Coup de torchon

Par Sebastien Crozier & Jean Michel Camin

La Direction nous fait régulièrement l’apologie du développement dans les pays émergents. Malheureusement, dans trois domaines, social, économie et alliance stratégique, les aventures de France Télécom dans ces pays pré-tendument porteurs tournent bien mal ! Jugez-en !

Cameroun : L’arbre à palabre façon FT

Les salariés d’Orange Cameroun se sont mis en grève reconductible début décembre 2009, notamment pour l’amélioration de leurs conditions de travail et la revalorisation des salaires. Mais on ne discute pas à Orange Ca-meroun, on élimine les gêneurs ! En guise de réponse, ils n'ont obtenu que le licenciement d'une porte-parole du mouvement, des mises à pied, des blâmes et 200 convocations devant le conseil de discipline, au motif que la grève n'avait pas été lancée dans les formes. C’est un comble de la part d’un acteur qui veut se positionner comme « l’employeur de référence, soucieux de bâtir les fondations d’une responsabilité sociale d’entreprise ». C’est aussi très préjudiciable à la volon-té de doublement du chiffre d’affaire et cela peut même freiner les ambitions de développement si chères à notre Direction.

Sociale, la marque Orange ?

Kenya : Out of Africa

En décembre 2007, France Télécom fait l’acquisition de 51% du capital Telkom Kenya, opérateur historique, pour 390 millions de dollars (environ 270 millions d’euros à l’époque). France Télécom a mis sur la table 100 millions de dollars de plus que le second en-chérisseur, et la vente est considérée comme la meilleure affaire réalisée par le gouvernement kenyan par les ob-servateurs de l’économie locale.

En janvier 2008, à la suite d’une élection contestée, une guerre civile particulièrement meurtrière éclate au Kenya.

En septembre 2008, Orange devient la marque commerciale de Telkom Kenya. Mais France Télécom, qui voulait faire du Kenya son point d’appui majeur pour pénétrer les marchés d’Afrique Orientale, « patauge » dans une galère sans nom.

Vodafone, (avec 15 millions de lignes soit 80% de part de marché, contre 0,8 millions pour Orange) continue de verrouiller le marché. Mais surtout, il semble que la réalité de l’opérateur ne soit pas exactement celle qui apparaissait lors de sa privatisation. Il manquerait rien moins qu’une partie du réseau, tandis que le contenu de certains contrats qui lient l’opérateur et son nouveau propriétaire, ou des dettes irrécouvrables, n’auraient pas été annoncés au moment du rachat.

Début mars 2010, le quotidien kenyan The East African titrait en première page : « Les Français réclament 385 millions de dollars [environ 284 millions d'euros] pour les actifs « disparus » de Telkom ». Soit quasiment le prix de l’acquisition. L’opérateur kenyan ne vaudrait donc pas un kopek ?

Bien sûr, tant le gouvernement kenyan que France Télécom souhaitent rester très discrets sur les « discussions amicales » en cours.

Mais c’est désormais le feuilleton à rebondissement de la presse locale, qui évoque toutes les hypothèses, de l’incurie des auditeurs français au moment de l’acquisition, à des malversations caractérisées au plus haut niveau de l’État. Une bonne occasion pour les anciens adversaires électoraux, qui partagent le pouvoir dans un climat très tendu, de divulguer les pires calomnies dans la presse. Nul ne sait quelle sera l’issue de cette affaire, qui de toute façon ne fera pas de bien à l’image locale de France Télécom… et donc à sa position sur le marché ! 385 millions de dollars partis en fumée ? L’équivalent de 10% du dividende annuel, ou encore 300 € par salarié français ! Rentables, les marchés émergents ?

Égypte : Mobilcom La guerre des Rose

Le conflit entre Orascom et France Télécom à propos de Mobinil a lui aussi fait les choux gras de la presse économique et financière : du tribunal international de Genève à la justice égyptienne bloquant une nouvelle fois l’OPA de France Télécom, les rebondissements se sont multipliés…

Pourtant il y a quelques mois encore, France Télécom se gargarisait de son 20 millioième abonné. Enfin, après deux ans et demi d’un conflit particulièrement dur et préjudiciable sur un plan opérationnel, la nouvelle Direction de France Télécom est arrivée à un nouvel accord… qui apparaît cependant coûteux pour l’entreprise.

Deux questions demeurent :

• Mobilcom va-t-il enfin passer sous la marque Orange ?

• Cet accord pourrait-il impliquer une coopération plus large avec Orascom ?

L’opérateur mobile est certes lourdement endetté, mais son implantation mondiale est importante : Algérie, Tunisie, Égypte, Italie (au travers de Wind dont France Télécom avait vendu sa participation à l’arrivée de Thierry Breton), Burundi, Namibie et Centrafrique (où Orange est déjà présent). Orascom pourrait être un allié. L‘échange de l’ensemble des actifs d’Orascom dans les télécoms contre une participation dans France Télécom – à l’instar de ce que Lafarge et Oras-com ont déjà fait dans le ciment – a en son temps été écarté par Didier Lombard, qui n’imaginait pas pouvoir s’allier à de « tels partenaires ». Séduisant, le Moyen-Orient ?

Stéphane Richard veut faire des pays émergents une zone de croissance pour le Groupe France Télécom. S’installer dans ces pays s’avère éminemment complexe, en termes d’alliances comme de stabilité économique et sociale. S’y adapter nécessite certainement d’inviter des représentants de ces pays au Comex et au Conseil d’Administration de France Télécom Orange. Saura-t-il le faire ?

Jean-Yves Larrouturou, en charge de l’international, devrait quitter le Groupe dans les prochains mois : ce départ « est apparu utile pour la dynamique et l'équilibre de l'équipe dirigeante ».

Espérons surtout que son remplaçant, dont le nom n’a pas encore été dévoilé, aura une véritable expérience et saura piloter l’activité internationale avec davantage de pertinence !

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