Bien que le délai imposé soit particulièrement contraint, nous avons néanmoins pris le temps d’examiner, autant que possible, les objectifs de votre projet. À ce stade, certains constats s’imposent déjà à nous et appellent à être partagés sans détour. Plus de 1000 questions seront posées et nous attendons au moins 1000 réponses. Il va donc falloir, Monsieur le Président, que vous nous expliquiez comment vous entendez que nous en débâtions.


1) Déception et déloyauté quant au document transmis par la direction sur le fond et forme
Le langage employé dans le dossier témoigne d’une stratégie de communication orientée, où la répétition de termes comme « capitaliser », « s’inscrit » et « cohérence » donne une impression de reconstruction après coup, sans preuve concrète. La prédominance de verbes modaux et de conditionnels (« devoir », « pouvoir », « viserait ») suggère davantage des projections hypothétiques que des engagements fermes, renforçant une image de discours performatif.
Certaines formulations, telles que « la réussite se lit », brouillent la frontière entre faits et promesses. La terminologie autour de la preuve (« assure », « garantir », « renforcer ») vise à crédibiliser un discours sans données chiffrées ni éléments tangibles. La culture du pilotage et du management, omniprésente, privilégie la hiérarchie plutôt que la coopération. En résumé, ce discours cherche à imposer l’idée que la réorganisation « assure » et « garantit » sans apporter de preuves concrètes ni ouvrir un véritable débat, ce qui soulève des questions légitimes sur la sincérité et la transparence de la démarche.


Sur la déloyauté de l’entreprise, 454 pages qui pourraient se résumer comme suit :

• 5 malheureuses pages sont accordées aux « bilans des réorganisations passées » (si on retranche les bavardages inutiles en fin de chaque partie de bilan qui ne servent à rien si ce n’est affiché un satisfecit qui permettrait selon la direction de garantir le succès de ROF à venir, on tombe à 4 pages). Néanmoins alors qu’au moi de juillet vous nous aviez dit ne pas vouloir jugez l’action de vos prédécesseurs, vous résumez des années de travail par quelques lignes dans un rapport, je suis sur qu’ils auraient appréciés de voir évacuer de la sorte le travail qu’ils ont accompli. Votre démarche, assurément très éloignée d’une méthode rigoureuse afin d’établir un constat objectif ne manque pas de nous étonner. Alors que dans les couloirs vous aviez rassurés les uns et les autres, le constat est affligeant et écarte d’un revers de main la délibération du CSEC. Cela augure quand même mal de votre arrivée à Orange France !


•1 malheureuse page pour présenter : « le contexte, les enjeux et les motivations du projet » qui disons le sont strictement financières. Nous ne sommes pas dupes de la réalité qui s’est imposée à vous, mais en prenons cette mission, nous attendons de vous que vous assumiez les objectifs financiers qui vous ont été imposés. Ne seriez qu’un porte-parole de la direction financière ?


• 1 malheureuse page pour : « Enjeux et impacts économiques du projet ». Je ne vais pas revenir dessus, votre pudeur sur les enjeux financiers résume le débat que nous n’aurons pas.


• 1 malheureuse page pour décrire « les incidences éventuelles du projet de réorganisation sur les perspectives d’emploi et les conditions de travail ». Sans commentaires…


Tout ce qui fait le coeur d’un projet de réorganisation se fait au travers de 8 pauvres pages soit 1,76% du document !!!! (moins encore si on ajoute le document complémentaire visant à schématiser les mouvements
de personnels). Nous n’avons donc strictement aucun chiffre, aucune donnée économique, commerciale et financière, aucune démonstration ce qui fait l’essence même d’une entreprise.
Une HONTE et une déloyauté qui augurent bien mal le débat qui s’ouvre.


2) Le temps laissé aux élus du CSEC pour travailler plus de 500 pages :
Les ordonnances Macron vous aide bien pour atténuer le débat et éviter d’améliorer le projet porté à bout de bras par la Direction Financière et son bras armé, la DRH.

➢2 dossiers 454 pages + 45 pages
➢Communiqués le vendredi 5 septembre à midi
➢CSEC les 9 et 10 septembre sur d’autres sujets
➢Présentation du dossier au CSEC le 16 septembre
➢La direction inscrit pour le dialogue social : 11 jours
➢Dans les faits les élus du CSEC auront : 4 jours ½


3) L’absence totale de bilan sur les précédentes réorganisations et le poids que ça peut faire peser sur la réorganisation à venir :
Les documents transmis par la direction apportent une vision générale des principales transformations menées depuis 2018, mais demeurent très en deçà de la demande initiale d’un bilan exhaustif. (Voir le point introductif).
En effet, plusieurs dimensions essentielles sont absentes ou insuffisamment développées :

➢Manque de données précises : aucun chiffrage clair sur les ressources mobilisées, les coûts, les délais ou l’impact en termes humains
➢Absence de transparence sur les difficultés : pas de mention explicite des échecs, des freins rencontrés ou des limites observées
➢Analyse critique insuffisante : la présentation reste globalement positive, sans évaluation claire des points d’amélioration ni des enseignements tirés
➢Vision incomplète : peu d’éléments sur les promesses initiales, l’évolution des KPI, ou ce qui a réellement été conservé ou amélioré.

En résumé, la direction livre une synthèse descriptive mais dépourvue de recul critique et d’éléments factuels et chiffrées indispensables pour évaluer objectivement les réorganisations passées.
En conséquence, il apparaît indispensable que la direction engage un véritable exercice de transparence, fondé sur des données chiffrées, une analyse critique et un retour d’expérience complet. Sans un tel travail préalable, toute nouvelle réorganisation risque non seulement de manquer de crédibilité, mais également de compromettre l’adhésion des salariés et des représentants sociaux. C’est à ce prix seulement que l’entreprise pourra bâtir des transformations durables, légitimes et porteuses de sens.


4) L’absence d’analyse de risques ou d’impacts sur le projet de réorganisation Orange France et les possibles conséquences :
Dans le cadre d’une réorganisation, la conduite du changement repose en grande partie sur la capacité de l’entreprise à anticiper ses effets. Lorsqu’aucune analyse d’impacts n’est menée en amont, le risque n’est pas seulement de fragiliser la mise en oeuvre du projet, mais également de compromettre sa réussite globale. Les enjeux sont majeurs : assurer la cohérence organisationnelle, préserver la performance opérationnelle, sécuriser les compétences clés et maintenir la confiance des salariés. Sans cette préparation, l’entreprise s’expose à une série de risques organisationnels et opérationnels qu’il convient de souligner.
Une réorganisation conduite sans analyse d’impacts entraîne d’abord des risques organisationnels : désalignement stratégique, chevauchements de responsabilités, affaiblissement du management intermédiaire et démotivation des équipes, aggravée par une lassitude face aux changements répétés. Elle expose aussi à des risques opérationnels : désorganisation des processus, dégradation des KPI (qualité, coûts, délais), perte de savoir-faire par départs mal anticipés et apparition de coûts cachés liés à des réajustements en urgence. En résumé, une telle approche accroît les chances d’échec du projet et fragilise durablement la performance de l’entreprise comme l’adhésion des salariés.


5) Les résultats de la France une contribution importante pour le groupe Orange :
Les résultats de la France constituent une contribution déterminante pour le groupe Orange : elle représente à elle seule 44 % du chiffre d’affaires et 54 % de l’Ebitdaal. Si la croissance globale est désormais portée par la zone MOA, la France reste le socle principal de la performance du groupe. Or, dans l’Hexagone, l’univers Grand Public pèse 64 % des revenus, dont 59,8 % proviennent directement des boutiques et des USC. Ces chiffres montrent clairement que la réorganisation envisagée impacte le coeur même de la création de valeur. Dès lors, il est illusoire de prétendre que ce projet n’aurait que peu d’effets : toute fragilisation de ces canaux se répercuterait mécaniquement sur les résultats du groupe.


6) Orange les résultats dans le temps qui interrogent nos stratégies successives :
Entre janvier 2023 et juin 2025, Orange a connu des difficultés sur ses deux marchés porteurs : le Broadband et le Mobile.
Univers Broadband :
Depuis la mise en place de la stratégie Libellule, Orange a perdu 120 000 clients, alors que Bouygues en a gagné +593 000 et Free +385 000. Dans le même temps, SFR a reculé de -431 000 clients.
Univers Mobile :
Orange a progressé de +191 000 clients, mais reste très loin derrière Bouygues (+402 000) et SFR (+944 000). Pire encore, Orange est passé à côté de l’opportunité d’absorber une partie des -956 000 clients perdus par SFR.
Les performances mises en avant par la direction en 2025 sont trompeuses, car elles reposent sur une comparaison avec des périodes où Orange connaissait déjà de fortes contre-performances. De plus, ce rebond repose essentiellement sur deux « crash programmes » appelés « remontada » lancés en urgence sur 12 mois, dont Sosh a été la tête de proue. Résultat : une stabilisation fragile, obtenue au prix d’un impact négatif sur le chiffre d’affaires et sur les marges.
Orange a dû relancer l’offre Open (fixe + mobile), qu’il avait pourtant abandonnée, pour contrer Bouygues. La communication a aussi changé de cap : fin 2024, on tentait de justifier qu’Orange « n’était pas si cher que ça » ; aujourd’hui, ce sont surtout des campagnes SOSH qui dominent, la dernière proposant un forfait à 1,99 €.

Conclusion :
Cette réorganisation intervient dans un moment critique : perte de clients, instabilité du secteur (notamment avec le rachat de SFR), pression concurrentielle accrue et marges réduites, alors même qu’il faudrait investir massivement pour réinventer l’expérience client et la différenciation servicielle.
Plutôt que de masquer les contre-performances passées derrière des effets d’affichage en 2025, la direction doit assumer les échecs récents, en tirer des leçons et construire une stratégie crédible de reconquête accès sur l’innovation et la valeur.


7) Le focus sur nos résultats en chiffre d’affaires au 1er semestre 2025 : nos performances s’étiolent :

  • SFR : CA de 2,28 Mds€ (-9,1 % sur un an).

  • Free : +2,4 %.

  • Bouygues: +3 %

  • Orange: -2,2 %,

Si SFR continue à reculer, Free et Bouygues dans un contexte de performances commerciales moindre continuent de performer financièrement quand Orange marque le pas, conséquence, de la Soshisation de notre stratégie pour stopper l’hémorragie.


8) La direction s’entête à dire qu’il « n’y a aucun projet économique » et pourtant c’est la seule stratégie qu’elle applique réellement depuis des années pour tenter de maintenir à flot le périmètre France faute d’innovation, d’ingéniosité et de prise de risque …
La direction affirme qu’il n’existe « aucun projet économique » dans cette réorganisation, alors même que les faits démontrent le contraire : les seuls plans réellement structurés et chiffrés du groupe depuis plusieurs
années sont des plans d’économies, seule méthode qu’elle a trouvée pour maintenir à flot le périmètre France.

➢Scale Up (2019–2022) : 1 Md€ d’économies nettes réalisées sur les OPEX, soit 705 M€ hors inflation (-5 %). Dans ce total, 405 M€ proviennent des frais de personnel, 134 M€ des frais généraux et 117 M€ des impôts et taxes.
➢Efficiency (dès 2023) : objectif de 600 M€ d’économies nettes, par l’accélération des leviers déjà engagés (immobilier, achats, RPA, digitalisation en Europe, refonte du modèle de travail, mutualisations diverses). À fin 2024, 382 M€ avaient déjà été atteints, soit les deux tiers de l’objectif, principalement grâce à Orange France (84 % des économies) et pour l’essentiel sur les frais de personnel (55 %).

Ces chiffres sont confirmés par les annonces du Directeur Financier et Stratégie d’Orange France, qui a indiqué en mars 2025 que, d’ici 2030, l’entreprise devra réaliser 700 M€ de réductions supplémentaires et +1,1 Md€ de croissance du chiffre d’affaires en France.
Dans ces conditions, il est illusoire de prétendre que cette réorganisation ne poursuivrait aucun objectif économique et financier. Derrière le discours officiel, les faits rappellent qu’Orange s’inscrit bien dans une logique d’économies massives sauf à prétendre qu’Orange a changé de statut et se retrouverait être une association de loi 1901


9) Vous dites strictement aucun impact en termes d’emplois en lien avec la GEPP et pourtant :
La direction affirme que la réorganisation n’aura pas pour objet de réduire les effectifs et que chaque salarié conservera un poste dans l’organisation cible.
Par ailleurs, la GEPP 2025-2027 communiquée au Comité Groupe France met en évidence une liste de métiers en décroissance :

➢Fonctions support (Finance, Ressources Humaines hors Santé, Animation et Processus, Marketing hors Customer Data Intelligence, Communication, Management, Management de projet sauf activités commerciales OB).
➢Métiers commerciaux (animation commerciale, back-office ventes et relation client).
➢Métiers techniques (back-office technique hors pilote opérations clients, exploitation et maintenance hors expert en ingénierie).


Dans ce contexte, il est légitime de s’interroger sur la cohérence même du modèle que vous proposez. Vous annoncez qu’il y aura « un poste pour toutes et tous », mais qu’entend-on réellement par-là ? Avoir un poste ne signifie pas forcément conserver son métier, sa ligne managériale, son collectif de travail ou encore son environnement professionnel. Dès lors, combien de salariés verront leur métier évoluer, se transformer ou disparaître ? Combien seront amenés à changer de rattachement, qu’il s’agisse d’une direction, d’un service ou d’un management ? Ces questions s’entendent avec la granularité qui convient.


Si, comme vous le maintenez, il n’existe aucun lien entre la GEPP et la réorganisation, alors quels sont les véritables objectifs poursuivis en matière d’évolution des effectifs ? Car la GEPP, elle, anticipe bien entre 1 500 et 3 000 départs d’ici 2027, soit une réduction de 9 à 13 % des effectifs.
Au-delà des chiffres, une question de fond demeure : quels dispositifs concrets et quels moyens financiers sont réellement prévus pour accompagner les salariés dont les métiers sont identifiés comme en décroissance ? Comment seront-ils projetés vers les métiers « à l’équilibre » ou les métiers en « tension et émergents » ? Quelle sera la part des mobilités internes face à celle des recrutements externes ?


En somme, ce projet pose une question centrale : s’agit-il d’une réorganisation pensée pour anticiper et transformer en profondeur les métiers d’Orange auquel cas il appartient à l’entreprise d’en faire la démonstration exhaustive, à défaut s’il s’agit simplement d’un ajustement structurel qui masque, à court terme, un objectif de réduction des effectifs, la direction se doit alors de l’exprimer en toute transparence.


10) L’IA est un des sujets clefs et majeur pour toutes les entreprises n’est jamais évoqué par Orange pour cette réorganisation.
Dans la continuité du point consacré à la formation, l’intelligence artificielle (IA) apparaît comme un levier essentiel pour transformer les métiers, accompagner les salariés et renforcer la compétitivité du groupe. La direction elle-même la présente comme source de valeur : en 2024, 200 M€ ont été générés grâce à divers cas d’usage, dont 70 % par la croissance et la préservation des revenus et 30 % par des économies opérationnelles et des investissements évités.
Pourtant, l’IA reste quasiment absente du projet de réorganisation actuel. Aucun plan n’évoque une stratégie d’« accompagnement des salariés augmentés », ni des dispositifs concrets de formation ou de reconversion, alors même que certaines tâches sont appelées à disparaître et que l’IA pourrait constituer un puissant moteur de productivité, d’innovation et de simplification organisationnelle.
Précisons-le : il ne s’agit pas pour la CFE-CGC de faire l’apologie d’une technologie encore perfectible et porteuse de risques. Mais au vu de l’ampleur des transformations envisagées, qui verront certains métiers disparaître tandis que d’autres émergeront, il paraît peu crédible que l’IA ne soit pas intégrée dans la réflexion stratégique de la direction.
Cette omission interpelle d’autant plus que des projets majeurs comme Speech Analytics ou MAIA sont déjà à l’étude, avec des impacts potentiellement considérables sur les métiers, les processus et l’emploi. Dans ce contexte, il est indispensable que la direction explicite rapidement ses ambitions et les moyens associés.
Enfin, au-delà de la seule dimension économique, une transparence totale est attendue : quels objectifs chiffrés de réduction des coûts et de croissance du chiffre d’affaires sont attribués à l’IA ? Quels dispositifs concrets permettront de préserver les droits et les intérêts des salariés dans ce contexte de transformation technologique accélérée ?


11) Alerte sur le moral des salariés dans le groupe / Le ras le bol des réorganisations :
Nos préoccupations autour de la formation et de l’IA sont d’autant plus fortes que la réorganisation envisagée s’appliquera à une population déjà fragilisée. Les rapports et sondages (Voice Up, CNPS, médecine du travail) soulignent des signaux alarmants : épuisement lié à la perte de sens et à la dégradation des conditions de travail, manque de reconnaissance, défiance vis-à-vis de la stratégie et lassitude face à des réorganisations successives, sans écoute réelle ni amélioration tangible. Ces symptômes, connus pour accroître les risques en cas de changement majeur, peuvent conduire à des situations dramatiques.
Cette fragilité est d’autant plus marquée que les salariés en France affichent déjà une productivité en hausse de +5,4 % entre 2023 et 2024, faisant de la France la seule zone – avec la MOA – où le ROCE dépasse le WACC. Pourtant, ces efforts ne bénéficient pas aux salariés dans le cadre du partage de la valeur : les actionnaires ont vu leur dividende progresser de +4,54 % (0,72 € à 0,75 €/action), les dirigeants une hausse de +10 % des attributions d’actions gratuites (de 20 à 22 M€), alors que les salariés n’ont obtenu qu’une progression limitée de +3 % sur les NAO et +2,2 % sur la participation.
La direction ne pourra échapper à l’impérieuse nécessité de donner du sens, de l’envie et de mettre les moyens nécessaires à l’accompagnement des salariés pour assurer leur employabilité dans le temps et oeuvrer à leurs côtés à leur épanouissement. Cela suppose également une juste rétribution de la valeur créée et des efforts consentis par les salariés. Enfin, les impacts organisationnels devront être anticipés et verrouillés en amont afin de ne pas exposer, une nouvelle fois, les salariés dans cette énième réorganisation au risque d’altérer leurs conditions de travail et leur santé.


12) Innovation/relais de croissance :
Orange n’est pas menacé dans ses infrastructures, mais dans son positionnement stratégique : la connectivité, bien que vitale, est désormais perçue comme un produit de base, interchangeable et invisible. Dans cette logique de commoditisation, Orange supporte les investissements colossaux (5G, fibre, data centers) tandis que la valeur est captée par les plateformes (Apple, Google), les OTT (Netflix, WhatsApp) et les fabricants (Apple, Huawei), qui contrôlent l’expérience utilisateur, la fidélité et les données.
Le danger est clair : Orange risque de devenir un simple « tuyau », à l’image de l’eau ou de l’électricité. Le parallèle avec Kodak est cruel mais éclairant : posséder la technologie ne suffit pas si la relation client et l’expérience échappent à l’entreprise.
Deux voies stratégiques se dessinent :

➢Devenir une marque digitale native : reprendre la main sur l’expérience client, proposer des services intégrés à forte valeur ajoutée (cybersécurité, cloud souverain, identité numérique, stockage intelligent), bâtir une promesse de confiance et de souveraineté, et se positionner comme l’orchestrateur du quotidien numérique.
➢Se transformer en plateforme automatisée (NaaS) : offrir la connectivité programmable via des API, monétiser et automatiser les réseaux en services modulaires (sécurité, priorisation de trafic, qualité de service), et devenir une infrastructure B2B2X indispensable, discrète mais incontournable.

Dans tous les cas, le modèle historique des forfaits grand public est caduc. Orange doit donc engager un changement de matrice stratégique profond pour éviter la banalisation et redevenir un acteur central de l’économie numérique.
L’ambition doit être claire : réenchanter nos clients, réinventer la relation commerciale, innover en termes d’offres et de services. Sans cela, Orange ne pourra prétendre rester le leader incontesté et incontestable qu’il doit être.
Dès lors, l’avenir interpelle : comment, dans le cadre de la réorganisation Orange France, la direction entend-elle innover, reprendre le leadership et regagner en image pour renforcer marges et résultats ? Comment nos boutiques seront-elles repensées pour incarner une nouvelle expérience client, au-delà de la simple vente de forfaits ? Quel modèle économique sera construit autour de la Market Place et des services digitaux émergents ?
Ces interrogations ne sont pas accessoires : elles conditionnent la capacité d’Orange à sortir du statut de simple opérateur de commodité pour redevenir un acteur stratégique du numérique.


13) L’investissement en R&D il faut changer de paradigme :
Orange à l’instar des autres opérateurs investis dans ses infrastructures (de l’ordre de 15%) mais de manière inférieure ) des concurrents commes China Télécom, AT&T, BT …
Dans le même temps Orange investit trop peu dans la R&D à peine 1% tandis que les concurrentsTelcos majeurs sont entre 4 et 6%
Les acteurs technologiques investissent entre 10% et 30% de leur CA en R&D …
Orange doit se dégager des marges de manoeuvre pour investir et non financer les actionnaires … Orange devrait envisager de doubler puis tripler sa part de CA allouée à la R&D


14) Conclusion :
Une réorganisation majeure dans un contexte critique
La réorganisation de plus de 20 000 salariés intervient dans un environnement particulièrement contraint.
La croissance plafonne à 0,6 % en France en 2025 et à 1 % dans la zone euro ; la dette publique dépasse 110 % du PIB et le déficit reste supérieur à 5,5 %. Les besoins d’investissements sont colossaux : transition écologique, formation et montée en compétences, innovation numérique, effort militaire face aux tensions géopolitiques. À cela s’ajoute une instabilité politique persistante, en France comme en Europe, qui rend toute stratégie de long terme incertaine.
Ces incertitudes fragilisent les ménages comme les entreprises. Dans ce contexte, les télécoms deviennent une variable d’ajustement : si Orange n’arrive pas à réinventer la relation client et à proposer des services différenciants, le prix restera le seul critère. Et avec une image premium mais des moyens contraints, Orange n’est pas aujourd’hui le mieux placé. D’où l’urgence à renforcer l’ARPU et les marges, sous peine de spirale négative.
Orange, un acteur fragilisé
Orange souffre de contre-performances commerciales et financières, aggravées par la conjoncture mondiale et européenne. La consolidation en cours du marché des télécoms ajoute encore à l’instabilité. Et alors que le prochain plan stratégique ne sera présenté qu’à mi-2026, nous n’avons pas le droit à l’erreur.
La simplification des process peut avoir du sens, mais seulement si elle repose sur une vraie écoute du terrain et s’accompagne d’un discours positif, clair et mobilisateur : dire aux salariés comment Orange sera plus fort demain, comment elle confortera sa place de leader économique et deviendra un acteur innovant, capable de résister à la pression croissante des géants « over the top » qui captent la valeur.
Or, rien de tout cela n’apparaît dans le document soumis. Pensée de manière purement matricielle, la réorganisation réduit les salariés à des numéros que l’on déplace d’une case à une autre. Le risque est de faire plus de mal que de bien, alors même qu’Orange n’a plus le droit à l’échec.
Une absence de vision stratégique
Votre projet n’aborde jamais ce qui fait l’essence d’une entreprise : stratégie, finance, performances commerciales, efficience opérationnelle. L’unique fil directeur reste les plans d’économies et de départs successifs, traduisant un manque de transparence et de loyauté.
Aucune vision industrielle, aucune ambition digne de l’opérateur qu’est Orange. Hormis quelques slogans – réseau mobile, service client de l’année, NPS 40 – rien ne vient incarner un projet porteur. Résultat : vous ne faites plus rêver vos salariés, et demain ce seront vos clients.
Un projet mal cadré socialement
Les élus du CSEC s’étonnent qu’un projet d’une telle ampleur soit limité à une consultation nationale. Ses impacts sur l’organisation du travail, les conditions de santé et de sécurité sont pourtant évidentes. Pire, il remet en cause les périmètres sociaux, dont six pourraient disparaître à court ou moyen terme, fragilisant l’accompagnement des salariés dans un contexte déjà marqué par la dégradation de la santé au travail.
Il est indispensable d’associer les périmètres sociaux locaux à la réflexion. Une déclinaison en instances locales renforcerait l’efficience opérationnelle, organisationnelle, sociale et humaine, conditions indispensables pour relever les défis considérables qui nous attendent.
Une direction qui déçoit déjà
Monsieur le Directeur Exécutif, arrivé en juillet en pleine période estivale, en cumulant deux postes, vous ne pouvez pas prétendre avoir pris la mesure des équipes et des réalités de terrain en si peu de temps. L’écoute, valeur clé que vous avez mise en avant, apparaît déjà comme une promesse non tenue. Les erreurs commises lors de la réorganisation « Ancrage » – notamment le double rattachement – risquent de se reproduire.
Cette prise de fonction devait être l’occasion de renouer avec les forces vives d’Orange et de lancer un véritable plan Marshall pour réinstaller l’entreprise comme opérateur incontournable. Or, se contenter de dérouler un dossier trouvé « sur votre bureau » ne traduit pas une capacité à vous affirmer comme un capitaine d’industrie porteur d’une vision claire. Aujourd’hui, vous promettez du sang et des larmes, mais aucun avenir porteur d’espoir. Cela ne peut qu’accroître la démobilisation des salariés, alors même que nous avons besoin d’énergie et de projection collective.
Une demande claire
Pourquoi tant de précipitation ?
Il faut prendre le temps d’écouter, d’analyser et d’ajuster la réorganisation à partir des préoccupations réelles des salariés, telles qu’elles ressortent des sondages CNPS, Voice Up ou des alertes de la médecine du travail. Ce n’est pas reculer, mais créer les conditions d’une mobilisation réussie.
Le succès ne pourra reposer que sur un triptyque équilibré : salariés, direction et partenaires sociaux. Sans cela, le risque d’échec est certain.

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