Reclassement des personnels des boutiques Orange : la CFE-CGC adresse un courrier à Jean-François Fallacher, nouveau Directeur Executif

Objet : Reclassement des personnels des boutiques Orange

Monsieur le Directeur Exécutif,

Par la présente, le syndicat CFE-CGC Orange entend mettre en demeure la Direction d’ORANGE de respecter les dispositions applicables en matière de PSE[1] (Plan de Sauvegarde de l’Emploi) et de transfert d’activité, dans le cadre de sa décision de restructurer son réseau de distribution.

Cette décision n’est ni motivée économiquement, ni stratégiquement, ni socialement. Le syndicat et ses représentants l’ont largement démontré dans les différentes instances qui ont eu à connaitre du projet, les silences et absences de la Direction étant à ce titre, éloquents.

Mais qui plus est, indépendamment de la question de la motivation et pertinence défaillantes, il apparait en fait clairement que par cette décision, la Direction d’ORANGE entend réduire de façon conséquente les effectifs, sans pour autant mettre en place un plan de sauvegarde de l’emploi ou même négocier un plan de départ volontaire ou un accord de rupture conventionnelle collective.

De plus, la restructuration du réseau de distribution élude l’application de la règle légale du transfert d’activité de l’article L 1224-1 du code du travail. 

Pour mémoire, le réseau de boutique Orange regroupe les Agences Distribution (AD) et la filiale Générale de téléphone (GDT), filiale à 100% d’ORANGE.

La décision de la Direction d’ORANGE se traduit notamment par :

  • un « redéploiement du réseau de distribution », de 2023 à 2026 ;
  • avec en 2022 : 279 boutiques Orange en Agence Distribution et 225 au sein de la Générale de téléphone ;
  • sur l’ensemble de la durée du plan (2023/2026) :
  • la création d’entre 120 et 150 boutiques « Orange Expérience » au sein des Agences de Distribution (AD),
  • l’arrêt d’exploitation de 130 à 160 boutiques en Agence Distribution (AD) avec reprise des fonds de commerce par la filiale Générale de téléphone (GDT),
  • une croissance du réseau GDT (filiale à 100% de Orange) : entre +95% et 127% de boutiques et entre +68% et 85% de salariés,
  • la disparition de 50% des boutiques et 50% des salariés en AD en moins de 4 ans,
  • le passage de 59% de boutiques en AD et 41% de boutiques GDT à 20% en AD et 80% en GDT,
  • la fermeture et la création de nouvelles boutiques de proximité et des opérations de relocalisation dans des « locaux » à surface commerciale plus petites, notamment sur les boutiques de grandes tailles,
  • « l’adaptation des effectifs » actuels dans les boutiques pour être en cohérence avec la baisse d’activité.

Concernant les transferts d’activités, la reprise des fonds de commerce des boutiques en Agence Distribution (AD) par la filiale Générale de téléphone (GDT), l’arrêt d’exploitation de 130 à 160 boutiques en Agence Distribution (AD), les conséquences sur l’emploi…, la Direction d’ORANGE élude manifestement l’application des règles légales, en matière de PSE comme de transfert d’entité économique autonome.

- Sur le PSE

Pour mémoire, un PSE est obligatoire lorsqu'un employeur envisage de procéder au licenciement d'au moins 10 salariés sur une période de 30 jours dans une entreprise d'au moins 50 salariés, et ce qu'il y ait ou non des représentants du personnel dans l'entreprise (C. trav., art. L. 1233-61).

Par ailleurs, lorsqu'au moins 10 salariés ont refusé la modification d'un élément de leur contrat de travail, proposée par leur employeur pour l'un des motifs économiques énoncés à l'article L. 1233-3 du Code du travail, et que leur licenciement est envisagé, celui-ci est soumis aux dispositions applicables en cas de licenciement collectif pour motif économique, à savoir donc l'obligation de présenter un PSE (C. trav., art. L. 1233-25).

Or, au cas particulier, la Direction d’ORANGE annonce que l’ensemble des personnels touchés par les arrêts d’exploitation notamment des boutiques en Agence Distribution (AD), « seront repositionnés ou pourront valider une mobilité sur un poste au sein du groupe ORANGE ».

En outre, la Direction d’ORANGE précise au périmètre des boutiques actuelles, « un ajustement de staffing ETP moyens des boutiques au sein des AD d’environ 10% ».

Ces salariés verront donc bien leurs postes en boutique AD supprimés et se verront proposés un reclassement. Or, s’ils n’acceptent pas la modification de leurs contrats, ou une proposition de reclassement, ils auront nécessairement vocation à se voir licenciés. Dans ce cadre, au regard du nombre de salariés concernés (1900 salariés), de même que de l’importance du projet, cette hypothèse devrait être envisagée d’ores et déjà.

Dans cette logique, la CFE-CGC Orange met en demeure l’entreprise de soumettre, dès à présent, à la négociation, un accord PSE, seul dispositif à même de prévoir un accompagnement des salariés concernés à la mesure du volume de salariés impactés et de l’importance du projet.

La CFE-CGC ne saurait laisser perdurer les discussions de gré à gré qui ont lieu, menées aujourd’hui dans les boutiques, au titre desquelles les salariés nous remontent des pratiques de pression, de courriers antidatés…

Dans cette logique, la Direction évoquait elle-même pas moins de 50 demandes de ruptures conventionnelles individuelles.

- Sur le transfert d’activité et l’application de l’article L 1224-1 du code du travail

Pour mémoire, la Direction annonce l’arrêt d’exploitation de 130 à 160 boutiques en Agence Distribution (AD) avec reprise des fonds de commerce par la filiale Générale de téléphone (GDT).

Pour mémoire, le fonds de commerce est défini par le code de commerce par la combinaison (article L 142-2) des éléments incorporels : « l'enseigne et le nom commercial, le droit au bail, la clientèle et l'achalandage (...) et généralement les droits de propriété industrielle, littéraire ou artistique qui y sont attachés » ; les éléments corporels qui sont « le mobilier commercial, le matériel ou l'outillage servant à l'exploitation du fonds et les marchandises ».

Cette définition renvoie ainsi à celle de l'entité économique autonome qui se définit comme un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels et incorporels permettant l'exercice d'une activité économique qui poursuit un objectif propre (CE, 1er juin 2011, no 341323).

Ainsi, la jurisprudence considère qu'il y a maintien des contrats en cours (transfert) chaque fois qu'il y a continuité de la même entreprise (cf principe posé par la Cour de cassation selon lequel les articles 1er et 3 de la directive du 14 février 1977 du Conseil des communautés européennes et L. 1224-1 du Code du travail s'appliquent, même en l'absence d'un lien de droit entre les employeurs successifs, à tout transfert d'une entité économique conservant son identité et dont l'activité est poursuivie ou reprise : Cass. ass. plén., 16 mars 1990, no 89-45.730 ;Cass. ass. plén., 16 mars 1990, no 86-40.686).

  • Sur la notion « d'entité économique autonome»

Selon la jurisprudence constante, constitue une entité économique autonome un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels permettant l'exercice d'une activité économique qui poursuit des intérêts propres et conserve son identité chez le nouvel exploitant (Cass. soc., 7 juill. 1998, no 96-21.451).

Il ressort donc de cette définition jurisprudentielle que l'entité économique doit comprendre notamment plusieurs éléments :

  • des moyens corporels (matériel, outillage, marchandises mais aussi bâtiments, ateliers, terrains équipements...) ;
  • des éléments incorporels (clientèle, droit au bail, brevets d'invention, licences, dessins et modèles industriels, droits de propriétés industriels, littéraires ou artistiques...) ;
  • l'existence d'un personnel propre, qui constituera un indice supplémentaire de l'existence d'une entité économique autonome:
  • De plus, selon cette définition jurisprudentielle, l'ensemble de ces moyens humains ou matériels doit être organisé (Cass. soc., 7 juill. 1998, no 96-21.451).
  • Sur l’existence d’un objectif propre qui doit être poursuivi

La condition de l'identité de l'entité transférée est remplie quand la même activité se poursuit chez le repreneur avec les mêmes moyens corporels ou incorporels. Il s'agit de la situation la plus simple : dans ce cas, en cas de reprise des moyens d'exploitation et de maintien de l'activité à l'identique, il y aura bien transfert de droit des contrats de travail.

La CFE-CGC ORANGE considère, concernant les boutiques cédées par Orange (AD) à la GDT, que l’application des dispositions de l’article L 1224-1 du code du travail s’impose.

De ce fait, dans la plupart des cas (sauf éventuelle fermeture pure et simple de la boutique), les contrats de travail des salariés concernés, devraient être transférés « automatiquement », sans modification aucune si ce n’est celle de l’identité de l’employeur.

Dans cette logique, la CFE-CGC Orange met en demeure l’entreprise d’appliquer dans tous les cas de transfert de l’entité économique autonome, les dispositions de l’article L 1224-1 du code du travail.

A défaut de réponse favorable dans un délai de quinze jours à compter des présentes, la CFE-CGC fait toute réserve des actions qu’elles pourraient avoir à mener, y compris sur le terrain judiciaire.

En tout état de cause, le syndicat fera preuve de la plus extrême vigilance, au regard de la façon dont la Direction d’ORANGE applique sa décision de restructuration de son réseau de distribution, et notamment des éventuelles pressions que pourraient subir les salariés. Le syndicat informera et accompagnera ces derniers dans la défense de leurs droits.


Dans l’attente de votre réponse, nous vous prions d’agréer, Monsieur le Directeur Exécutif, l’expression de nos sincères salutations.

 

[1] Plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) - Licenciement économique | Service-public.fr

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