La course effrénée à la rentabilité financière...

Le Comité de Groupe Européen du Groupe Orange s'est réuni en session extraordinaire le mercredi 16 avril dernier, avec pour objectif de découvrir les nouveaux éléments fournis par la Direction autour d'une évidente accélération des projets d'externalisation.

 

Balayons ensemble l'ordre du jour ainsi que le détail des différents points abordés:

 

1 - ENO : information/consultation sur l’externalisation des réseaux européens (3ème rencontre avec la Direction)

 

L’activité ENO (European Network Optimization) dans ces 5 pays d’Orange n’est plus considérée comme « cœur de compétence », en tout cas comme un avantage concurrentiel, puisqu’Orange a pris la décision de l’externaliser !

Pour rappel, Orange a choisi Ericsson comme fournisseur privilégié de services réseaux managés en Europe. Les pays ciblés sont la Belgique, la Moldavie, la Roumanie, la Slovaquie et l'Espagne. Il est prévu que 325 salariés d'Orange Moldavie, Roumanie et Slovaquie soient transférés chez Ericsson entre septembre 2014 et janvier 2015, selon le calendrier opérationnel suivant :

-       avril pour la Belgique

-       mai pour l’Espagne

-       septembre pour la Moldavie

-       début 2015 pour la Roumanie et la Slovaquie.

Les coûts de base du projet ENO sur 5 ans s'élèvent à environ 895 M€. Le business case européen consolidé pour la période 2014 – 2019 montre une économie de 163,11 M€ dans le cadre de ce contrat européen commun. Selon les pays, la direction nous informe qu’il est possible de réaliser en moyenne 10 % à 30 % d'économies.

Tout projet d'externalisation constitue forcément  une opération complexe et personne  n’est à l’abri d’un certain nombre de risques qui  peuvent mener au succès ou à l'échec.

Il est à reconnaître que beaucoup de documents, parfois un peu trop techniques, ont été transmis aux élus du CGE, ne nous permettant pas d’avoir une vision claire sur le niveau stratégique, financier, organisationnel et opérationnel du projet, ainsi que les  risques significatifs qui peuvent en découler.

Pour répondre à la demande des élus du CGE de recourir à un expert afin de mieux s’approprier les contours de ce dossier, Orange a partagé avec l’expert retenu (cabinet Apex) des informations confidentielles, écrites ou orales (KPI, business case par pays, etc.), sous réserve du respect de la confidentialité de ces informations. On y apprend que la durée contractuelle d’ENO est exceptionnellement de 6 ans pour Mobistar, alors qu’elle est de 5 ans pour tous les autres pays.

L’expert nous donne une analyse des gains attendus sur une période allant de 2014 à 2019 selon les différents pays concernés, et qui ne portent que sur les dépenses d’investissements (Capex) et de charges (Opex). Les élus CFE-CGC font part en séance plénière de leur étonnement s’agissant de l’absence de mention du coût de transaction avec Ericsson (renégociation des contrats et des coûts de prestations), lesquels devraient logiquement minimiser les coûts de production. Mais nous n’avons pas obtenu de réponse à notre question…

Selon l’expert, les analyses ont fait ressortir des problèmes sur les KPI et la qualité de service. Dans quelle mesure Orange pourra maintenir et renforcer ce critère différenciant et déterminant pour nos clients ? Cette question est primordiale dans une stratégie de conquête de parts de marché dans un contexte hautement concurrentiel !

Si la Direction nous assure avoir pris toutes les garanties et contractualisé des clauses très contraignantes pour Ericsson dans l’hypothèse d’une défaillance d’exécution, nous n’avons pas obtenu de réponse sur les risques de dépendance du fournisseur tiers, pas plus que sur les éventuels niveaux de sous-traitance.

Pour  ce qui concerne le volet humain du dossier, Orange considère que cette décision d’externaliser permet de sécuriser les emplois et les carrières professionnelles des salariés impactés, et qu’elle garantit une qualité de service avec une meilleure affectation des équipes et une utilisation optimisée des ressources techniques, arguant de bénéfices accrus pour les salariés en termes de formations de haute qualité, gages d’amélioration de leurs compétences professionnelles, Ericsson étant internationalement reconnu pour son très haut niveau de compétence technique et sa grande maîtrise des réseaux. Il a déjà fait preuve de savoir-faire dans la gestion des externalisations, et peut  proposer des carrières valorisantes et diversifiées axées sur l’international, du fait de sa stratégie multimarque s’agissant des équipements utilisés. Mieux, Orange nous dit avoir reçu les engagements d’Ericsson de reprendre tous les avantages dont bénéficiaient les salariés transférés, tels que les bonus de rémunération, les primes de mobilité, les avances sur salaires, etc.)

Pour revenir sur le sujet des risques liés à la qualité de service, l’entreprise a prévu des clauses contractuelles contraignantes avec Ericsson, lesquelles permettraient d’anticiper ou de réduire les risques de dérives ou de défaillances du prestataire.

Ces clauses de réversibilité (pénalités, droits d’intervention, résiliation) constituent certainement un moyen de diminuer ces risques, mais en aucun cas ne permettent de les supprimer totalement. Nous aurions apprécié que l’entreprise nous présente son analyse, en toute transparence, et qui nous aurait permis de comprendre l’adaptation face à chaque type de risque potentiel !

A titre d’exemple, concernant la gestion de la relation avec le prestataire afin de garantir la qualité de service, Ericsson pratique plusieurs niveaux de sous-traitance dans l’exécution de la prestation, et l’on ignore à partir de quel moment et/ou quel niveau Orange pourrait considérer que le niveau de service n’est pas atteint, et se tourner de fait vers les clauses s’appliquant en cas de non-exécution du contrat du fournisseur. Les termes de ce contrat demeurent dans une totale opacité…

En conclusion, Orange a fait ce choix d’externalisation sur la base de l’expérience d’externalisation en Espagne depuis 2009. L’entreprise a revu et modifié une grande partie des KPI qui ont pu mettre en difficulté le suivi de cette activité, tel que dans le domaine de la Data Mobile. Elle envisage d’appliquer le modèle développé en  Espagne sans tenir compte des spécificités locales de chaque pays. A-t-elle raison de le faire ? Tous les risques ont-ils été sérieusement évalués ?

Orange se focalise uniquement sur la réduction des coûts au niveau de l’activité pour déterminer des ressources théoriques, mais il est très probable que cette opération se réalise au détriment des performances opérationnelles et de la qualité de service.

Elle considère simplement que les économies réalisées et les compétences acquises grâce à l’expérience de l’Ericsson vont créer de la valeur à son niveau.

Quant à la préservation de la garantie d’emploi pour les salariés impactés, elle est de 12 mois pour tous les pays, à l’exception de la Roumanie qui bénéficie de 24 mois. Bien qu’ayant formellement exprimé notre souhait de voir cette garantie étendue uniformément à un socle européen commun aux pays concernés, nous nous sommes heurtés à un refus catégorique de la Direction de l’entreprise, Orange préférant se réfugier derrière la législation (lorsqu’elle existe !) en vigueur dans chaque pays et sur les contrats de déploiement locaux existants, n’honorant pas le statut d’une entreprise avant-gardiste en termes de responsabilité sociale, qualité qu’elle revendique pourtant régulièrement dans les médias…

L’avis des élus du Comité de Groupe Européen sur le dossier ENO sera remis par écrit à la Direction dans un délai de deux semaines et demi.

 

2 - Point d’avancement sur le programme Sirius

  

Après le point sur ENO, la Direction nous fait une présentation rapide du portefeuille d’initiatives en cours sur différents thèmes concernant les phases de mise en œuvre et les prochaines étapes du projet GNOC (Global Network Operation Center).

La 1ère phase de GNOC a été mise en place en janvier faisant suite à l’avis donné par le CGE et le plan de formation a débuté.

La 1ère étape pour Mobistar ainsi que la 2ème pour la Slovaquie se dérouleront après la procédure d’information/consultation du prochain CGE.

Nous entrons maintenant dans la 2ème phase de GNOC, avec la poursuite d’une expertise menée par le cabinet Apex, et la rédaction du cahier des charges par les mêmes membres du CGE que précédemment, dont un membre de la CFE-CGC (Jean-Michel Camin).

La transformation du Data Center avec sa migration vers le « One Cloud » a été réalisée, l’étape suivante consistant à obtenir une proposition tarifaire unique pour « One Cloud », ainsi qu’à renforcer la gouvernance des applications.

Les aspects liés aux ventes et à la « supply chain » passent par la collecte, la vente des terminaux et le choix du fournisseur pour la remise à neuf des terminaux d’occasion. Il s’agit là d’un projet paneuropéen.

A ce stade, on arrive à la finalisation des négociations et à la définition d’une stratégie de vente des terminaux au détail à Mobistar (Belgique).

Enfin, s’agissant du support aux clients, l’impression des factures de Mobistar sera réalisée en France (Nancy est pressenti), la facture électronique sera mise en place dans les différents pays, sans oublier la renégociation des frais bancaires et postaux, l’achat d’un logiciel de contrôle pour réduire la consommation énergétique des réseaux informatiques dans tous les pays, ainsi que la réalisation d’un benchmark des meilleures pratiques RH.

 

3 - Présentation du projet « Digitalisation Externe »

  

Le programme « Orange Digital Excellence » s’étale sur une période de trois ans et a pour ambition de permettre à Orange de devenir l’opérateur de télécommunications n°1 de l’ère Internet. Son principal objectif est d’utiliser l’univers du numérique afin d’améliorer l’expérience et le parcours client, ainsi que la qualité de service. Ce programme vise à soutenir les filiales d’Orange autour de 6 principales priorités :

-   tirer parti de notre réseau de distribution à l’heure de la digitalisation

-   ne pas systématiquement associer subjectivement digitalisation et low-cost

-   assurer la cohérence entre qualité de service affichée et qualité de service perçue

-   renforcer la personnalisation de l’expérience clients au travers d’interactions pertinentes et efficaces

-   assurer l’intégralité du parcours clients sur smartphone

-   améliorer continuellement l’expérience clients Orange sur le mode « Orange est accessible et fiable, il écoute et répond à ce qui essentiel pour moi »

Après la tenue d’un premier Comité de direction en présence de toutes les parties prenantes de l’entité IMT début avril, la réflexion est menée sur l’ensemble des pays et régions, avec une déclinaison dédiée pour la zone AMEA, compte-tenu des différences du réseau physique de distribution par rapport à la zone Europe. Le lancement demeure planifié pour fin avril.

La CFE CGC ne remet pas en cause le constat que les entreprises faisant preuve d’une plus grande maturité digitale sont bien plus performantes que leurs concurrentes. La digitalisation permet en effet d’entretenir une relation directe avec le client final, sans intermédiaire dans les circuits de la vente et avec tous les avantages définis plus haut.

Cependant, le dossier qui nous est présenté ne comporte pas de volet RH, alors que la digitalisation aura vraisemblablement des impacts sur les équipes, les métiers et les organisations de travail.

S’agissant de l’appropriation par les salariés de ce nouveau contexte de travail, ainsi que des mesures mises en œuvre pour faciliter leur adaptation, la CFE CGC s’interroge sur les moyens dont l’entreprise entend se doter pour assurer la mise en œuvre de cette transformation digitale, l’évolution des compétences des salariés ainsi que la culture d’entreprise.

Bien que l’entreprise rappelle que certaines de ces questions ont été abordées lors du précédent CGE de mars, elle s’engage malgré tout à présenter un dossier complet en information/consultation si des impacts RH notables étaient identifiés avant la mise en œuvre.

 

4 - Suite de la présentation de la stratégie OBS et information sur sa déclinaison européenne. 

  

Cette présentation s’inscrit dans celle de novembre 2013 aux membres du Comité de Groupe Européen.

Le programme vise à introduire la digitalisation dans le pilotage de notre relation avec nos grands clients, et à être identifié comme partenaire de confiance dans cette transformation digitale au moyen de quatre grands domaines :

-   la meilleure connectivité indépendamment du lieu

-   la flexibilité des infrastructures Cloud

-   les applications connectées via nos plateformes d’intermédiation (M2M européen)

-   l’espace de travail (work space), la vidéoconférence, l‘audioconférence, l’instant messaging (« unified communication as a service »)

-   la sécurité intégrée

Le programme d’accélération prévoit en outre de :

-   développer nos revenus internationaux en jouant sur les synergies entre les canaux de vente

-   améliorer notre profitabilité via la performance

-   de simplifier nos processus et notre portefeuille produits pour faciliter la vie de nos équipes et de nos clients

-   d’accélérer notre transformation digitale pour renforcer notre business

Thierry Bonhomme, Directeur exécutif Orange Business Services, nous présente ensuite la méthode d’exécution des grands axes de la stratégie sous la forme du projet Zebra. Il s’agit d’un business model et d’une implantation géographique centrée sur le client, projet qui avait déjà été présenté à Bordeaux en 2011.

Zebra constitue un projet européen intégrant :

-   le déploiement en Europe de la stratégie globale d’OBS

-   les aspects du programme d’accélération d’OBS axés sur les 4 domaines décrits précédemment par Thierry Bonhomme

-   une stratégie d’implantation géographiquement cohérente élaborée par le Comité exécutif d’OBS

-   une simplification de l’organisation, une amélioration de l’efficacité tout en conservant la confiance des clients

Des conséquences sont attendues sur les effectifs :

-   123 postes créés en Slovaquie (Bratislava) et dans d’autres géographies (Egypte, Inde).

-   219 postes supprimés

L’amélioration annuelle moyenne de l’EBITDA attendue est de l’ordre de 22.4M€.

Sur ce projet et ses conséquences sur l’emploi, le Comité de Groupe Européen sera consulté lors de sa session plénière du 25 juin prochain à Copenhague au Danemark. Pour apporter l’ensemble des éléments nécessaires à l’information des membres de l’instance, un Comité de Groupe Européen extraordinaire se tiendra le 28 mai prochain.

Au-delà de la volonté de la Direction d’afficher une relative transparence sur ce dossier, nous avons malgré tout le sentiment que le projet Zebra n’est qu’une étape supplémentaire dans la course à la rentabilité financière : si Orange veut  réduire ses coûts pour améliorer sa compétitivité vis-à-vis de ses concurrents, notamment par la simplification des processus, et accroître son efficacité pour maintenir la confiance de ses clients, l’emploi demeure une fois encore la variable d’ajustement dans la mise en œuvre de tels projets.

Malgré l’attention particulière visant à limiter l’inquiétude du personnel, un budget de licenciement de 31 M€ a été provisionné dans les comptes, nous laissant croire que, dans la mesure du possible, l’entreprise proposera un poste à Bratislava ou dans le Groupe aux salariés concernés. Pour sa part, la CFE-CGC affiche un grand scepticisme s’agissant de l’hypothèse selon laquelle des collègues anglais, allemands, belges ou néerlandais se satisferaient d’une nouvelle vie sous contrat local en Slovaquie, qui plus est avec femme et enfants…

A l’évidence, les consultations locales avec les représentants sont déjà terminées, nous privant ainsi du temps nécessaire à l’étude d’une solution alternative au projet. Les représentants d’Orange Business Services au Comité de Groupe Européen ont indiqué souhaiter qu’un avis soit rendu sur ce dossier lors de la session plénière de juin prochain au Danemark. La CFE-CGC aurait souhaité un report de la consultation à l’automne afin d’obtenir une marge de négociation plus substantielle, nous aurions préféré que la consultation se fasse le plus tard possible, s’agissant d’un Groupe revendiquant régulièrement de hautes performances en matière de responsabilité sociale d’entreprise…

 

Vous pouvez contacter vos élus pour plus de précisions sur les sujets traités lors du dernier CGE (la CFE-CGC était représentée par Thierry Meurgues et Sylvie Net).

 

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