Xdlab, des équipes en danger - courrier de collaborateurs xdlab à destination des élus du CSE

Courrier de collaborateurs xdlab à destination des élus du CSE Orange Innovation, des représentants de la direction au sein de cette instance en séance plénière du 24/09/2025 Projet de la création de la Direction Product Management au sein d'Orange Innovation

En préambule, des collaborateurs d'xdlab, réunis en collectif, souhaitent partager quelques éléments de contexte "macro" qui leur semblent importants :

L'émergence et le développement du "Design" au 20e siècle dans un monde industriel et se préparant au post-industriel, a été un pivot incontestable dans les démarches d'Innovation.

La création de grandes écoles et structures, notamment en France, affiliés aux plus hautes instances de l'Etat, d'Expositions, de Biennales ... illustre l’importance accordée à cette vision reliant idées et besoins sociétaux.

Enfin, notre Groupe, dès le début avec le centre de Recherche des Télécoms, puis la Direction Design et Utilisateur, a investigué et développé les métiers et expertises de créativité et de conception pour, il y a 10ans, décider de structurer les activités, comme dans les plus grandes Entreprises, avec la création d'une Direction du Design du Groupe Orange.

Xdlab représente aujourd’hui 127 collaborateurs sur 8 sites Design Labs.

Cette Direction réunit des femmes et des hommes passionnés, engagés dans leurs métiers, innovateurs, enseignants et acteurs influents des écosystèmes du Design.

Ce collectif de collaborateurs, regroupant les métiers du design (équipe pluridisciplinaire qui réunit design digital, design produit, design de service, design thinking, design circulaire, design responsable, sociologie, anthropologie, ergonomie) souhaite partager ses fortes inquiétudes concernant le projet de réorganisation MD/DIS/Strat Ops.

Depuis les 1ères annonces de la création de la Direction Produit Management, la stupeur, l’incompréhension et l’angoisse sont largement partagées au sein des équipes xdlab.

Ce projet, pensé en dehors de la réalité de nos métiers, touche directement les équipes design, soient près de 40 % des effectifs concernés. Il remet en cause notre cohésion, notre savoir-faire collectif et les conditions qui nous permettent d’innover et de contribuer à la valeur et la qualité des produits.

En éclatant nos équipes, vous affaiblissez ce qui fait notre force :

• La coopération et l’entraide entre pairs,
• La fertilisation croisée entre thématiques,
• La construction collective de méthodes et de process qui garantissent la qualité de nos productions.

Concrètement, à titre d’exemple une équipe d’une douzaine de personnes peut se retrouver dispersée dans dix services différents. Cet éclatement entraînerait un isolement des collaborateurs, une perte de cohésion et d’émulation, ce qui fragiliserait notre efficacité collective.

Nous avons bien entendu l’argument selon lequel cette réorganisation viserait à faire de nous des « experts ». Or, c’est précisément ce que nous apporte l’expérience acquise au fil de projets qui nécessitent une « montée à bord » et une connaissance approfondie des écosystèmes de chaque domaine d’intervention. C’est donc le principe même de nos approches métiers et c’est ce qui nous permet d’apporter la meilleure expertise possible à nos parties prenantes : du client interne à l’utilisateur final.

Un travail de fond porté par le chantier “skills” a d’ailleurs été réalisé pour valoriser ces expertises, mais il semble qu’il n’ait pas été pris en compte.

Toujours sur le sujet de cette promesse de « nouvelle expertise design » de ce projet, que devient le design « Groupe », garant d’une charte unifiée et de la cohérence des produits et services ? Qui va porter cette vision ?

Que deviennent les expertises en User Research dans une organisation où le Market Research prend le dessus ?

Que deviennent les expertises et les assets ESG by design (Design circulaire/Design responsable/ éthique) ?

Quant aux chercheurs, d’abord oubliés bien qu’ils représentent une part importante des expertises, ils peinent à retrouver une place et une articulation avec le reste de l’organisation.

Une partie des expertises d’xdlab ne sont donc pas transférées dans votre projet organisationnel.

Dans cette nouvelle organisation, nous perdons également la possibilité de travailler sur des thématiques variées. Le cloisonnement imposé réduit notre activité à une seule spécialité et modifie de fait le cadre de nos missions. Or, la dimension multithématique est essentielle à notre métier : elle enrichit nos compétences, entretient notre motivation et permet la fertilisation croisée qui fait la valeur du design.

Nous craignons qu’en limitant ainsi nos perspectives, cette réorganisation appauvrisse à la fois nos pratiques et la qualité des produits livrés, qu’elle ne porte pas davantage la voix des utilisateurs et ne diffuse pas la culture Product Design (terme jamais cité dans les documents présentés) dans l’organisation.

La richesse du collectif design est dans sa polyvalence et dans son agilité, dans une vision très large du monde, pas dans le silotage.

Outre la perte de polyvalence, la spécialisation en silo va faire perdre l’avantage d’avoir un design mutualisé. Une activité en pause sur un projet peut libérer une ressource qui peut combler une demande sur le projet d'un autre domaine.

Nous nous interrogeons également sur la mise en œuvre du projet, alors que les managers de proximité ne sont pas encore connus. Le rôle de ces managers est essentiel : ils accompagnent nos missions, soutiennent nos parcours et créent les conditions de travail nécessaires à notre engagement. Il est difficile de se projeter dans une organisation tant que cette dimension reste floue.

À plusieurs reprises, nous avons alerté sur des problématiques concrètes, comme les difficultés d’accès au terrain, les difficultés de rencontrer les utilisateurs, de pouvoir étudier leurs contraintes réelles, d’analyser leurs besoins qui sont une composante indispensable de notre métier. Ces remontées n’ont pas donné lieu à des mesures adaptées, ce qui alimente notre sentiment de déconnexion entre le discours managérial et nos réalités de terrain.

Nous sommes également préoccupés par l’avenir de notre métier dans ce nouveau cadre. Sans collectif, que deviendront les échanges entre pairs, le mentorat, les formations spécifiques au design ou encore nos partenariats avec les écoles de design ? Ces éléments sont pourtant indispensables pour continuer à progresser et pour maintenir le rayonnement de notre discipline.

Au-delà de ces constats, une question essentielle demeure : quel est le sens de cette réorganisation ? Nos managers ont fait de leur mieux pour expliquer et accompagner, mais les motivations profondes restent floues. S’agit-il d’un projet stratégique, ou d’une opération purement comptable visant à termes à réduire les effectifs ?

Nous percevons cette réorganisation comme une première étape vers la disparition complète du design au sein d’Orange Innovation.

Partout ailleurs, les grandes entreprises de tech valorisent le design comme moteur stratégique de l’entreprise et levier d'innovation et d’amélioration de l'expérience client au service de la marque et non comme une variable d’ajustement.

Ainsi, les équipes d’IBM Design, Google UX Research, Dassault System Design sont stratégiques : elles participent aux roadmaps stratégiques dès les phases amont (recherche utilisateur, tests exploratoires) et influencent directement la stratégie d'expérience, l’innovation, et l'image de marque, tant en maintenant une synergie métier entre les designers. Nous avons besoin que la richesse du design dans sa polyvalence soit reconnue et représentée dans les instances dirigeantes par un Chief Design Officer (CDO), positionné au même niveau stratégique que la tech, le produit ou le marketing.

Par ailleurs, nous attendons des réponses claires, concrètes et transparentes. Trop souvent, les questions posées par les organisations syndicales n’ont pas reçu de réponse.

Notre message n’est pas un refus du changement, mais une demande de dialogue et de construction collective. Si nous ne sommes pas opposés à l’évolution de notre organisation, nous sommes en revanche opposés à ce projet qui isole et silote les designers, et qui nie la richesse de notre collectif.

Enfin, nous tenons à vous assurer que nous restons mobilisés et engagés pour les prochaines échéances.

Nous voulons contribuer activement à construire un cadre de travail qui respecte nos métiers et permette au design de continuer à jouer son rôle stratégique pour l’entreprise.

A cet effet, nous tenons à votre disposition une liste de préconisations plus détaillées que nous souhaiterions vous présenter dans le cadre de ce dialogue auquel nous aspirons.

Avec nos remerciements pour votre attention,

Le collectif de collaborateurs xdlab